J'vais pas vous faire le coup des présentations hein!
Vous savez tous qui sont ces deux rappeurs qui ont fait de l'année 2020 leur chose.


Entre un enfant d'Englewood, au sud de Chicago, qui, après presque 10 ans de carrière et plus de 15 albums/mixtapes, a enfin atteint la reconnaissance qu'il mérite avec 2 projets de très haute facture, "The Voice" et "Just Cause Y'all Waited 2" et un gamin d'Atlanta qui, depuis 2012 et son "Freestyle" mémorable sur "Too Hard", n'a cessé d'accroître sa notoriété à coups de Bangers irrésistibles, de Featurings bouillants, de projets solides, jusqu'à "My Turn" l'un des albums les plus vendus en 2020 et le titre rassembleur "The Bigger Picture", alors que Black Lives Matter luttait dans les rues, un album collaboratif était une bonne idée, sur l'papier.
Ils avaient déjà prouver leur alchimie sur "3 Headed Goat" (avec Polo G), "Finesse Out The Gang Way", "Sharing Locations" (avec Meek Mill) et sur "EVERY CHANCE I GET" le rare titre réussi du dernier étron sonore de DJ Khaled. Alors un album collab', avec plaisir!


Nous avons eu un bon nombre de ces albums en équipe au cours des six années écoulées depuis que Drake et Future ont créé "What A Time To Be Alive" (oui, oui ce sont pas les premiers!...). Habituellement, des albums comme ceux-ci sont souvent ressentis comme des démonstrations. Ce ne sont pas des œuvres canoniques. Non, plutôt des réunions au sommet où deux étoiles se saluent sur un même niveau, ou presque, et l'on est obligé, parfois, de les comparer malgré nous.
C'est absolument le cas ici. Durk et Baby ont du sens ensemble, et il est logique qu'ils veuillent célébrer le succès de l'autre sur cette bande.
Mais une grande partie de ce qui distingue Lil Durk et Lil Baby – ce qui les rend si résonnants en ce moment – ​​est que tous les deux gardent la tristesse et les traumatismes au centre de leur musique. Et finalement, ça ne peut pas être une coïncidence si Durk et Baby ont tous deux atteint le sommet de la célébrité au cours d'une année de pandémie et de protestation. Baby a abordé ce dernier de front dans " The Bigger Picture ", tandis que Durk continue de subir perte après perte à la vue du public. L'année dernière, l'ami et collaborateur de Durk, King Von, a été abattu juste au moment où sa carrière commençait à s'enflammer. Il y a une chanson sur l'album, intitulée "Rich Off Pain", sur laquelle le chanteur invité du morceau, Rod Wave, décrit toute la situation pour ces trois gars: "Je suis venu de marcher sous la pluie, j'ai prié pour des jours meilleurs"
L'argent est un remède pour beaucoup de choses, mais il ne guérit pas la douleur. "The Voice Of The Heroes" n'est pas un album fait avec beaucoup de soin ou de considération. Il est assez facile de dire, juste à partir du dessin de la pochette, que Durk et Baby ont enregistré TVOTH rapidement, à la fois s'en tenant à leurs voies et faisant ce qui est déjà dans leurs compétences complémentaires. Le titre de l'album est censé être une combinaison des surnoms des deux rappeurs, mais il ressemble au nom d'une compilation de bénéfices post-11 septembre. Ce titre est une première ébauche. À peu près tout sur The Voice Of The Heroes ressemble à une première ébauche. Ce n'est même pas une critique. Ho non, bien au contraire.


Je pense même que ce choix était intentionnel.
Durk et surtout Baby sont tous les deux dans des moments où ils pourraient facilement atteindre la célébrité Rap Mainstream s'ils le voulaient. Au lieu de cela, l'album fonctionne comme une réaffirmation de leur attachement au street-rap brut qui leur vient naturellement à tous les deux. Cela fait que ces morceaux sonnent un peu comme un passe-partout de la Trap d'Atlanta.
Durk est effectivement de Chicago, mais il s'est toujours inspiré du modèle Future (melodic-moan), il semble plus à l'aise sur les rythmes trap. Baby, quant à lui, est une pure créature du système stellaire d'Atlanta.


