Simon Rocca ayant entrepris de raconter « La Guerre des Gaules » avec un remarquable souci de pédagogie, on renverra directement à Jules César lui-même. Les événements militaires mis en images dans l’album correspondent, souvent d’assez près, à « La Guerre des Gaules », Livre I, chapitres VI à XXVI, jusqu’à la défaite des Helvètes.

La narration est d’un intérêt soutenu, et restitue bien les moments de suspense et d’indécision que César expose lui-même dans son ouvrage. Ajoutons que de belles cartes du Nord de l’Italie et de la Gaule sont proposées dans les pages de garde, avec un schéma planches 11 et 22.

L’intensité dramatique est construite grâce à la présence de protagonistes dans différents camps (Romains, Eduens, Helvètes). Le gros costaud blond Cloduar – qui a des airs d’Obélix – se retrouve du côté des Romains et des Eduens pour combattre les Helvètes, alors qu’Ambre et Garak font partie de la cohue humaine qui accompagne les Helvètes, en tant que prisonnier ou esclaves. Le lecteur peut se demander si des personnages plus ou moins sympathiques ne vont pas être amenés à se combattre mutuellement. Heureusement, Rocca introduit un liant là-dedans : c’est que tous les hommes mis en vedette (César, Cloduar, Garak, Milon) sont rendus gâteux par Ambre qui leur fait de l’effet (on les comprend), et qu’ils se rejoignent au moins dans la nécessité de la sauver. Ceci dit, la gamine fait ce qu’elle veut, et le montre bien.

Garak fait un peu plus voyou que dans le tome précédent, ce qui n’empêche pas Ambre de le préférer à ceux qui viennent de lui sauver la vie. Ambre amoureuse de « bad guys » et dédaignant les mecs de valeur, voilà une mélodie dont chacun d’entre les lecteurs masculins pourrait relater bien des exemples...

Comme le Tome 1 traitait les choses du point de vue d’Ambre, le début et la fin du récit font place à des narratifs à la première personne, représentant le point de vue de Cloduar. Ce procédé sera-t-il utilisé au long des quinze volumes ?

L’ambition de Rocca d’aller jusqu’à la fin de « La Guerre des Gaules » se manifeste par une mise en scène, dès le premier volume, du jeune homme qu’on connaîtra mieux sous le nom de Vercingétorix, et qui porte le nom de Celtill. C’est une bonne idée de l’introduire dès maintenant dans le scénario (bien que César ne commence à en parler que dans le livre VII de son ouvrage), car cela permet de poser un personnage sympathique, se méfiant tout autant des Romains que des Helvètes, apprenant sur le tas son métier de guerrier, et faisant la connaissance des us et coutumes des Romains, ce qui lui permettra ensuite de leur résister efficacement. Cloduar gagne son estime.

Friga, la fille de l’Helvète Orgétorix, et promise à l’Eduen Dumnorix, était bien présente dans l’affaire (César, chapitre XXVI) (planche 12). En faire une amie d’Ambre permet d’introduire celle-ci comme un enjeu politique dans le conflit.

César est traité en grand maître impérieux et autoritaire. Belle idée que de mettre en scène l’arrivée de Publius Considius en tant que commandant de sa cavalerie en la faisant précéder du licenciement du commandant précédent (planche 28). Le fait que César fasse l’objet de couplets irrespectueux de la part de ses soldats (planche 33) est parfaitement attesté par Suétone (« César », chapitres XLIX à LII). Sauf que, si César était bien qualifié de « chauve » par ses soldats, pouvait-on vraiment l’appeler « vieux » ? En 58 avant Jésus-Christ, César a 42 ans ; et il paraît prématuré de placer ce couplet à cette date, alors qu’il a été en réalité prononcé lors du triomphe de César sur les Gaules, ce qui est loin d’être acquis à ce moment-là.

Milon, toujours fragile et touchant, sait désamorcer les emballements de Cloduar, qui est pourtant son rival auprès d’Ambre (planches 28. Pour mieux l’introduire dans l’histoire, Rocca lui fait jouer auprès de César un rôle en réalité tenu par l’Eduen Lisc (chapitres XVI à XVIII du Livre I de « La Guerre des Gaules »).

Titus Labiénus, personnage réel, meilleur lieutenant de César pendant La Guerre des Gaules, est représenté comme un beau mec énergique et souriant (planche 32).

Le lecteur ne doit pas s’étonner de la complication des relations de tous les groupes humains entre eux, et même au sein de chaque groupe : opposants, traîtres, corrompus, alliés fidèles, aventuriers correspondent bien à la réalité telle que décrite par César. Un tel sac de nœuds rappelle fugitivement la situation du Proche-Orient actuel. La rivalité entre Diviciacos et Dumnorix, au sein même des Eduens, est bien conforme à la réalité.

Mitton nous fournit nombre de détails précieux sur les vêtements, les armes, les casques, soigneusement inspirés des objets archéologiques. L’attention portée au casque de Cloduar traduit le souci d’exactitude des auteurs (planche 21). Très belle entrée reconstituée de Gergovie, planche 6. Scènes de combats bien mises en images (planches 18, 25, 38 à 40).

Le titre de l’épisode est vaguement justifié par le fait que Cloduar est un allié des Romains. Mais on peut y voir surtout la facilité de récupérer la célèbre citation de la Bible : « Je m’appelle Légion », (Evangile de Marc, Chapitre V, verset 9).

De très belles et convaincantes reconstitutions, avec une trame romanesque qui reste un peu à l’arrière-plan dans cet épisode.
khorsabad
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le 31 oct. 2014

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