Démarre lentement pour mieux nous prendre à la gorge

Il est indéniable que 100 Bullets est sans aucun doute une œuvre culte ! Le genre de série que n’importe quel fan de comics se doit d’avoir dans sa bibliothèque, ou du moins est obligé d’avoir lu au moins une fois. Brian Azzarello nous livrent une intrigue coup de poing, pleine de violence, avec une intrigue qui va bouleverser la vie de très nombreux personnages ! Une intrigue d’une grande richesse, qui pousse à la réflexion.


L’impassible Agent Graves a une proposition à vous faire. Dans la mallette qu’il vous confie, la photo de votre pire ennemi et le nécessaire pour vous en débarrasser : une arme, 100 munitions totalement intraçables et l’assurance d’une totale immunité. Dizzy la délinquante, Dolan, barman sur le retour, et Chucky, joueur invétéré, vont-ils tour-à-tour saisir cette chance unique de rayer de l’équation la personne qui a fait de leur vie un enfer ?
100 Bullets ou le polar par excellence, défini par les maîtres du genre : Brian Azzarello (Hellblazer, Batman DKIII) et Eduardo Risso (Je suis un Vampire, Point de Rupture). Récompensée à plusieurs reprises par l’académie des Eisner et des Harvey Awards dans les catégories Meilleur Scénariste, Meilleur Dessinateur et Meilleure Série, 100 Bullets s’inscrit parmi les classiques du label Vertigo unanimement salués, désormais disponible en intégrales.
(Contient les épisodes #1 à 19)


Avec les sept premiers épisodes, nous faisons le plein de personnages ! A trois reprises, le mystérieux agent Graves vient à la rencontre de personnages meurtris, uniques et pas forcément fréquentables, pour leur proposer de se venger de ceux qui ont détruit leur vie. Toujours le même rituel, une mallette, une arme, des balles leur assurant qu’ils ne seront jamais ennuyés et la photo du responsable de leur malheur. Une fois la mallette en main, Graves s’en va et cela se résume entre leurs consciences et eux ! Que faire ? Que ferions-nous, nous ?


Trois histoires et trois fins différentes. Un survivant, un mort et une fin où nous pouvons imaginer ce que l’on veut. Et pour le moment rien pour relier les histoires ensembles hormis l’agent Graves et sa mallette. Des personnages qui sont là pour leur histoire et puis basta. Difficile, dans tout ça, de se faire une idée me direz-vous. Et pourtant, pourtant, on sent que cette histoire de mallette n’est que l’arbre qui cache la forêt. Des petits indices comme Megan Dietrich, pour ne citer qu’elle, que sèment Brian Azzarello.


A côté de cela, nous avons l’ambiance ! La noirceur que dépeint Azzarello m’interpellent, j’aime ce genre d’ambiance, quand le scénariste appuie là où ça fait mal. Lorsqu’il montre la misère humaine, celle que l’on ne veut pas voir dans la vraie vie, celle qu’on ignore alors qu’elle se trouve tout autour de nous. J’aime la façon dont il tourmente encore davantage ses personnages en leur offrant ce choix si difficile.


Et nous, que ferions nous à leur place, car c’est un peu le but aussi de cette histoire. On se pose d’autant plus la question que la médiocrité et la précarité des vies des personnages, à qui cela arrive, sont si bien retranscrites, sont si criantes de vérité que l’on peut aisément se mettre à leur place et nous demander « A leur place, je tire ou pas ? » Tout nous pousse à dire oui…


Après ces premiers chapitres, les choses s’accélèrent ! On réalise petit à petit que cette mallette n’est pas un cadeau de la part de l’agent Graves, mais bel et bien un outil qu’il utilise de façon incroyable pour arriver à ses fins, pour « réveiller » ses gens et les ramener pour une guerre !