La production de l'album est merveilleuse, différents types de rythmes étant utilisés, aucun (ou presque) ne sonne maladroit. Tout cela grâce à des producteurs de talent tels que Wheezy, London on da Track, ATL Jacob, Turbo, Chi Chi, Murda Beatz et le jeune surdoué de 17 ans YoungTN et bien d'autres.
London est absolument fantastiques avec "Still Hood" utilisant un très bel instrumental soutenu par de superbes contre-mélodies légèrement nostalgiques avec un beat désordonné mais accrocheur et un rythme séduisant type Polo G sur "Medical".
Wheezy ne déçoit pas avec "Who I Want", l'instru sauvage soutenu par de merveilleuses nappes de piano.
Chi Chi est parfait avec son beat Trap idéal pour que Travis Scott, Lil Baby et Lil Durk puissent s'exprimer, les pads et les drums étant les couches qui relient leurs trois styles.
"Please" est un titre très bien produit, le seul crédit pour Turbo sur l'album, utilisant un magnifique son rêveur et l'associant à un beat assez exceptionnel, portant en quelque sorte Baby et Durk. "Rich Off Pain" avec Rod Wave, produit par TnTXD, a une instru a l'énorme influence 2010-2015 et soutenu par de bon gros drums trap.


TVOTH est peut-être un peu trop long et légèrement engourdi; c'est le genre d'album à casser tous les sites de streaming. Et une fois que vous avez compris ce que font Durk et Baby, c'est aussi un album de rap assez solide, ne serait-ce que parce que la douleur reste toujours au centre.


Durk, en particulier, refuse de laisser la douleur s'estomper. Sur ses propres projets, comme "The Voice" , il devient souvent un peu trop cru, au point de s'interroger pour le bien-être de l'homme. Les albums en équipe ne sont généralement pas l'endroit pour ce genre d'intensité émotionnelle, mais Durk s'y met parfois ici : “I know how it feel to have the killers tell you everything/ I know how it feel to wake up cut up from them bed springs.” Sur la toute première ligne de l'album, Durk déplore le coût du passé fait d'incarcérations : “Missed out on my kid’s life for a year, and I gotta accept it.” Il n'arrête pas de rapper une dure réalité .


Lil Baby est aussi un rappeur émotionnel, mais il est rarement aussi cru que Durk. Au lieu de cela, Baby est un styliste et une merveille technique. Il peut transformer les flux chantants de sa ville natale en rafales rapides et collantes. Durk a un style plus varié que Baby mais ce dernier est moins erratique. Il a toujours l'air solidement enfermé, comme s'il ne pouvait pas se laisser distraire par le son de sa voix sur toutes ces pistes. Alors que Durk a l'air d'être encore plongé dans la merde de la rue, Baby célèbre le fait qu'il commence à s'en libérer : “When I get older, I might have back problems, these Cuban links big as hell/ I done fucked M’s up with these lawyers, tryna get my n***as out of jail.”


Mais quand il parle de son séjour en prison, Baby semble tout aussi présent que Durk. Tous deux échangent des souvenirs de vie enfermée, et il est clair que ces cicatrices mentales n'ont pas guéri. Baby se souvient des dangers, des inconforts et des humiliations spécifiques dans les moindres détails.
Durk, quant à lui, devient existentiel sur la culpabilité d'être un père incapable d'être là pour ses enfants avant même d'être enfermé.
Pour un album qui parle en grande partie du triomphe, The Voice Of The Heroes est implacablement triste.


À l'heure actuelle, le rap qui fonctionne semble être dans un cycle de deuil prolongé. Certaines de nos plus grandes stars en ce moment ne sont plus avec nous.
Q'ailleurs, Durk et Baby ont reculé la sortie de leur album d'une semaine pour faire place au LP posthume de DMX "Exodus".
Même les plus grands rappeurs semblent être bloqués sur la perte, la dépression et la dépendance.
Et les pertes continuent de s'accumuler. Le même week-end que "The Voice Of The Heroes" est sorti, le frère aîné de Durk, OTF DThang, a été tué par balle à Chicago.


En résumé, "The Voice Of The Heroes" n'est pas simplement une convergence des univers respectifs de Lil Baby et Lil Durk ; il agit comme un communiqué de presse, faisant écho au succès des 12 derniers mois et plus de leur carrière personnelle.
Ce projet collaboratif est une célébration du triomphe mais une image miroir de la douleur.
C'est un album sur les richesses et l'extravagance gagnées au moyen d'un travail épuisant et le regret du survivant de voir ses compagnons tomber de la pire des façons.


Plus sombre qu'il n'y paraît mais une réussite (presque) totale.


8/10

BRKR-Sound
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le 12 juin 2021

Critique lue 451 fois

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