Alors que Crimson est mort depuis 3 ans et que Genesis est sous respirateur artificiel en cette année 77 , Van Der Graaf lui est en vie , se porte bien et vit toujours en Angleterre.


Sachant renaître de ses sens aussi rapidement qu'un phénix, à l'image de son comparse Crimson autrefois, Van Der Graaf nous jette par terre avec un nouveau son, un band pas tout à fait nouveau puisque Potter le bassiste revient et que Jaxon est un invité de marque. Exit Banton toutefois et son orgue somptueux et acidulé. Plutôt un violoniste fou en Graham Smith , beaucoup plus virtuose que Cross de Crimson, en prime. D'ailleurs Cat's Eye Yellow Fever, où trône Graham , n'a rien à envier aux morceaux les plus éclatés et puissants de Crimson. Quand VDG touche à la folie c'est avec la majesté d'un roi Shakespearien aussi. Et la vélocité du violon est un miroir des tragédies théâtrales qui emportent rois et reines dans Shakespeare .


Tout dans cet album nous montre à quel point la démarche artistique du groupe est unique, essentielle, miraculeuse . Personne ne se balance entre les étoiles comme lui et si la zone tranquille donne son nom au premier côté, méfiez-vous . Quand Hammill chante : “Voulez-vous danser avec moi” il y a toute les raisons du monde de se méfier.


Il n'y a aucune raison de jouer les cœurs brisés ou de déchirer sa chemise au contraire ce VDG est aussi fascinant que ses prédécesseurs. Moins somptueux certes que Still Life mais avec d'autres qualités dont l'urgence névrotique de la basse et du violon reflètent totalement.


La zone tranquille a aussi le chant des sirènes comme allié et la séduction envoutante est totale dans Siren Song. Un morceau magnifique où Hammill se fait légèrement amer et entre dans la zone noire qu'il connait si bien. Nous sommes à l'époque de Over (album solo de rupture de Hammill) et il y a dans Siren Song des relents de cela... Et tous ses baisers de la dépendance lui traversent l'esprit comme du champagne et brisent ses limites encore une fois. La partie médiane enjouée avec le violon est toutefois une première. VDG se réinvente. C'est beau et prenant et quand Hammill se demande ce qu'il advient de lui on est touché et angoissé....


Last Frame c'est du gros stock, la chanson clôt le premier côté en donnant les premiers vertiges de cette mouture. La basse profonde de film d'horreur de Potter résonne sur le violon qui tue. Ça y est le crime va avoir lieu et Hammill est de retour dans sa chambre noire et il amène le groupe dans ses murs pour une aventure lumineuse et sombre.... Pour chaque appétit, une cruelle attraction....


Le côté deux s'ouvre avec une douce vague courte: The Wave est magnifique par les vocalises, la basse dansante, le violon soumis et le piano classique...une tristesse s'élève dans cette vague et elle emporte...


Puis vient le fabuleux Cat's Eye Yellow Fever. Ce VDG est capable de se déchaîner totalement et il n'a rien à envier aux autres moutures.


Les 3 morceaux qui clôturent l'album sont des perles auxquelles se joint le sax de Jaxon pour d'eux d'entre elles. Oui Hammill nous le dit : “Je suis un homme qui sait que cela ne s'arrête pas” En effet et il faut voir avec quelle furie le groupe se déchaîne et n'arrête pas sur The Sphinx In The Face. L'entrée de Jaxon y était inévitable. Et contrairement à ce qu'il chante Hammill n'est pas en train de se fossiliser. “Your so young your so old”.... fascinant chorus qui n'en finit plus d'éblouir...
Le désespoir n'est jamais loin et mène au monde chimique. Chemical Words en est le constat génial ! Le traitement des voix est si acidifié, fucké, en ce début de chanson qu'on ait sûr que Hammill n'est pas revenu du monde chimique. Un morceau qui grandit et finit par vous laisser complètement légume, dansant du pied et de la tête. “ C'est juste la drogue, elle ne dure pas ” et la voix de Hammill s'évanouit.... Nous sommes rassurés, Hammill ne sera pas un nouveau Syd Barrett


La reprise finale de The Sphinx In The Face finit de nous achever.


Oui avec le côté 2 nous sommes sous le dôme du plaisir, plaisir inquiétant, chimique, ravageur.


Et comme le chante Hammill : “Je marchais dans la nuit et je cherchais quelque chose de bon, bien, pur, droit et j'ai trouvé le mur qui frappe et la porte ...elle était ouverte , j'étais libre...”


Voilà, nous aussi en cette année 77 nous cherchions cela peut-être pour une dernière fois dans la merde ambiante grandissante et VDG nous l'offrit , sorti tout droit de sa galaxie et de sa balançoire suspendue aux étoiles.

RockNadir
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le 18 juil. 2020

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