« Nous tenions donc héroïquement la position. »

Deuxième époque de la « Putain de guerre » selon Jacques Tardi. 1915, cette fois, ça y est : on est en plein dedans, dans la guerre de tranchées. Partout la bourbe, les rats, les plaines ravagées, ou bien la neige : les couleurs oscillent entre le noir, le blanc, et le brunâtre. A l’inverse de « 1914 », ici Jacques Tardi ne joue plus avec les saisons : toute cette année 1915 semble se dérouler durant un Hiver unique et interminable, sans Printemps ni Eté.
Dans « 1914 », les couleurs vives, le rouge, le jaune, le vert, venaient des champs en fleurs du mois d’Août : ici il n’y a plus de fleurs, les seules couleurs vives sont celles des explosions, jaunes feu, rouge sang. Et le seul ciel bleu représenté dans l’album accompagne l’avion, qui est abattu l’instant d’après. Plutôt radical.

Graphiquement Jacques Tardi ose beaucoup plus de choses : c’est ici qu’apparaît la première scène sanglante, une boucherie ultra-réaliste en gros plan ... cela donne le ton. Tardi joue aussi avec le découpage, et prend un peu de libertés avec sa règle de trois vignettes par page : certaines planches sont plus denses, plus resserrées, pour rendre compte des combats violents. Une autre dépeint une violente explosion avec deux très longs strips verticaux, vertigineux.

Mais des innovations, il y en a plein d’autres : le noir et blanc à l’intérieur des baraquements, l’esquisse façon papyrus pour évoquer le gaz sarin, les déflagrations qui imposent des couleurs dorées, le dessin en nuances de gris dans la brume ... Enfin, un jeu sur les perspectives intervertit les armées : un coup les français chargent vers la gauche de l’image, un coup à droite. Simple mais efficace.

Bref, un album maîtrisé de bout en bout.
Wakapou
9
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Et c'est signé Jacques Tardi et La grande guerre selon Jacques Tardi

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le 14 sept. 2013

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