Il s'agit d'une minisérie (ou maxisérie) en 12 épisodes écrite par Steve Niles (scénariste de 30 jours de nuit) et illustrée par Kelley Jones, spécialiste des histoires décalées de Batman (au choix Batman et Dracula : Pluie de sang, ou Batman : Haunted Gotham, en anglais pour ce dernier).


Dans cette histoire, un nouveau criminel exécute froidement des membres de la pègre et de la police ; il fait régner la terreur sur Gotham à tel point que plus personne n'ose sortir la nuit (donc plus aucun crime la nuit). Non seulement il a réussi là où Batman a échoué, mais en plus il semble lui en vouloir personnellement en manipulant ses ennemis les plus coriaces (Joker, Killer Croc, Catwoman, Scarecrow et Clayface). Pendant ce temps là, la police enquête sous la forme d'une belle femme nommée April Clarkson qui fait tourner la tête de Bruce Wayne et même de Batman. De son coté, Alfred Pennyworth est toujours aussi serviable, ironique et spécialiste hors pair dans tous les domaines scientifiques et techniques.


D'un coté, ce récit est incroyablement oldschool : aucune profondeur psychologique, un coupable dont on devine vite l'identité, des méchants qui ne sont là que pour se faire taper dessus, une horreur plus suggérée que montrée, des méchants très méchants, un Batman invincible, un James Gordon fidèle et incapable de voir l'identité secrète de Batman, des dessins tout en poses théâtrales outrées, des prises de vues en plongées et contreplongées, des civils qui hurlent à plein poumon devant les crimes commis, une pègre en dessous de tout en terme d'efficacité... jusqu'à Michelle Madsen qui recourt à de gros à-plat de couleurs criardes, sans aucun effet de dégradés.


D'un autre coté, ce récit kitch à souhait dégage un parfum d'aventure simple et d'horreur très années 70 irrésistibles. C'est vrai que la trame ressemble à s'y méprendre à celle de Silence où un mystérieux criminel manipule dans l'ombre les ennemis de Batman pour le détruire. Mais cette trame permet de mettre en scène de manière efficace plusieurs ennemis classiques, sans soucis de continuité ou de motivations plus ou moins crédibles. Et Steve Niles égrène les scènes attendus avec facilité et fluidité : Batman tombant sous les balles, Bruce Wayne rabrouant Alfred, Alfred faisant la leçon à Batman, le Joker en pleine crise de démence, etc. Il insère également des scènes moins attendues telles que Batman amoureux, Batman aux commandes d'un robot géant, un corps calciné, une scène d'ouverture de cercueil, etc.


Kelley Jones est un dessinateur qui a choisi depuis longtemps un style à l'opposé du photoréalisme ; il préfère l'exagération outrée et anatomiquement incorrectes aux proportions harmonieuses, les poses théâtrales aux postures naturelles, les perspectives faussées au respect des dimensions, les décors gothiques aux intérieurs douillets. Dans ce tome, Kelley Jones s'est appliqué et cela se voit. Chaque exagération ou disproportion sert le dessin. Pour les décors, il a fait un effort de conception et le look gothico-rétrofuturiste de l'ordinateur de la batcave est une merveille visuelle. Les moyens de transports utilisés par Batman sont absolument et délicieusement improbables et délirants. À l'évidence, c'est un style qui ne peut pas plaire à tout le monde, fuyez si vous êtes allergique aux oreilles démesurément pointues de Batman, aux effets de cape immensément longue et tourbillonnante et aux postures grotesques. Kelley Jones est à l'unisson du scénario qui nous plonge dans une fantasmagorie macabre.


Pour ma part, j'ai vraiment passé un bon moment à lire ce récit très simple et linéaire dans une première approche et assez savoureux à un deuxième niveau avec des dessins et une présentation très influencée par Bernie Wrightson et les EC Comics.

Presence
8
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le 14 mars 2020

Critique lue 176 fois

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