100 Bullets est une série qui m’a marqué. C’est le genre de série qui une fois lue, augmente notre échelle de tolérance, d’attente dans nos lectures suivantes. Brian Azzarello et Eduardo Risso nous ayant offert une intrigue époustouflante et oppressante, une histoire dont on ne ressort pas identique à ce que nous étions avant la lecture. L’un des gros points forts de la série étant les personnages imaginés et développés par Azzarello. Des personnages forts, tourmentés et autodestructeurs. Et au milieu du chaos, du sang et de l’horreur, un personnage brillait de par son sadisme et sa cruauté : Lono !
C’est donc avec beaucoup d’excitation et d’attente que j’attendais de pouvoir me plonger dans la lecture de Brother Lono, cette minisérie de huit épisodes, nous racontant ce qu’il est advenu du monstre Lono après qu’il ait abandonné Dizzy et Graves à leur triste sort.

La dernière fois que Lono a été aperçu vivant, c’était avant son affrontement funeste avec Dizzy Cordoba. Mais il faut plus qu’une balle dans la poitrine pour éliminer définitivement l’indomptable Minuteman. Depuis les derniers événements survenus dans 100 Bullets, Lono a quitté les États-Unis pour le Mexique, où il vit pour l’instant caché dans un monastère. Un lieu saint dans lequel les nonnes dissimulent bien des secrets… (Contient : Brother Lono – #1 à 8)

Et les nouvelles aventures de Lono se déroulent maintenant au Mexique. Et disons le tout net, sans tourner autour du pot : Quelle déception, quelle claque de découvrir Lono se museler lui-même, de se retenir, de s’interdire d’agir selon sa nature, de vivre reclus dans un petit monastère perdu dans le « trou du cul du monde » et de demander au shérif du coin de le laisser passer la nuit en prison lorsqu’il ressent ses vieux démons venir le titiller… Autant le dire, la déception fut très grande. Et encore davantage en comprenant que Lono n’était pas clairement le point central de l’histoire. Enfin, pas toujours.

Avec Brother Lono, on se retrouve en plein hommage au genre grindhouse, avec une ambiance oppressante, de la sueur, du sable et une véritable passion pour la torture tant physique que psychologique. Mais on est bien trop loin de 100 Bullets, et le travail sur Lono n’est soit pas assez développé, soit un parjure à ce que l’on a pu voir dans 100 Bullets. C’est au choix des différents lecteurs.

La ville où Lono a posé ses valises est le point névralgique d’un trafic de drogue se déversant dans le sud et le centre des Etats-Unis. Un trafic dirigé par des jumeaux, que personne n’a jamais vu. Tout le village et ses alentours sont sous le contrôle d’un de leur lieutenant et tous marchent au pas hormis un petit monastère, faisant office d’orphelinat, protégé de toutes les horreurs et des meurtres qui se produisent dans les environs. Et si les grands pontes n’aiment pas se salir les mains pour arriver à leurs fins, ce n’est pas le cas de leurs subalternes. Azzarello et Risso nous offrant notre lot de scènes de tortures dérangeantes, violentes, humiliantes et parfois même un peu trop gratuites. Et oui, il faut bien compenser ! L’histoire proposée n’étant clairement pas à la hauteur et hors-sujet de 100 Bullets, les auteurs se décident donc à nous en mettre plein la vue en y allant crescendo dans le malsain et la violence ! Si la violence de 100 Bullets ne me dérangeait pas du tout car elle était au service de l’histoire, ici c’est l’histoire qui n’est qu’un simple prétexte pour cette débauche de torture ! Rajoutons à cela un exportateur américain ne servant à rien, un membre de gang voulant retourner sa chemise de façon peu crédible et enfin un membre du DEA pour nous faire croire que la police à un rôle à jouer dans cette partie d’échec sinistre et macabre où il est mauvais de réveiller le fou…

Se pose alors la question : « Pourquoi cette histoire ? » Car elle ne rajoute rien à la fin (pas forcément réussie) de 100 Bullets, et l’histoire est bien trop loin de toute l’intrigue géniale, puissante et intelligente de la série-mère pour en être un véritable épilogue. Non, les auteurs semblent avoir voulu tirer sur la corde, nous prendre pour des « vaches à lait » et nous offrir une séance de rappel pour Lono. Mais pourquoi cette direction ? Pourquoi vouloir nous faire croire à une rédemption (idée complètement farfelue et loufoque) de la part de Lono ? Rajoutons un développement des autres personnages soit pathétiquement cliché (le bon petit padre prêt à tout pour son monastère et les enfants…), soit complètement virant dans le n’importe quoi (les jumeaux…).

Difficile de trouver un véritable intérêt pour ce Brother Lono. Même le final explosif ne rectifie pas le tire. Et pire nous pousse encore davantage à nous interroger sur le pourquoi. Et au final Lono est égal à lui-même et les cent quatre-vingts trois pages précédentes n’auront servi à rien…

Graphiquement le duo Eduardo Risso (dessin) et Patricia Mulvihill (couleur) fait toujours autant des merveilles. Qui mieux qu’eux pour nous donner l’impression de bouffer la poussière, de ruisseler de sueur et de sentir cette dernière dans cette ambiance suffocante, d’avoir l’impression d’être écrasé par une sensation d’oppression. Qui mieux que Risso pour nous retranscrire de cette façon des scènes de tortures insoutenables, de nous représenter des personnages tout aussi misérables les uns que les autres et se battant pour des miettes. Qui mieux que lui pour nous pointer du doigt la détresse et la déchéance humaine ?

Bref, je n’ai pas passé un bon moment aux côtés de Lono. Pas un mauvais non plus. Mais si certains fans de 100 Bullets y verront un moyen de prolonger l’aventure de leur série préférée, je n’y ai vu, pour ma part, aucun intérêt, malheureusement… Loin d’être indispensable, bien au contraire, nous sommes à des années-lumière du génie de 100 Bullets. C’est le souci de sortir un sin-off d’une série, on sera forcément jugé par rapport à la série-mère. Et là le constat est sans appel…
Romain_Bouvet
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le 6 août 2014

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Romain Bouvet

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