Vouerca/Fahy
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Vouerca/Fahy

Album de La Tène (2016)

Parmi les talents du terroir rassemblés sur la compile FOLK de la Souterraine, il y a un trio qui se détache tout particulièrement par sa longue piste instrumentale : La Tène. Or que vois-je ? Les bougres ont sorti leur premier album plus tôt cette année. Après quelques menues recherches, il s'avère que les trois gusses de La Tène sont loin d'en être à leur coup d'essai : Cyril Bondi et D'incise sont deux suisses membres de Diatribes, groupe d'impro/free-jazz (Cyril est également membre du groupe de jazz contemporain Plaistow), tandis qu'Alexis Degrenier est membre du groupe de psych/kraut français Tanz Mein Herz, ainsi que d'un collectif de reprises de Moondog. Quoi de plus normal qu'une fois ensemble ces trois là fassent une musique diablement originale ?


Vouerca/Fahy se présente de façon austère avec sa pochette en dégradé marron/orange/vert affichant un paysage rocheux. Il faut dire que le contenu n'est pas non plus le plus hospitalier qui soit. La démarche de La Tène est d'aller redécouvrir de vieux motifs mélodiques, des ritournelles datant du Moyen-Âge, et de les étirer à l'infini en les ralentissant et les épurant jusqu'à nous en marteler l'essence nue à la figure pendant 20 minutes. Pour ce faire, ils s'équipent chacun d'un instrument propre : l'harmonium électronique pour D'incise, la vielle à roue pour Degrenier et une bonne vieille batterie customisée pour Bondi. Dans un morceau-type de La Tène (il n'y en a que 3 à ma connaissance), les drones s'installent en se chevauchant ; la vielle saccade le sien à grands à-coups de manivelle (un peu comme l'alarme incendie de votre école si vous voulez - ne partez pas!) tandis que l'harmonium occupe le fond avec des vagues monotones de timbres divers, rappelant aussi bien l'Inde où il a été conçu que de vieux relents païens rituels ou même de la bonne vieille kosmische musik. Le batteur lui, tape lentement du pied avec une constance remarquable, faisant cliqueter lourdement des bidules métalliques qui laissent imaginer un prisonnier qui trainerait inlassablement ses chaines. Ambiance. Une fois cette atmosphère installée, qui convoque un Moyen-Âge sombre et impie, inexorable et impitoyable, les choses se mettent en branle. Les mélodies, toujours minimales et lancinantes, se développent petit à petit, la vielle s'extrait de ses deux notes hypnotiques pour aller construire de nouvelles boucles plus loin et l'harmonium gonfle son spectre mélodique pour varier ses drones. À eux deux ils créent une mélodie de fond qui paraît rester statique tout en s'autorisant de légères variations à mesure que la pièce progresse. Les deux sont des drones, pourtant les deux mènent la mélodie. Quant à la batterie, elle démarre plutôt simplement avec une frappe unique qui définit le tempo. Chaque apport de la batterie reste intact, monolithique du début à la fin, Bondi se contente d'ouvrir petit à petit son jeu pour donner plus d'ampleur et finir par marteler ses toms jusqu'au climax.


Sur Vouerca/Fahy cette formule est assénée sans pitié. Avec bien sûr des variations ; la "Danse de Vouerca" (Face A) est très différente de la "Marche de Fahy" (Face B), de même que le format diffère quelque peu sur "La Thouraz Di Sopra", morceau bonus d'"à peine" 12 minutes qui apparaît sur la compile de la Souterraine évoquée plus haut. Ce qui est une très bonne nouvelle pour la pérennité de La Tène, qui montre dès son premier essai une capacité à varier une recette qui pourrait très bien se contenter d'être répétée à l'infini et continuer d'être efficace. En espérant donc que ça ne reste pas un coup d'un soir ; la célébration de l'obscurantisme a encore de beaux jours devant elle.

T. Wazoo

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