Ce tome regroupe une histoire complète qui ne nécessite pas beaucoup de connaissance sur Hellboy et le Bureau for Paranormal Research and Defense (BPRD). Il comprend les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014/2015, coécrits par Mike Mignola et John Arcudi, dessinés et encrés par Alex Maleev, avec une mise en couleurs de Dave Stewart.


L'histoire commence dans une chambre d'un hôpital en France, en 1946. Varvara (sous sa forme de fillette dans sa belle robe blanche) rend visite à Trevor Bruttenholm alité du fait de ses blessures, pour évoquer les résultats du projet Ragna Rok.


En 1952, le professeur Trevor Bruttenholm réunit dans son bureau une équipe de terrain : Archie Muraro, Jacob Stegner Susan Xiang, et Robert Amsel. Ils doivent se rendre dans le village de Terroso au Brésil pour enquêter sur 33 meurtres et des apparitions surnaturelles. Il leur demande d'emmener Hellboy avec eux, malgré son jeune âge. Arrivés sur place, ils sont accueillis et logés dans la seule auberge, et passent devant un château servant à des tournages de films.


C'est donc le sixième récit consacré aux premières années d'existence du BPRP (après 1946, 1947, 1948, The Midnight Circus et Vampire, les 2 derniers étant inédits en VF). Le lecteur se délecte à l'avance de voir Hellboy et le BPRD interprétés par un artiste aussi talentueux qu'Alex Maleev, célèbre pour sa prestation sur la série Daredevil et pour d'autres séries comme Scarlet (magnifique). Dès le début, l'enthousiasme du lecteur est un peu tempéré par le fait que Maleev ne se soit pas chargé des couleurs. Dave Stewart est un excellent metteur en couleurs, mais Maleev a prouvé dans Scarlet qu'il s'en sert pour apporter des informations graphiques allant bien au-delà de ce que fait Stewart.


Deuxième constat : la localisation du récit ne lui permet pas d'exprimer tout son talent pour la représentation des décors urbains. De fait, il s'affranchit de dessiner les arrière-plans dans quelques cases, en quantité restreinte (sans commune mesure avec l'ordinaire des comics de superhéros). Les pages de bonus en fin d'ouvrage donnent un aperçu captivant de la manière dont il utilise un logiciel de modélisation (Sketchup) pour construire certains décors et structurer certaines cases. Loin d'être un expédient pour dessiner plus vite, il s'agit d'un outil complexe pour réaliser des prises de vue complexe, en particulier en ce qui concerne les angles de vue.


Le lecteur constate également que Maleev a beaucoup simplifié la représentation des textures par rapport à ce qu'il faisait sur la série Daredevil. Il s'en suit une forme de désappointement compréhensible, mais grandement immérité. Pour commencer, le dessinateur a adapté son usage des aplats de noir pour se conformer à la charte graphique des apparitions d'Hellboy, définie par son créateur Mike Mignola. Ils sont donc plus massifs, sans pour autant être aussi conceptuels et envahissants que ceux de Mignola. En particulier Maleev préfère leur donner des contours plus déchiquetés, des formes plus torturées, et plus adaptées au reste de son mode de représentation. Le lecteur plonge donc dans une ambiance bien ténébreuse, marque de fabrique de la série Hellboy, comme de la série BPRD.


Ensuite, Alex Maleev a accompli un bon travail de conception graphique pour donner une morphologie et un visage différent à chacun des personnages. Le lecteur les distingue au premier coup d'œil. En outre ses dessins des personnages récurrents (Bruttenholm, Varvara) sont ressemblants et cohérents avec leurs précédentes apparitions. La coiffure toute en nattes de Varvara est impeccable. L'Hellboy de Maleev est tout aussi réussi, conforme à la vision de Mignola, avec ses épaules tombantes et son poing droit massif et pierreux. L'artiste sait se montrer respectueux sans en devenir servile.


