Le pôle de l’action se déplace vers la Bretagne (la Grande-Bretagne) ; Ambre (« Boadicae » de son vrai nom) est originaire d’une tribu bretonne (les Icéniens – région du Norfolk et du Suffolk), et cet épisode a le bon goût de nous apprendre son statut de « princesse héritière » dépossédée de son royaume par un vilain de service qui a tué son père (planches 17-18). Classique. Et cette circonstance ouvre évidemment la voie à deux ou trois albums à venir, le temps de retrouver sa tribu, de s’y imposer, et de dégommer le vilain. On note que « Boadicae » n’est pas un nom pris au hasard ; il a réellement existé une « Boadicae », une femme de chef Icénienne, qui s’est réellement révoltée contre Rome, sauf que cela se passa un bon siècle après la Guerre des Gaules de César, sous l’Empereur Néron. Cette Boadicae-là est, comme Ambre, « rousse, à la voix rauque, sauvage, courageuse ». A l’évidence, Simon Rocca s’est inspiré de cette femme pour créer Ambre.

Moderne, si l’on veut (uniquement à l’intention de ceux qui, bouffis d’une fierté toxique d’être « moderne », ne jugent de la qualité d’une œuvre qu’à l’aune de sa « modernité »), le trouble qu’apportent chez les populations bretonnes les immigrés gaulois fuyant les guerres (planches 1 à 4) ; « moderne » encore, l’inertie et l’incrédulité des Bretons qui ne croient pas que les Romains aient l’intention de débarquer chez eux, malgré les efforts répétés d’Ambre pour appeler à préparer la défense !

Comme on a quitté le théâtre de la Guerre des Gaules, il fallait trouver un moyen de mettre quelques bagarres qui relèvent la sauce. C’est chose faite avec l’intégration d’Ambre-Boadicae dans une minuscule troupe de bateleurs, dont l’un des spectacles consiste à organiser des combats dans chaque village traversé avec les « amateurs » du coin. On appréciera les combats très dénudés entre femmes (planches 14-15). Coup double : en même temps, cela permet à Ambre de se balader dans le pays, et de se diriger vers les terres de sa tribu d’origine.

Ambre protège plus ou moins sa « vertu » des entreprises des mecs, toujours plus nombreux, qu’elle rend cinglés, et qui la traitent alors avec une générosité assez remarquable malgré leurs côtés indiscutablement rustres.

Pour la première fois, Rocca se la joue Alexandre Dumas, en attribuant à des personnages ayant réellement existé des aventures fictives. Comme on voit venir de loin l’affrontement entre Vercingétorix et César, c’est dès ce tome que Rocca nous raconte les démêlés de Celtill (futur Vercingétorix) avec son oncle Gobannitio, qui refuse de lui céder la ville arverne de Gergovie. Rocca met en scène cet épisode de manière dramatique, insistant sur la perfidie et la traîtrise de Gobannitio, tandis que Vercingétorix est un beau mec blond, qui commence à avoir de fines moustaches. Et, tant qu’à faire, on verra quel sort chaleureux Vercingétorix réserve à Gobannitio (planches 19 à 32). Cet épisode spectaculaire n’est pas authentique, et César lui-même ne commence à parler de Gobannitio que dans son Livre VII qui traite de l’année 52 avant Jésus-Christ, soit cinq ans après la date des évènements de cet épisode.

En revanche, correspondant bien aux années 57-56 avant Jésus-Christ, la conquête de la côte Atlantique et les projets de lutte contre les Vénètes sont bien exposés (planches 38 à 40), même si Rocca grossit démesurément le rôle de ses héros fictifs (Milon qui expose à César le problème posé par les Vénètes (planches 39 et 40) ! Et César lui-même qui n’aurait peut-être pas envahi la Bretagne s’il n’avait pas eu l’espoir d’y retrouver Ambre ! – planches 39 et 44).

Un peu faible, le baratin invraisemblable que Milon sert à Didius pour épargner la fille d’Ambre (planche 34). Tout aussi peu convaincant, l’exagération de la noirceur de Didius, grand pourvoyeur d’infamies, et de César, dont le mépris de la vie d’autrui (planches 38 et 39) concorde peu avec sa réputation attestée de clémence.

Belles représentations de Gergovie et des combats par Mitton.

Un récit toujours captivant, évoluant vers un manichéisme un peu lourd à digérer.
khorsabad
8
Écrit par

Créée

le 1 déc. 2014

Critique lue 124 fois

1 j'aime

khorsabad

Écrit par

Critique lue 124 fois

1

Du même critique

Gargantua
khorsabad
10

Matin d'un monde

L'enthousiasme naît de la lecture de Gargantua. Le torrent de toutes les jouissances traverse gaillardement ce livre, frais et beau comme le premier parterre de fleurs sauvages au printemps. Balayant...

le 26 févr. 2011

36 j'aime

7

Le Cantique des Cantiques
khorsabad
8

Erotisme Biblique

Le public français contemporain, conditionné à voir dans la Bible la racine répulsive de tous les refoulements sexuels, aura peut-être de la peine à croire qu'un texte aussi franchement amoureux et...

le 7 mars 2011

35 j'aime

14