The Miracle
6.7
The Miracle

Album de Queen (1989)

Trois ans s'écoulent après la sortie de "A Kind of Magic", le groupe a achevé la brève mais importante tournée "Magic Tour" et chacun s'est attaché à ses projets solo. Freddie Mercury vient d'enregistrer avec Montserat Caballe un album opera/pop comprenant le célèbre Barcelona qui sera utilisé en 1992 pour les Jeux Olympiques de Barcelone, Roger Taylor se produit avec The Cross et tout cela conforte certaines rumeurs de séparation imminente. Il n'en est pourtant rien puisque 1989 arrivé, Queen sort un album, et ce, curieusement, sous l'impulsion de John Deacon le bassiste taciturne. Il porte le titre "The Miracle", ce sous entend qu'il en a fallu un pour pouvoir le sortir et, chose nouvelle, toutes les chansons sont signées Queen et non plus du nom du membre auteur. Il y a sans doute des raisons financières à tout ça mais si on en croit l'atroce couverture (qui fait un peu peur), il s'agit aussi d'une volonté d'unité au sein du groupe.

Après ces 3 ans de silence Queen revient au crépuscule des années 80 et s'apprête à attaquer la décénie suivante. Le monstre à 4 têtes aborde donc ce tournant avec un esprit annoncé d'unité, ce qui apparaît dés le premier morceau de l'album.
"Party" constitue l'introduction de "The Miracle", il s'agit d'un bref morceau à la vocation festive assumée (c'est une peu le titre non ?). Il serait issu des premières sessions jam du groupe alors qu'ils commencèrent l'élaboration de l'album. Si cette chanson ne restera sans doute pas dans les mémoires comme le plus abouti des titres de Queen, il dégage néanmoins une atmosphère dynamique et remplit avec son rôle d'ouverture des hostilités.
"Kashoggi's Ship" s'enchaîne directement à la fin du morceau précédent dont le thème est très voisin. Le titre fait référence au milliardaire Kashoggi qui possèdait à l'époque l'un des plus grand yacht privés du monde sur lequel se déroulaient d'éxubérantes fêtes. Freddie Mercury y apparaît cabotin et arrogant, comme nous ne l'avions plus vu depuis un moment. Encore une fois, il ne s'agit pas d'un des morceaux les plus aboutis du groupe, couplé avec "Party", il achève cette entrée en matière d'une façon qui nous laissera plus perplexes que vraiment emballés.


"The Miracle" est donc le morceau titre de l'album, la chanson s'ouvre sur des pizzicattos puis sur le piano de Freddy Mercury dans une intro qui n'est pas sans nous rappeler "Killer Queen" ou certains morceaux de la même époque. Des nappes de synthé viennent se joindre à la mélodie, de façon pas forcément très justifée si ce n'est pour donner au morceau une atmosphère que nous qualifierons d'éthérée pour être généreux. Les paroles quant à elles sont relativement naïves, pleines de bons sentiments d'accord, mais à la limite du ridicule vers la fin. Vouloir que tous les hommes soient tous amis n'est pas une mauvaise idée en soi mais vouloir en faire un hymne est peut-être un rien niais, non ? L'image de Queen bravache et égoïste a toujours été plus convaincante que ses tentatives idéalistes et utopiques. Reste un clip amusant où les membres du groupes sont imités par de très convaincants enfants de 10 ou 12 ans.
"I Want it All" ouvre enfin les hostilités, nous en sommes déjà à la 4eme chanson, il était temps. Queen renoue ici avec le rock et les thématiques nettement plus individualistes qui lui vont si bien. Les riffs de Brian May sont acérés et Freddie Mercury retrouve son mordant. (bon, je ne voulais pas utiliser cette expression qui va lancer des blagues sur sa dentition légendaire) Il s'agit bien là d'un morceau purement rock, percussif, hargneux au possible et impeccable. Le solo et le break sont particulièrement efficaces et donnent un peu envie de faire du head-bang comme "Bohemian Rhapsody" (surtout si on l'écoute dans la voiture). Le morceau est supporté par un clip sobre, oui, en noir et blanc, faisant entrer la chanson parmi les classiques du groupe. Seul regret, on ne saura jamais ce que cette chanson aurait donné en concert, elle était pourtant taillée pour.
"The Miracle" commence donc à se montrer plus intéressant, "I Want it All" est une excellente surprise et c'est pourquoi c'est avec impatience que nous attendrons le morceau suivant.


