Forcément, ayant adoré l'adaptation animée de Jay Oliva il ne pouvait guère en être autrement en ce qui concerne le fameux comics original : (Batman:) The Dark Knight Returns ; oeuvre monumentale au sein de la mythologie dédiée à l'Homme Chauve-souris, Frank Miller signait là un récit sombre empreint d'un pessimiste s'arquant à la perfection autour d'un contexte de Guerre Froide (revisitée) captivant, le tout doublé d'une empreinte graphique marquante à souhait.


De fait, sans être de prime abord emballé par le trait atypique du créateur, celui-ci confère à Gotham et son plus éminent personnage une identité unique en tous points, tel le reflet d'une société ambivalente assujettie à l'omniprésence des médias ; ceux-ci jalonnent d'ailleurs de bout en bout un découpage très dynamique, dont le visuel attenant se voit sublimé par les contributions parfaites de Klaus Janson (encrage) et Lynn Varley (couleurs), de quoi servir au mieux la dimension spectaculaire propre au Chevalier Noir.


Mais au-delà d'un véritable tour de force formel, ce comics se démarque à juste titre au moyen d'un univers bien plus grave qu'à l'accoutumée, son fer de lance masqué en étant l'exemple le plus flagrant : Miller dresse en effet le portrait d'un justicier retraité accusant le poids de l'âge, et dont l'aigreur n'a d'égal que son égoïsme latent, de quoi contraster avec la conventionnelle vision du justicier plaçant le bien commun au-dessus de ses propres intérêts.


Dès lors, Bruce Wayne témoignant d'une personnalité aussi subjuguante que déconcertante, difficile de ne pas se prendre au jeu d'un récit mêlant avec brio le développement de ce dernier à une multitude d'éléments perturbateurs : fort d'une adversité sous bien des formes, à laquelle s'ajoute une atmosphère ni plus ni moins enchanteresse, The Dark Knight Returns nous transporte d'un bout à l'autre en faisant montre d'un rythme jamais en berne et de climax dantesques à souhait.


On note ainsi une tension allant croissante, à la fois vectrice et résultat d'une violence sans concession, celle-ci s'avérant de paire avec un justicier ne prenant aucun gant ; et si l'affrontement bestial l'opposant au chef des mutants fait alors mine de s'apparenter à une phénoménale escalade à la fureur, le comics surprend en outrepassant ce stade déjà estomaquant au moyen d'un "joyeux" et célèbre luron : le Joker.


Si la première partie inhérente à la lutte contre les mutants se voulait enthousiasmante, Miller ne s'arrête ainsi pas en si bon chemin en opposant le Chevalier Noir à son Némésis notoire, dont la confrontation va accoucher d'une profondeur dramatiquement viscérale : l'auteur en profite alors pour pousser dans ses ultimes retranchements un Bruce Wayne aussi tourmenté que résolu, celui-ci n'ayant définitivement plus rien à voir avec l'imagerie populaire le caractérisant, telle la seule réponse possible à la funeste folie d'un Joker transcendé.


Au sortir de cette séquence d'anthologie laissant pantois, une fuite éperdue teintée d'amertume va précéder le dernier acte d'un comics décidément saisissant : le background de la Guerre Froide prend alors pleinement ses quartiers en exacerbant l'animosité de Batman envers Superman, source d'un duel versant pour sa part dans une tonalité davantage épique qu'effroyable, et dont la conclusion va parachever un récit de bout en bout édifiant.


A l'image des divergences d'opinions soulignant toute la complexité et la légitimité friable de l'action des super-héros, Miller sera parvenu à draper un univers (que l'on supposait) familier de nombreuses thématiques connexes, base d'une alchimie certaine entre tout un pan de réflexion sensée et une composante résolument divertissante ; la renommée du présent comics tombe donc sous le sens dans la mesure où il aura, en son temps, redonné ses lettres de noblesses au plus humain des super-héros, le tout sous l'égide d'une originalité admirable.


Pierre angulaire d'une mythologie foisonnante d'intrigues délectables, The Dark Knight Returns n'est donc rien de moins que l'estampe à part d'un Batman confronté à la nature versatile d'une humanité décadente : violence et anarchie par le biais des mutants, l'emprise influente des médias n'ayant rien à envier à la toute-puissance étatique, le chaos personnifié via le Joker et... l’ambiguïté même de Bruce Wayne, bien entendu.

NiERONiMO
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le 21 avr. 2016

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NiERONiMO

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