Weather Diaries
6.3
Weather Diaries

Album de Ride (2017)

Dur, dur de ne pas poser ses doigts sans de gros a priori sur le dernier Ride. Résumons brièvement la situation :


De 1990 à 1992, les gamins d’Oxford sont devenus une des têtes d’affiche du mouvement shoegazing. Revenir sur ce qu’ils ont produit pour effectuer un droit d’inventaire permet de comprendre à quel point ce statut fut mérité. Entre une série d’EPs époustouflants, un chef d’œuvre référentiel (Nowhere) et un excellent second jet, le groupe peut toujours être considéré comme un des monuments des 90s.


De 1994 à 1996, les jeunes adultes d’Oxford sont passé du statut de sauveurs du rock à celui de has been. Leur reconversion vers une britpop à la mode pour devenir les nouveaux Byrds les a juste transformés en pastiche des Californiens. Le pire étant atteint sur l’ignoble Tarantula. Un putsch orchestré par Andy Bell afin de transformer l’une des formations les plus excitantes du début des années 1990 en un rock balourd et régressif.


Il y a donc beaucoup d’interrogations concernant ce disque post-reformation qui a mis longtemps à paraître (les ex-gamins ayant enchainé les concerts avant de rentrer en studio). Aurons-nous droit à un simple retour aux sources ? Balayant la période britpop honnie par beaucoup de fans de la première heure ? A un regard exclusif sur cette ère controversée (soyons fous) ? Ou tout simplement à un pot-pourri de leur carrière ? Pas folle la guêpe, c’est la dernière option qui est privilégiée.
Les rares grands albums de reformation (citons Portishead et Celtic Frost pour mettre tout le monde d’accord) ont ceci en commun : ils apportent quelque chose d’inédit dans la discographie d’un groupe. Ride n’est pas fou. Ils ont tenté le virage à 90° dans le passé et ont fini dans un arbre. Priorité à la sécurité.


Et c’est sans doute la démarche la plus maligne qu’ils pouvaient adopter.


Weather Diaries est l’enregistrement le plus bigarré de Ride. Peut-être même plus que Going Blank Again. Les montées en puissance des grands moments de leur shoegaze sont de retour (l’épique « Lannoy Point »), les refrains fédérateurs également (« All I Want » qui a tout d’un futur classique). Même chose pour leur psychédélisme nous faisant décoller du plancher des vaches (le morceau titre et « Home is a Feeling »), sans oublier cette rythmique lourde et ingénieuse faisant toute leur intensité (« Cali » et « Lateral Alice »). En un peu plus de cinquante minutes, on redécouvre une bande ayant retrouvé sa capacité à écrire de bonnes chansons et son identité. Ce mélange entre neuf et ancien qui faisait parraître leur musique à la pointe de la modernité il y a (déjà) plus de vingt ans.


Est-ce un album majeur pour autant ? Évidemment que non. Weather Diaries est inégal. « Charm Assault » est une très bonne composition mais son refrain est banal (il prend néanmoins une dimension insoupçonnée en live). « Home is a Feeling » n’est que du sous-Slowdive. White Sands » et la piste éponyme mettent des lustres à démarrer. Quant à « Integration Tape », c’est seulement un interlude ambient sans le moindre intérêt.


Pourtant, que ça fait plaisir d’entendre des gens, plus tout jeunes, tenter de nouvelles idées sur un disque de retour ! Les touches d’électronique qu’on peut ouïr régulièrement sur « Rocket Silver Symphony » (une composition du batteur Loz Colbert) ou le glitch vocal de « All I Want » montrent des musiciens cherchant à éviter de s’enfermer dans un schéma de composition. On en viendrait à espérer rapidement un nouveau skeud de leur part afin de voir comment cette envie de se diversifier se concrétisera à l’avenir.


Certes, je prends un risque en couchant ces paroles sur le papier tant les reformations sont rarement pertinentes. Mais Weather Diaries parvient presque à me faire oublier cette fameuse période honnie des fans de la première heure.


Alors comme on dit, l’espoir fait vivre.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 5 sept. 2017

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