Je vous vois froncer le nez. Mais, à moins qu’une mouche ne se soit posée dessus, vous avez tort. Carly Rae Jepsen, ce n’est pas que Call Me Maybe. Loin de là. Et il serait temps que le public européen lui offre la reconnaissance dont elle bénéficie sur son continent natal outre-Atlantique. Certes, la canadienne à frange n’a pas pour vocation de s’illustrer hors d’une dance pop ultra-calibrée, mais elle est peut-être l’artiste qui pratique ce genre avec le plus de conviction et de consistance. Rien à foutre. Emotion défonçait, et reste l'un des meilleurs efforts de grosse machinerie post-eighties proposé par une vedette pop de la dernière décennie. Les chansons bien foutues débordaient très littéralement de Dedicated, au point de justifier une déclinaison en double album, car ses chutes de studio le méritaient.

Après, c’est sûr, Il faut rester cohérent. Lorsque je décide de prêter l’esgourde à un blockbuster comme The Loneliest Time, l’apôtre stoogien en moi sait qu’il peut rester assis à ronger son os en attendant que ça passe. Je n’y vais pas en espérant repartir avec des acouphènes, une dent perdue dans un pogo et des pathologies vénériennes imprononçables. Je ne m’attends pas à voir du sang gicler en gerbes grasses jusqu’au dernier rang ou à sentir la terre se fendre pour frayer un passage aux cornes suppurées de Lucifer en personne. Et ça n’a rien à voir avec le fait que ce nouvel album n’est clairement pas le plus solide de Carly.

Évidemment, on en tire notre ration habituelle de pétards rusées (Surrender My Heart, Bad Thing Twice), de grooves en plastique pour secouer du boule (Joshua Tree, Shooting Star) et de synthpop fluo (Bends). Question single imparable, Talking to Yourself pète sa mère. Armé de mon regard noir ainsi que de goudron, de plumes et de soude caustique, je combattrai quiconque maintiendra le contraire en ma présence. Il faut ce qu’il faut. Néanmoins, il est vrai que le rythme global de l’album le rend moins fluide que ses prédécesseurs. La trajectoire d’ensemble est agréable mais n’évite pas quelques bosses, avec surtout un trio de titres très dispensables (Far Away, Sideways et Beach House) qui arrive très tôt pour empeser la première face de l’album. Pourquoi ne pas leur avoir préféré une chanson comme Anxious, meilleure malgré son statut de bonus track ? Fort heureusement, ces trois titres sont aussi les plus courts du lot et le balbutiement est ensuite rattrapé par de jolis moments. On retiendra notamment quelques mélodies habiles (Western Wind, Go Find Yourself or Whatever) et un mignon duo de neo-disco avec Rufus Wainwright sur la chanson-titre qui clôt cet album certes hétérogène, mais qui n’en est pas pour autant médiocre.

OrpheusJay
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le 20 nov. 2022

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