Rock total

Avec “The Twits”, deuxième album de l’année pour le groupe britannique, Bar Italia confirme que la scène rock devra compter sur eux dans les années à venir.

Les grands groupes de rock se reconnaissent à leur complémentarité. Chez Nina Cristante, Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton, le son est crade mais l'alchimie est limpide. Pourtant, nul ne sait comment les trois acolytes aux voix lancinantes se sont rencontrés. Bar Italia est une entité brumeuse. Aucun de ses membres ne donne d’interviews, peut-être pour que la musique parle d’elle-même. Dès les premières notes de “The Twits”, la patte du groupe britannique se fait sentir, convoquant aussi bien le meilleur du rock garage que du blues.

Le jeune groupe underground avait affirmé son art dès ses deux premiers projets, “Quarrel” (2020) et “Bedhead” (2021), certes fouillis mais déjà marquants par leur énergie et leur radicalité. “Tracey Denim”, sorti plus tôt dans l’année, lançait définitivement une carrière pleine de promesses, ressuscitant le meilleur des années 1990 avec brio. Le groupe nous y entraîne dans les bas-fonds londoniens par des mélodies entraînantes, toujours sur le fil du rasoir. Le projet avait été unanimement apprécié par la critique, le Guardian le qualifiant déjà “d’un des albums les plus marquants de 2023”. La chance du débutant ? Même pas six mois après, sans doute poussés par l’urgence de la création palpable dans leur musique, Bar Italia vient clôre le débat avec “The Twits”.

Classe, fragile et nonchalant

Il y a du PJ Harvey, des Strokes, du Sonic Youth ou des Cure période cold-wave dans ce quatrième projet paradoxalement sinistre et réjouissant. Les Bar Italia nous offrent des récits en trois temps où les voix délicieusement approximatives des chanteurs se succèdent, sur un fond de culture rock immense. Le larcen, les pincements de guitare désordonnés et autres distorsions viennent contrebalancer le lyrisme. L’accent cockney évoque, aussi, d’autres losers magnifiques comme Pete Doherty, King Krule ou Baxter Dury. 

Enregistré par le groupe au moment de la sortie de leur précédent album à Majorque, “The Twits” fait intervenir Marta Salogni au mixage, collaboratrice régulière des labels indépendants britanniques tels que XL Recordings et Young Turks, et co-productrice du dernier Depeche Mode ou du premier projet de Romy. Au fil des 13 titres, Bar Italia nous donne à boire et à manger, mais nous régale toujours. La ferveur post-punk, perceptible dès le titre de l’album pouvant être traduit par “les crétins”, rencontre l’indie rock, mêlant puissance et émotion. Le talent brut du trio s’exprime avec classe, fragilité et nonchalance. Les Bar Italia, qui ont fait leur premiers pas sur scène en juin dernier, se produiront au Pitchfork Festival à Paris ce 11 novembre dans le cadre de leur tournée européenne. L’occasion de découvrir les flegmatiques britanniques, qui referont sans nul doute parler d’eux très vite, après avoir sorti l’un des meilleurs albums de 2023, pour la deuxième fois.