Le combat du siècle ?

A ma gauche, Ben Klock, DJ résident du célèbre Berghain, club qui donne encore aujourd'hui les grandes tendances en matière de techno, notamment via son label Ostgut Ton. A ma droite, Lucy, Luca Mortallero de son vrai nom, fondateur du fameux label techno Stroboscopic Artefacts et producteur d'une techno d'une précision et d'une originalité incroyables. Les voir collaborer sur ce War Lullaby aurait du donner lieu à une techno d'une richesse exceptionnelle, Stroboscopic Artefacts étant connu pour la qualité de ses sorties, et n'importe quel connaisseur en matière de techno attendait de pied ferme la confrontation entre les deux hommes.

Malheureusement, on a plutôt ici affaire à un deuxième Mayweather vs Pacquiao, et l'écoute laisse un goût assez amer dans la bouche. Ce qui apparait avant tout est en effet un air de redite, tant les deux producteurs semblent proposer une techno certes efficace mais peu originale comparativement à leurs sorties habituelles, en oscillant entre kicks à peine intéressants et grands espaces désolés. Dès le premier morceau, Bliss, on ne peut en effet s'empêcher de penser à une autre sortie de chez Stroboscopic Artefacts, la Monad XVII d'Eomac plus exactement, avec cette techno un peu beatless qui fait ici office d'introduction. De même, le deuxième morceau, War Lullaby, propose une techno étonnamment grasse quand on connait la passion qu'ils entretiennent d'habitude pour la pureté sonore, qualité que Ben Klock avait démontré à merveille sur son album One sorti en 2009.

Ce qui frappe le plus sur cette sortie, c'est sans aucun doute la retenue des deux producteurs, comme si ils avaient eu peur de laisser parler leur originalité. Les rares moments de grâce de l'EP apparaissent ici très contrôlés, et même Santoria, très bon morceau avec ces percussions finement travaillées (le mastering de Dadub aide bien) ne sort pas réellement d'une esthétique club. Et seul le morceau final A Ghost Lovestory tout en ambiance arrive vraiment à sortir de cet esprit, uniquement pour mieux sombrer dans la vacuité en ne proposant rien derrière cet aspect très simple.

Loin du résultat incroyable et fusionnel qu'on aurait pu attendre de cette collaboration, Lucy et Ben Klock proposent non pas un mauvais EP mais un EP de techno très classique, comme si Klock manquait de matériel pour ses sets à rallonge. Une confrontation frustrante pour le public mais peut-être passionnante pour quelques connaisseurs, un résultat un peu semblable à celui d'un certain match de boxe ayant eu lieu il y a peu.

Sur mon tumblr : http://assholeignoramus.tumblr.com/post/119285531324/lucy-klock-war-lullaby