Peine perdue ! "The Invisible Man" s'invite sur une série de notes synthétiques sautillantes d'un goût douteux. Soutenue par une basse répétitive mais entrainante, le morceau peine à convaincre par ses multiples effets spéciaux. On croirait voir revenir "Flash Gordon" et son pistolet en plastique, suivi de près par les plus artificiels des effets de "Hot Space". Le morceau est signé par le groupe entier, mais si Roger Taylor n'en est pas le réel géniteur, alors qu'on me greffe une perruque blonde et j'irai de par la galaxie combattre l'Empereur Ming. Tous les gimmicks pénibles du batteur se retrouvent là de façon éhontée. Ce petit côté pop-corn de la mélodie, ces lasers qu'on devine et même le solo bidouillé de Brian May, tout cela est certes présenté sous le jour de la dérision, mais nous en sommes déjà à la 5eme chanson et une seule s'est montrée vraiment convaincante. Le clip n'est pas en reste, pour ceux qui auront la curiosité d'aller le voir, il s'inspire vraisemblablement du jeu vidéo "Little Computer People" paru l'année précédente http://www.senscritique.com/jeuvideo/Little_Computer_People/381804


"Breakthru" relève le niveau. Elle est issue d'une collaboration Mercury/Taylor qui s'avère payante. Le clip montre le groupe jouer le morceau sur un train lancé à toute vitesse (bon il y a des accélerations video) et c'est somme toute très logique en raison de cette imparable rythmique très locomotivesque (mwouais) qui sous tend sa mélodie. Dynamique, enlevée même, "Breakthru" est également l'occasion pour Freddie Mercury de donner le meilleur de lui même dans une interprétation de choix. C'est tout naturellement que cette chanson intégrera le rang des classiques de Queen.
"Rain Must Fall" est nettement moins ambitieuse. Avec des rythmes un peu latinos et un ton léger, on imagine la patte du John Deacon de "Misfire" sur "Sheer Heart Attack" ou de "Who Needs You" sur "News of the World". Freddie Mercury renoue avec ses envolées les plus aigües dont il nous gratifiait jadis pour le plus grand plaisir des amateurs. John Deacon a cette façon de faire des chansons très sympathiques qui, sans devenir des hymnes, montrent une certaine efficacité et une certaine fraîcheur. C'est donc le cas ici malgré quelques effets, un peu parasites.
"Scandal" déboule ensuite avec sa rythmique plombée et ses nappes synthétiques décidemment inévitables sur cet album. Les paroles sont un brulôt sans concessions à l'encontre de la presse à scandale (aaaah d'accord) et son manque de respect pour la vie privée de nos amis les stars... Bon pas vraiment, à vrai dire ça tombe un peu à plat, voire même à côté. Queen n'a jamais été spécialiste des chanson engagées et ce n'est pas en 1989 que cette tendance va s'inverser. Sans être atroce, le morceau est anecdotique malgré sa sortie en single.
"My Baby Does Me" marque le retour de John Deacon avec une composition axée autour d'une basse un peu jazzy. Freddie Mercury semble très investi dans son chant, plus nuancé et carressant qu'à son habitude. Pourtant le morceau n'est guère très convaincant, trop en demi teinte et peinant à décoller.
Le bilan jusqu'ici n'est pas spécialement enthousiasmant. Jusqu'ici rien n'est proprement mauvais mais peu de morceaux sortent vraiment du lot et on commence à se dire que le Miracle ne s'est pas produit. Mais c'est parce-que le 10e morceau n'est pas encore arrivé.
"Was it All Worth" it clôt l'album (sur sa version sans extra tracks) d'une formidable façon. Une mélodie simple comme une comptine jouée sur un synthé aux faux airs de boîte à musique ouvre le morceau avant de se muer en riff hard rock bien assumé. Le groupe dresse dans cette chanson un bilan mitigé sur son aventure, entre désir de revanche, résignation et finalement acceptation et fierté de son accomplissement. Queen retrouve sa fougue dans ce morceau acide à la nervosité contenue trouvant son point d'orgue lors d'un pont instrumental grandiloquent, mêlant envolées aux accents wagnériens, musique de péplum et comédie. A n'en pas douter nous sommes là face à un rejeton perdu de "Bohemian Rhapsody", le genre de rejeton dont on peut être fier. Le groupe ranime la flamme avec ce morceau qui, en regardant en arrière, préfigure également son avenir avec "Innuendo". Il s'agit enfin du Miracle, ça aura littéralement valu la peine de patienter jusque là. Freddie Mercury voyait d'ailleurs cette chanson comme un chant du cygne, peu certain de pouvoir enregistrer un nouvel album avant que sa maladie ne l'emporte.
Selon les versions, sont à ajouter l'agréable "Hang on in There", morceau assez rock également qui constitue une belle conclusion à l'album et l'amusant "Chinese Torture", instrumental de Brian May anecdotique mais bien plus sympathique que ses inévitables "guitar solo" sur les albums live. Enfin une version "extended" de "Invisible Man" vient nous rappeler combien cette chanson est pénible.
Au final, "The Miracle" est un peu embarassant à critiquer. Ses morceaux réussis le sont vraiment beaucoup mais peu nombreux. Rien à part "Invisible Man" n'est vraiment horrible mais c'est quand même un peu juste avec un titre si ambitieux. Heureusement, et c'est ce qui justifie ma note, le sentiment qui reste après l'écoute de cet album est celui d'un album très agréable, ses meilleures compositions tirent finalement le reste vers le haut, "Was it All Worth it" est une merveille et avec "I Want it All" ou même "Breakthru", elle permet à The Miracle de trouver une place particulière dans la discographie du groupe, laissant présager le meilleur pour l'avenir. Hélas "The Miracle" est aussi l'album pendant lequel la maladie de Freddie Mercury se déclarera, lui laissant désormais peu de temps pour poursuivre son oeuvre.

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le 22 févr. 2013

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I Reverend

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