Young Tree
7.5
Young Tree

Album de Groundation (1999)

Déjà les repères vacillent délicatement. Le calme plat laisse gentiment place à l'ondée. L'oreille tique, la conscience s'étonne. Sont-ce les cuivres omniprésents, perturbateurs? Est-ce cette voix nouvelle, ce chant d'ailleurs? Est-ce ce piano jazzy? Ces contretemps surgissant d'ici et là?

Trouble et confusion ouatés.

De racines roots assumées, Groundation extrapole un univers personnel haut en couleurs, unique en son genre. Le jeune Stafford (17 ans !) et les autres tâtonnent, hasardent, explorent avec une énergie communicative, réinventent le reggae.

C'est l'album de la jeunesse, de la fougue, de la découverte. Groundation brouille les pistes. "Long, Long Ago", vibrant hommage aux reggae jamaïquain de l'âge d'or laisse entrevoir un disque traditionnel anachronique, perdu dans son siècle. Lui succède pourtant un "Glory To The Kings" dévastateur de certitudes, discrète révolution musicale voyant s'inviter le véritable Groundation, timidement, comme effrayé par ses légendaires origines.

Ainsi, le phrasé contrôlé, travaillé d'Harrison Stafford porte en lui, palpable, ce besoin d'émancipation, cette démence créatrice qui fera de Groundation l'entité qu'elle est aujourd'hui. Mais il peine à s'offrir pleinement, balbutie son talent...ose parfois et c'est l'apothéose! ("Glory To The Kings", "Vibes Alive")

En sourdine, pourtant, affleure un reggae novateur, ouvert au jazz natif et à l'improvisation. Il prend forme le temps d'une dévorante ligne de basse de Ryan Newman ou sous les doigts de Marcus Urani inspirant rêve et évasion à son piano ("Dream").
Une heure durant, Groundation secoue le reggae de ses pairs, brusque les codes établis. De fulgurances sauvages en paisibles retombées, Young Tree est un album passionnant par ses imperfections.
Groundation ose.

Un regard en arrière soudain. Quel bazar! Quel charivari! Young Tree va en heurter plus d'un. Maudit fauteur de trouble. Il est temps d'apaiser les esprits, temps d'un consensualisme de bon aloi, d’une clôture en douceur, d'un au revoir qui dit à bientôt avec un petit air de profession de foi ("Groundation Chant/Grounding Dub").
Ainsi s'achève ce premier album, délicieusement imparfait, prodigieusement émotionnel, prémices de chefs-d'œuvre à venir, signant l'acte de naissance d'une des formations les plus novatrices de ce siècle.
-IgoR-
7
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le 22 nov. 2014

Critique lue 470 fois

-IgoR-

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