En ce qui concerne les environnements, Maleev est plus à l'aise avec le QG du BPRD à Fairfield dans le Connnecticut, qu'avec l'urbanisme en toc du village de Terroso au Brésil. Heureusement, ses représentations en intérieur s'avèrent plus convaincantes, avec un bon niveau de détails pour les aménagements. Il se montre très convaincant pour utiliser des éléments gothiques, et pour mettre en scène les différentes créatures monstrueuses. Dans la première catégorie, les aubes blanches du prêtre et de l'enfant de chœur font leur effet dans la noirceur de la nuit. Dans la deuxième catégorie, les créatures simiesques (pourtant mille fois vues) présentent la sauvagerie nécessaire pour les rendre repoussantes, dans leurs 2 formes.


Au final la prestation d'Alex Maleev est de très bonne qualité, et assure une narration visuelle en phase avec le récit, lui apportant une consistance remarquable, mais elle est en deçà de ses meilleurs travaux (difficile de battre ses propres records). Le lecteur suit donc l'intrigue avec une belle tension instaurée par les images. Sans grande surprise, le BPRD doit donc se rendre dans un endroit exotique pour endiguer une manifestation surnaturelle létale. Une fois passé le côté toc du village, le lecteur se laisse porter par la force de conviction des dessins. Du point de vue de l'intrigue, il apprécie le caractère des membres de l'équipe... pendant leur présentation. Passée cette scène d'introduction, ils ne sont plus que des dispositifs narratifs dans l'intrigue, sans personnalité.


L'un des autres intérêts du récit est de découvrir la première mission sur le terrain d'Hellboy, un événement historique dans la vie du personnage, et dans sa mythologie. Là encore, les séquences le montrent déjà aussi bourru qu'il le sera des années plus tard, aussi déterminé quels que soient les coups qu'il reçoit, aussi obsédé par sa volonté d'exterminer les monstruosités surnaturelles. Du coup, le lecteur découvre une aventure de plus d'Hellboy, aussi bonne que d'habitude, avec son quota de monstres, d'affrontements physiques, et d'horreur, mais sans grande originalité par rapport au reste de la série.


Il reste donc l'intrigue pour elle-même. Hellboy et le BPRD se rendent dans un endroit reculé, se confrontent aux monstres, découvrent qui les a lâchés sur les villageois et pourquoi. Il s'agit d'une aventure de plus pour le BPRD, sans la tension dramatique habituellement générée par les enjeux personnels des membres de l'équipe (pas de crise existentielle liée à l'utilisation d'une capacité, comme pour Liz Sherman, ou Roger l'homuncule). Il reste néanmoins l'apparition d'un personnage lié à l'apparition d'Hellboy, c’est-à-dire un point de continuité assez sympathique pour le lecteur assidu de la série Hellboy depuis le premier tome.


Au final ce tome souffre de la comparaison avec l'excellence des 2 séries Hellboy et BPRD. Pris à part de ces références, "1952" constitue une histoire de lutte contre des créatures surnaturelles de facture classique, avec un bon dessinateur. Le lecteur se plonge dans cet environnement nocturne propice à l'apparition de monstres à l'apparence bien pensée, dépassant la cohorte de créatures génériques et fades qui peuplent les comics industriels mensuels. L'équipe du BPRD est constituée de professionnels compétents sans être invincibles et à l'épreuve de tous les coups. Il y a des personnages hauts en couleurs êtres humains normaux (le prêtre ou l'aubergiste), comme monstres (Varvara ou les singes). Les dessins sont plus que compétents, donnant une réelle cohérence et consistance au récit.


Comparé à d'autres récits du BPRD et d'Hellboy, "1952" constitue une expédition de routine pour le BPRD (découvrir les monstres, les combattre et neutraliser leur maitre), sans créatures vraiment marquantes, sans protagoniste assez développé. L'histoire se lit très rapidement (3 fois plus vite qu'un autre recueil de même épaisseur), du fait d'une narration assez décompressée. Le lecteur finit par se demander si cette histoire n'était pas avant tout une occasion pour Mike Mignola et consort de collaborer avec Alex Maleev, sur un récit un peu trop mince, avec des délais de production un peu trop courts, ou une rémunération pas assez élevée pour que Maleev puisse investir d'avantage de temps sur ses planches. Appréciation en fonction de l'horizon d'attente du lecteur.

Presence
6
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le 12 févr. 2020

Critique lue 180 fois

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