Batman Begins Again...

Si les comics se distinguent par un suivi sans interruption des mêmes personnages depuis leurs créations (c'est-à-dire s'étendant sur plusieurs décennies); l'un des exercices favoris des scénaristes consiste en la réécriture des origines des super-héros.
Que cela donne lieu à la création totale d'un nouvel univers (je pense ici à l'Ultimate Universe chez Marvel, fortement plébiscité par Brian Michael Bendis et sa superbe réécriture de Spider-Man), ou bien se posant en clée de voûte de l'historique d'un personnage; on n'échappe pas à la sacro sainte genèse. Parcours initiatique dans le développement du héros, les origines sont pourtant régulièrement retravaillées par certains auteurs, voir carrément remises au goût du jour comme c'est le cas avec ce Batman Terre-Un. Une bonne initiative ?

Nul n'a plus besoin de se faire dicter la naissance du Batman n'est-ce pas... ? Cependant, revenons-y afin de mieux nous pencher sur ce comic.
Bruce Wayne est le fils unique du couple milliardaire Thomas et Martha Wayne qui rayonnent de leur bienfaisance au sein de la perfide Gotham City. Abattus sous les yeux de leur progéniture pour le compte d'un vol à l'arrachée, ils laissent leur jeune héritier aux bons soins d'Alfred Pennyworth, majordome dévoué et du coup père de substitution auprès de celui dont il exerce la tutelle. Animé par un esprit de vengeance et souhaitant contribuer au maintien du bien dans cette sombre ville, Bruce Wayne voyage durant une dizaine d'année afin de parfaire un entraînement qui se veut ultime. De retour à Gotham City, il fait régner la terreur sur le crime par le biais de son alter ego Batman. Le super-héros est né.

Voilà succintement les origines de l'Homme Chauve Souris. Origines qui sont tacitement reconnues par le travail de Frank Miller et David Mazzucchelli sur le comics Batman Année Un. Si vous souhaitez la naissance de Batman, c'est ici, officiellement, que vous la trouverez. Le reste n'est qu'interprétation et modification (n'y voyez là rien de péjoratif) mais ne fait aucunement figure de référence.
C'est donc ainsi qu'il faut aborder ce Batman Terre-Un, comme une réécriture qui souhaite apporter une nouvelle image plus réaliste et plus dure. Une autre vision en somme qui, si elle ne se permet pas de concurrencer ce qui est déjà établi, ouvre une nouvelle fenêtre sur le Batman.

Cette introduction assez longue enfin passée, nous pouvons nous pencher sur ce qui nous intéresse réellement ici. Tout d'abord, de gros changements quant à l'ensemble de ce que j'ai évoqué plus haut. Rassurez-vous, Bruce Wayne est toujours orphelin (ce qui n'est finalement pas si rassurant que ça me direz-vous...), mais l'ensemble du récit se démarque largement et justifie son existence.
Tout d'abord, un fort intérêt est porté à la relation père-fils développée entre Alfred et Bruce. Ici, le majordome est présenté comme un vétéran de guerre, ami de longue date de Thomas Wayne et qui entraîne Bruce de lui-même (ce qui personnellement me paraît assez limité pour faire atteindre à notre jeune héros la perfection mentale et physique caractérisant l'homme masqué qu'il incarne, mais admettons...). Bruce lui-même n'a de toutes façons pas le même comportement qu'on lui connaît. Arrogant, trop sûr de lui, devenir Batman lui apprend surtout à devenir un homme sachant se montrer humble quant il le faut. L'évolution est d'ailleurs très bien illustré entre un fail assez cocasse en premières pages (Grandes Oreilles loupant son saut et chutant lamentablement entre deux buildings, voilà qui brise le mythe !), et une intervention finale en dernières pages pleine de classe digne du Dark Knight. La progression sera rude, et il est plaisant de retrouver ici aussi un héros en difficulté, renforçant ainsi son côté "humain". Une idée qui était déjà présente dans Batman Année Un.

Les autres personnages du bat verse présentés ici ont leurs particularités. A commencer par l'inspecteur Gordon, figure de proue de l'univers et également de Year One. Cependant, nous avons là un flic blasé, craintif même, étrangement faible et bien moins idéaliste que son modèle original. Il semble au contraire indifférent à la situation de Gotham City, sans volonté d'y remédier. Probablement le personnage le plus éloigné de son modèle initial qui se verra cependant évoluer sous l'influence du Batman.
L'inspecteur Harvey Bullock profite d'une bonne réécriture, à lui seul la genèse de celui que l'on connaît et selon moi une vraie bonne trouvaille dans cet opus. Afin de ne pas trop pousser au spoil, je laisse aux bons soins des lecteurs la découverte du traitement des autres protagonistes.

Enfin, un mot pour parler du dessin époustouflant de ce Batman Terre-Un. Je parlais de réalisme plus en aval, les illustrations rendent clairement cette idée. Les expressions faciales sont bien réalisées, un peu en retrait chez Bullock (avis personnel). Le costume de Batman quant à lui est assez sobre, affichant un unique logo jaune. D'ailleurs, l'idée de peur si chère à Nolan dans son Batman Begins est ici tout juste esquissée, et la raison du costume en elle-même n'est guère expliquée. Du reste, nous avons là un comics aux très belles planches, plaisant à voir rien que par ses images.

Ce Batman Terre-Un est donc au final une bonne surprise, véritable réécriture des origines du Caped Crusader. Reprenant dans son titre le fameux Earth One lié au dénouement d'Infinite Crisis, l'idée est ici similaire: faire table rase du passé et présenter une figure nouvelle. C'est donc chose faite avec sa batterie de personnages tous plus ou moins éloignés de son illustre modèle mais formant un tout logique.
Terminons sur une fin laissant porte ouverte directe au tome 02 et à l'intronisation de nouvelles figures.