Madeleine de Proust

Ce fut un réel plaisir pour moi lorsqu’Urban Comics a annoncé la publication d’un deuxième volume pour Jim Aparo Batman la Légende. Preuve, j’espère, qu’il y a une réelle demande de ce genre d’ouvrage sentant bon la nostalgie et permettant de découvrir nos héros, ici Batman, sous un angle, ou devrais-je dire des angles, totalement inédits. Ces histoires, ces deux volumes c’est un pan de l’histoire du comics, à une époque où la qualité primait sur la quantité, ou le plaisir d’écrire surpassait celui de faire le plus gros chiffre. Des histoires simples que l’on avait juste l’envie de partager et d’apprécier.

Même le plus grand détective du monde a parfois besoin d’aide pour résoudre ses enquêtes. Et les plus grands héros du monde comme les justiciers les plus étranges viennent lui prêter main forte au sein d’aventures fortes en action, mystère et fantastique ! (contient : Legends of the Dark Knight Jim Aparo vol. 2)

Comme pour le premier tome, ces épisodes de The Brave and the Bold (#123 à 136, #138 à 145 et #147 à 151) sont signé Bob Haney et Jim Aparo bien entendu. On retrouve également les deux premiers épisodes de Detective Comics (#438-438) où Jim Aparo est crédité au dessin. Et c’est un véritable plaisir de retrouver, à nouveau plus de cinq cents pages de ce si talentueux dessinateur, resté trente ans sur le justicier de Gotham. Mais qui souffre malheureusement d’une notoriété moindre que les grandes stars mainstream de maintenant, alors qu’on lui doit les dessins de faits tellement importants comme la mort tragique du pauvre Jason Todd.
Et l’on découvre à travers ces vingt-neuf épisodes on se rend compte à quel point l’artiste est en constante et perpétuelle évolution dans son travail, dans son approche du personnage. Son Batman s’affine, il est plus grand, avec une musculature plus sèche, un excellent travail sur l’anatomie. Et une cape toujours plus en mouvement, en rythme avec les déplacements de Batman. C’est d’ailleurs un autre point fort de Jim Aparo, la qualité des déplacements de ses personnages, les scènes d’actions sont vivantes et d’une incroyable finesse. En bref, un Batman précurseur et modèle de celui de nos jours, un Batman moderne.
Et si les dessins sont toujours aussi beaux et agréables à regarder malgré les quelques années, il en va de même pour les couleurs, vraiment jolies et réussissant à merveille à installer une ambiance propice à chaque histoire, que ce soit du fantastique ou une ambiance plus inquiétant.

Comme il est de coutume dans cette série, notre justicier est accompagné dans chacune des histoires par un partenaire différent, par un autre super-héros. Et encore une fois on peut dire que Batman est particulièrement bien accompagné ! Green Arrow, Aquaman, Black Canary, Supergirl, Wonder Woman, Superman, Green Lantern ou encore les Metal Men ou The Creeper pour ne citer qu’eux. Et la première chose qui frappe c’est la capacité de Jim Aparo à parfaitement bien représenter tous ces héros mais aussi, et surtout, le travail effectué sur chacun d’eux par Bob Haney. Le scénariste offre un vrai travail en profondeur sur chacun d’eux, du moins sur les personnages masculins. (Avouons que sa Wonder Woman n’est pas vraiment passionnante, sa Supergirl un rien nunuche et Black Canary un très bel objet de décoration). Nous avons un Aquaman fougueux et sanguin, un Mister Miracle capricieux et compétiteur, un Green Arrow un rien égoïste et imbu de lui-même, un Creeper farfelu, Un Phantom Stranger mystérieux ou encore un Plastic Man touchant. Batman a toujours le droit à un véritable partenaire et non un simple boulet à se trainer le temps d’un épisode.

Hormis à de très rares occasions, Batman n’est pas opposé à des super-vilains (on a le droit à un épisode avec le Joker et un autre avec une Catwoman méconnaissable et qui ne restera pas dans les annales) mais la plupart du temps à des mafieux, à la pègre, à des ennemis lambdas. Mais malgré cela nous avons le droit à des aventures toujours plus riches et loufoques. Une mission dans l’espace avec Supergirl, une rencontre avec Merlin l’Enchanteur au moyen-âge avec Green Arrow, une plongée dans l’univers vaudou avec le Phantom Stranger, une histoire sur fond de guerre occident/orient avec Green Lantern, des histoires de drogues, de caïds, de démons... Et que dire de la fantastique aventure avec le Sergent Rock ou Jim Aparo et Bob Haney agissent eux-mêmes dans l’aventure afin d’aider nos deux héros ! Au péril de leur propre vie !!
Du coup on ne voit pas le temps et les pages défiler ! A chaque nouveau chapitre, une nouvelle histoire commence et nous offre une aventure inédite au déroulement toujours mené tambours battants. Et qui nous dépeint un Batman bien différent de celui que nous pouvons suivre de nos jours. Bob Haney et Jim Aparo nous dépeignent un super-héros humain et faillible, plus héros que super. Et cela le rend peut-être plus intéressant, encore plus proche de nous vu qu’il n’a aucun superpouvoir, se contentant de son intelligence, de son instinct et de sa capacité d’analyse et de réflexion. On prend plaisir à le voir trébucher avant de se relever. On s‘amuse à le voir se promener en plein jour dans les rues de Gotham parmi les habitants lambda comme si de rien n’était.

Et si les histoires sont souvent loufoques, de temps en temps plongeant dans le fantastique, dans le mystique, one ne se soucie guère des explications, seules comptent les aventures et les rencontres de Batman, le développement et la résolution des intrigues. Et on est plus conciliant et moins regardant avec ces histoires d’une autre époque dignes d’une madeleine de Proust.

Bref, ce deuxième tome est un petit bijou plein de nostalgie et procurant un véritable plaisir de lecture, et une petite bouffée de fraicheur au milieu de toutes ces histoires sombres et noires de notre époque. Un peu de légèreté cela fait toujours du bien. Merci Urban !