Avec les chapitres #12 à 14, Parlez Kung Vous, nous retrouvons la jeune Dizzy, de la première intrigue, qui rentre en contact, en France, avec un ancien journaliste ! Cette rencontre va être aussi importante et bouleversante pour la jeune femme, que pour nous lecteurs. Trust ! Minutemen ! La « Mallette » ! L’agent Graves ! Même Dizzy ! Et enfin le chiffre XIII dessiné dans une main ! Tout, ce journaliste, qui a vécu la même expérience que Dizzy a gratté, gratté et gratté encore pour découvrir l’envers du décor proposé par l’agent Graves !


La fin de ce premier tome se concentre sur Curtis Hughes et Louis Hughes.


Curtis Hughes est le père de Louis Hughes, alias Loop. Paumés, les deux personnages le sont assurément. Curtis passe sa vie à récolter les dettes d’un prêteur sur gages véreux. Son fils Louis, lui, vit seul avec une mère qui l’a élevé seul et qui ne cesse de répéter que son père n’était pas un truand mais une brute. Un beau jour, l’agent Graves débarque dans la caisse de Louis et lui explique que si sa vie est aussi minable, c’est en partie à cause de son père, un père absent qu’il n’a jamais rencontré mais auquel il pense chaque jour. Graves lui propose donc « de saisir sa chance ». Le deal : tuer son père à l’aide de cent cartouches non identifiables et étancher sa soif de vengeance. Mais que cherche au juste ce mystérieux agent Graves ? Louis n’est pourtant pas un truand, mais guidé par sa seule rage, il se rend au domicile de son père pour lui régler son compte. Ni une ni deux, Louis pointe son flingue sur le visage de Curtis et promet de mettre fin à ses jours dans trois secondes…


L’histoire, en cinq chapitres, est tellement prenante qu’on en oublie vite le Trust, les Minutemen ou l’agent Graves. Azzarello nous sort une saga absolument bluffante. On est littéralement en haleine tout au long de ces retrouvailles, avec Graves en entremetteur, entre Louis et son père Curtis. Les dialogues font mouche, piquent là où ils doivent piquer. Et comme Louis, on se rend compte que même si on se refait une scène cent fois dans notre tête, cela ne se passe jamais comme on le pense au final.


Mais elle est aussi l’occasion de comprendre un peu plus l’agent Graves. Il n’y a jamais rien de gentil derrière ces actes, jamais un service de rendu, il se sert de tous ces (ses) gens comme de simples pions et rien de plus. Et peu importent les conséquences, du moment que son plan, que lui seul connaît, suit son cours. Et ici, peu importe ce qui arrive à Louis et son père. On assiste à la chute libre de deux personnages qui étaient pourtant déjà bien bas, et ça en est touchant car on ose croire jusqu’à la fin que tout ce que Curtis a fait ne sera pas vain pour Louis.


Graphiquement, le style de Risso est toujours aussi difficile d’accès, mais lorsque l’on enchaîne les histoires les unes après les autres on se rend compte que ce style original colle tellement bien à l’histoire d’Azzarello. C’est glauque, sombre, sale, collant donc parfaitement aux cas sociaux dans le désespoir que nous dépeint l’auteur. Quel travail sur les regards ! Vides pour les gens perdus, noirs et assassins pour les tueurs, si loin pour les gens en détresse. Et Risso retranscrit avec une justesse diabolique les combats, les coups, les giclées de sang, on aurait presque l’impression d’être dans la pièce et de recevoir quelques gouttes sur la joue.


Bref, 100 Bullets est un titre qui démarre lentement. Brian Azzarello prenant le temps de mettre ses pièces en places. Néanmoins les premières intrigues sont prenantes et piquent la curiosité. Le scénariste tisse sa toile, à l’instar de son personnage, l’agent Graves, et sait quand nous lâcher une grosse « bombe » pour nous happer complètement. Beaucoup de personnages, beaucoup d’intrigues, beaucoup de sous-entendus, c’est véritablement tentaculaire comme lecture, mais c’est tellement bien fait, bien écrit, qu’une fois attrapé, il est difficile de s’arrêter.

Romain_Bouvet
7
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le 28 août 2021

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Romain Bouvet

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