John Byrne en grande forme, malgré une narration encombrée

Ce tome contient les épisodes 1 à 8 parus en 1983 de la première série d'Alpha Flight, écrits, dessinés et encrés par John Byrne.


Le gouvernement canadien a décidé de démanteler le département H qui servait de support officiel à la Division Alpha. James McDonald Hudson (Guardian) est le dernier à quitter les bureaux et il se rappelle le premier affrontement contre les X-Men, tout en se demandant ce que vont devenir les membres de la Division Alpha, mais également ceux de la Division Béta et de la Division Gamma. Dans le Grand Nord canadien, un clochard invoque avec succès l'esprit d'un des monstres primordiaux (Tundra). Michael Twoyoungmen (Shaman) reçoit un avertissement mystique de son défunt grand père et décide de se rendre sur place. Narya (Snowbird) a également perçu la résurgence de Tundra. Guardian en prend connaissance par un flash d'information. Et Heather envoie un message aux autres membres d'Alpha Flight pour qu'ils se rendent également sur place. Seul Eugene Judd (Puck) arrivera trop tard, faute de moyens de transport.


Après ce premier combat, les membres d'Alpha Flight lutteront contre le Maître du Monde (Master of the World), avec l'aide de Namor et d'Invisible Woman (épisode 4, également réédité dans Fantastic Four Visionaries 4). Puck démantèlera un trafic de médicaments. Snowbird affronte un autre monstre primordial dénommé Tolomak. Et Jean-Paul Beaubier (Northstar) et Jeanne-marie Beaubier (Aurora) sont confrontés à un racket organisé par Deadly Ernest.


Des années plus tard, John Byrne explique qu'il n'avait pas d'envie particulière de créer les aventures d'Alpha Flight qui pour lui n'était qu'une équipe destinée à être l'ennemi des X-Men le temps de quelques épisodes. Il précise que sous la pression des éditeurs de Marvel, il a fini par accepter cette série car il se sentait le mieux placé (en étant de nationalité canadienne) pour la réaliser. Il brade le travail qu'il a fait car le premier épisode d'Alpha Flight fut numéro 1 en son temps avec 500.000 exemplaires de vendus.


Par contre, c'est vrai qu'il n'a pas la tâche facile : il doit développer des aventures pour cette équipe, tout en étoffant chacun de ses membres, voire en leur donnant déjà une personnalité et un peu d'histoire propre. Du coup la suite d'épisodes adopte un rythme un peu bancal, avec l'épisode 5 consacré à Puck, l'épisode 6 consacré à Snowbird, et les épisodes 7 & 8 consacrés aux jumeaux Aurora et Northstar. En prime pour ne pas délaisser les autres et réussir à expliquer un peu qui ils sont, les épisodes 2 & 3 contiennent chacun 6 pages retraçant les origines de Guardian, les épisodes 6 à 8 contiennent chacun 6 pages entremêlant les origines de Shaman et de Snowbird (avec une scène d'accouchement étrange). Évidemment, il ne reste pas toujours beaucoup de place pour que l'équipe puisse exister en temps que telle. Par exemple Puck, n'arrive même pas à temps pour participer à la bataille dans l'épisode 1, puis il est cloué dans son lit d'hôpital pendant 3 épisodes.


En termes de narration, John Byrne prend une direction également déconcertante. Il faut déjà commencer par replacer cette série à son époque, c'est-à-dire le début des années 1980. Le public cible des comics reste encore les jeunes adolescents à l'époque, voire les très grands enfants. De ce fait la narration de Byrne prend le temps de tout bien expliquer au travers de bulles de pensées, voire de répéter ce qui est décrit visuellement dans la case. Ensuite, il écrit dans un registre de grandes aventures (le grand nord canadien par exemple), avec une bonne dose de mélodrame. James Hudson est chef de l'équipe malgré lui, faute d'autres candidats sérieux, ce qui lui occasionne des états d'âme. Walter Langowski aime beaucoup être Sasquatch, mais il est possible qu'il soit atteint du syndrome de Hulk (perte d'intelligence et de maîtrise de soi lorsqu'il utilise sa force). Eugene Judd est dans un état de souffrance permanent du fait de son achondroplasie. Anne MacKenzie est déjà fort détachée des préoccupations des êtres humains. Jean-Paul Beaubier cache un secret assez particulier. Et le pompon revient à Jeanne-Marie Beaubier pour ses troubles bipolaires exacerbés. Le lecteur constate que Byrne n'y a pas été avec le dos de la cuillère pour ce qui est des névroses et autres imperfections de ses héros.


Néanmoins, il est évident qu'il s'est fortement impliqué dans les aventures d'Alpha Flight car il réalise les dessins et l'encrage lui-même. Il s'agit d'un travail de bonne facture, avec une régularité satisfaisante pour la présence des décors. À ce propos, il faut mentionner les 5 pages blanches (il n'y a que les bordures de cases et les bulles) de l'épisode 6 dans lequel Snowbird lutte contre Tolomak dans un blizzard littéralement aveuglant. Il s'agissait d'une boutade liée au fait que la série était ce mois là sous la responsabilité de l'assistant de l'éditeur. Comme toujours, Byrne utilise un découpage sage qui assure une lecture facile avec un impact maximal. Il crée des apparences immédiatement assimilables pour ces personnages (même le costume simple de Nemesis) et il conçoit un langage corporel spécifique pour chaque superpouvoir et chaque superhéros. Par exemple, Aurora et Northstar ont chacun leur façon d'évoluer quand ils volent. Il prend un soin particulier à créer des morphologies spécifiques pour chaque personnage ; par exemple la silhouette de Heather Husdson est différente de celle d'Anne MacKenzie et de celle de Marrina. C'est également un vrai plaisir de le voir dessiner Namor de la même manière que Bill Everett.


Les débuts d'Alpha Flight constituent un très bon comics de superhéros du début des années 1980, avec des personnages surprenants, et des illustrations bien travaillées. Les histoires restent dans un registre encore un peu enfantin, et elles souffrent du fait que Byrne doit présenter et développer 8 nouveaux superhéros en même temps. Les épisodes 9 à 19 ont été réédités dans Alpha Flight Classic, Volume 2.

Presence
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le 18 avr. 2020

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