1985
7.1
1985

Comics de Mark Millar et Tommy Edwards (2009)

Les supercriminels s'invitent sous nos fenêtres.

Ce tome comprend les 6 épisodes de la minisérie parue en 2008, écrite par Mark Millar et illustrée par Tommy Lee Edwards.


La première page présente un dessinateur à sa table de travail et une personne en train de lui parler derrière, les 2 sont mangés par l'ombre, mais le commentaire indique clairement qu'il s'agit de Stan Lee et Jack Kirby et que la scène se passe en 1961. Les 2 pages suivantes évoquent un moment clef de Les Guerres Secrètes. Un gérant de boutique de comics est en train de faire l'article au jeune Toby Goodman, la scène se passe en 1985. Un autre employé de la boutique peste contre la prédominance des superhéros dans les comics et estime que Toby aurait beaucoup à gagner à découvrir Cerebus ou Love and Rockets. Les parents de Toby sont divorcés, il ne s'entend pas particulièrement bien avec son beau-père et sa passion pour les comics le rend étrange aux yeux de ses camarades de classe. L'histoire se déroule donc dans un univers qui pourrait être le notre, et dans lequel les personnages Marvel sont des personnages de bandes dessinées.


Un jour comme un autre, Jerry Goodman (son père biologique) l'emmène faire un tour qui les amène devant une vieille demeure dont les nouveaux propriétaires sont en train d'emménager. Toby croit apercevoir le Red Skull à la fenêtre. Plus tard à la télévision, un journaliste commente une agression qui semble avoir été perpétrée par Vulture (Adrian Toomes, un ennemi de Spiderman). Seul Toby avec sa connaissance des superhéros semble prendre la mesure de ce qui se passe : les supercriminels de la terre 616 ont trouvé une terre sans superhéros où ils vont pouvoir s'épanouir.


Mark Millar aime bien donner le rôle principal aux supercriminels que ce soit dans Wanted (avec JG Jones), Nemesis (avec Steve McNiven), ou des réalités dans lesquelles ils ont gagné comme dans Old Man Logan (en anglais). Ici ils ont la possibilité de mettre à feu et à sang un monde vierge d'ennemis. D'une manière plus inattendue, Millar semble évoquer ses propres souvenirs de lecteur de comics. Je dis "semble" parce qu'il prend bien soin de situer l'action aux États-Unis et qu'il dépeint des ambiances typiquement américaines (alors qu'il est écossais). Le vrai héros de ce récit est donc bien Toby Goodman et le thème majeur est celui du souvenir des plaisirs engendrés par la lecture des aventures des superhéros Marvel. Je ne me suis retrouvé que pour partie dans cette évocation qui sonne juste, mais qui manque de profondeur émotionnelle.


Et puis il y a le reste de l'histoire où Toby essaye de trouver comment agir pour sauver la bourgade où il habite et qui est mise à feu et à sang par les supercriminels. Millar a concocté un scénario prenant avec une aventure à grand spectacle qui repose sur des personnages qui se réduisent à 2 ou 3 traits de caractère maximum. Les supercriminels en question n'ont aucune personnalité. Millar a 2 bonnes idées : il n'y a personne de leur catégorie pour s'opposer à eux, et quand il se déchaîne les destructions sur notre réalité sont terrifiantes.


Cette histoire bénéficie de la mise en en images très personnelle de Tommy Lee Edwards (il avait déjà illustré Bullet Points sur un scénario de JM Straczynski, en anglais). Il utilise un style à l'encrage assez épais, et aux contours un peu rugueux. Ce style lui permet de privilégier les ambiances et les émotions, plutôt que la précision maniaque des différents éléments. Le résultat demande un petit temps d'adaptation car il est très éloigné des rondeurs et de l'esthétisme des comics. Par contre, il permet de donner une densité particulière à ces aventures qui se déroulent dans un monde proche de notre réalité, et éloigné du monde habituel des superhéros. Ce style un peu esquissé permet également de bien saisir l'horreur des crimes, je pense en particulier à Wendigo tenant une tête arrachée et encore sanguinolente dans sa main (épisode 5). Il arrive même à rendre Vulture terrifiant, ce qui n'est pas si facile que ça.


Tommy Lee Edwards utilise une mise en pages simple (que des rectangles) avec un faible nombre de cases par page (entre 3 et 5 en moyenne) et des pleines pages régulières. Ses décors sont remarquables tout au long des 6 épisodes qu'il s'agisse de la première vue de la demeure de Clyde Wyncham, l'hôpital où il séjourne, l'étang dans lequel s'enfoncent des habitants de la bourgade, etc. Edwards crée des endroits plein de caractère et de spécificités qui les rendent uniques et intéressants. Enfin, il effectue un travail particulier sur les couleurs. Il évite les couleurs trop vives (sauf pour les supercriminels) et il donne une texture à chaque surface, chaque objet, chaque vêtement en y incluant une variation de teintes.


Cette histoire repose sur des idées de départ intéressantes et très accrocheuses, avec de superbes illustrations. Comme souvent dans les récits de Millar, je n'ai éprouvé que peu d'empathie pour les personnages qui me semblent avoir du mal à exister en tant qu'individus au delà des codes narratifs ordinaires et basiques de ce type de récit. C'est même assez frustrant car il propose un point de départ original et plein de promesses qu'il développe de manière intelligente dans un récit bien construit. Mais le manque de profondeur psychologique du récit m'a empêché de me sentir impliqué émotionnellement. Pour les fans, il convient d'indiquer que Clyde Wyncham a fait des apparitions supplémentaires dans l'univers Marvel classique (Terre 616) dans Fantastic Four (The Masters of Doom) et dans le futur dystopien de Old Man Logan.

Presence
7
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le 5 oct. 2019

Critique lue 187 fois

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