Comme annoncé dans le titre, le grand conquérant romain est la vedette de cet épisode. On ne peut pas dire qu’il s’en tire grandi. C’est là un choix du scénariste, qui concentre dans ce tome ce qu’il a à dire de César en y mêlant Ambre, Milon et Cloduar.


La première séquence, en noir et blanc (c’est un rêve supposé de César), rapporte les aventures de jeunesse de César, rendues célèbres par les rapports qu’en font Plutarque et Suétone : sa captivité chez les pirates de Cilicie, et la vengeance qu’il en tire ensuite ; au passage, des allusions à son séjour chez Nicomède IV, roi de Bithynie, dont il aurait été l’amant. On veut bien que ce soit un rêve, mais enfin, deux choses surprennent dans cette séquence : 

• César y présente son visage d’adulte en pleine maturité, alors que cette aventure avec les pirates a eu lieu lorsqu’il n’avait que 25 ans ; voir un jeunot arborer ce front très dégarni et ce visage creusé produit une impression bizarre


• Surtout, César, dans ce rêve, se montre obsédé par une jeune fille espiègle qui se moque de lui pendant sa captivité ; il semble en concevoir du désir pour elle, et ce désir pour cette inconnue (dont aucun témoignage ancien ne fait état) se prolonge dans tout le reste de l’album sous la forme du désir pour Ambre. De manière choquante et obsessionnelle, César, en pensées et en paroles, nous sert son désir de retrouver Ambre et de la posséder, et ce tout au long de l’album, en égalant régulièrement la valeur de l’enjeu que constitue la conquête de la Bretagne à celle que constitue la conquête d’Ambre.


Visiblement, Simon Rocca en fait beaucoup trop à ce sujet. César apparaît comme un frustré amoureux, en quête d’un idéal féminin inaccessible, alors que rien, dans les témoignages anciens dont nous disposons à son sujet, ne fait allusion à de telles marottes amoureuses. Bien au contraire, César est connu pour ses innombrables aventures amoureuses avec des personnes des deux sexes, et, lors de la Guerre des Gaules, il ne se privait guère de se faire emmener sous sa tente quelque accorte indigène sur laquelle il satisfaisait son insatiable désir d’explorations...


Le Livre IV de « La Guerre des Gaules » est largement mis à contribution : en cette année 55 avant Jésus-Christ, César entreprend de mettre le pied en Bretagne ; les détails techniques, militaires et biographiques des péripéties de cette campagne aventureuse sont bien exposés. Mais César, en contradiction flagrante avec  ce qu’on sait de lui, est présenté comme impatient, aventureux, imprudent et inconséquent (planches 22 et suivantes) ; s’il avait laissé au hasard un si grand nombre de facteurs de réussite, on n’entendrait même pas parler de lui dans les sources anciennes.
Les personnages fictifs, eux, sont priés de se débrouiller avec les caprices d’Ambre, qui laisse un cinquième larron, Arulf l’Icénien, lui monter dessus sans façon, au grand dam de Milon, qui s’est décarcassé on ne sait plus combien de fois pour sauver la mise à cette gamine tête-à-claques. Au passage, Milon nous refait une démonstration de divination par la foudre (planches 11 et 12), ce qui fait beaucoup de spectacle pour nous parler de l’incursion de César en Germanie, authentique mais présentée de manière défavorable à César (planche 12). Finalement, pour Milon, se faire foudroyer, c’est l’équivalent du journal de 20 heures.
L’insolite décision d’Ambre, en fin du tome précédent, d’épargner Sligo sous prétexte de « pacifisme », était si invraisemblable qu’elle ne pouvait qu’anticiper une quelconque vengeance du vieux pervers. Ça ne rate pas dans cet album, et la manigance du vilain était si attendue que l’effet de surprise est bien atténué.
Villages indigènes, flottes romaines, bijoux, ornements, corps nus et peints, mouvements tactiques des corps d’armée, armes et chars, tout est représenté avec expertise et magnificence par Mitton, dont la compétence pour figurer les mondes barbares sera prolongée dans d’autres séries.
khorsabad
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le 17 déc. 2014

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