Comme un chef
7.1
Comme un chef

BD (divers) de Benoît Peeters et Aurélia Aurita (2018)

Dans Comme un chef, Benoit Peeters revient sur sa passion pour la cuisine et sur son expérience de chef cuisinier amateur puis semi-professionnel, avant de s'essayer à la critique. La bande dessinée est autobiographique et suit par la même occasion ses débuts en tant que romancier puis auteur de bande dessinée, tout en tirant des parallèles entre les deux.


Le récit est chouette à lire, mais au fur et à mesure des pages, insidieusement, se dessine en creux une zone d'impensé, une réflexion manquante alors qu'attendue et qui creuse un gouffre entre la BD et ses lecteurs et lectrices. Vers le milieu du récit, devenu cuisinier à domicile, Benoît Peeters se retrouve à préparer le déjeuner de nouvel an pour une imbuvable famille de grands bourgeois - méprisé tout au long du repas, il en tire cette réflexion, "je croyais faire la cuisine, je m'initiais à la sociologie."


Et alors que Peeters s'interroge sur cette haute notabilité et son mépris de classe, alors qu'à plusieurs reprises il souligne aussi l'écart entre son milieu social d'origine et celui de ses collègues de promotion une fois arrivé à Paris, puis la difficulté à conjuguer sa passion pour la cuisine et ses faibles revenus, il laisse une grande question en suspens : celle de son propre rapport à ses parents, qui sont évacués abruptement du récit, et plus largement celle de son rapport à sa propre classe sociale.


Car la cuisine qu'apprécie et décrit Benoît Peeters n'est pas celle du tout-venant. La préface de Pierre Gagnaire l'illustre très bien, en évoquant l'évolution de la trajectoire des chefs-cuisiniers entre les années 1970 et aujourd'hui : on parle d'une cuisine de riches. Et il y a un vrai parallèle à construire ici entre cuisine et bande dessinée, pour qui regain en légitimité se conjugue, sous la plume de Peeters, avec embourgeoisement. Le fait que cette question ne soit jamais abordée frontalement laisse un fort goût d'inachevé à la bande dessinée. L'une des principales et tristes conséquences en est la suivante : c'est une BD qui ne donne pas faim.


Je ne finirai pas par une note négative, puisqu'il me reste à évoquer le super travail d'Aurélie Arita. La structure de la BD reste assez classique, mais le dessin est élégant d'un bout à l'autre, la restitution de l'époque précise, et les couleurs (qui ne sont appliquées qu'à ce qui est alimentaire) sont très bien vues à chaque fois.

Xurole
6
Écrit par

Créée

le 15 nov. 2020

Critique lue 61 fois

1 j'aime

1 commentaire

Xurole

Écrit par

Critique lue 61 fois

1
1

D'autres avis sur Comme un chef

Comme un chef
mini
9

Critique de Comme un chef par mini

J'aime bcp le dessin, l'effet chapitre, la thématique bien sur ! Juste une fin qui laisse sur sa faim

Par

le 2 nov. 2022

Comme un chef
AtehMasudi
8

Critique de Comme un chef par AtehMasudi

L'autobiographie culinaire de Benoît Peeters dessinée par Aurélia Aurita est un vrai régal. On y découvre Peeters (scénariste des Cités obscures, ancien élève de Barthes, spécialiste de Derrida,...

le 27 déc. 2020

Comme un chef
Lettres-it-be
8

"Comme un chef" de Benoît Peeters et Aurélia Aurita

A boire et à manger de Guillaume Long, Food Wars de Yuto Tsukuda, Comment nourrir un régiment d’Etienne Gendrin ou encore La cantine de minuit d’Abe Yaro … Les ouvrages dessinés sur la cuisine ne...

le 19 févr. 2018

Du même critique

Variola Vera
Xurole
7

Critique de Variola Vera par Xurole

Variola Vera explore l'histoire de la dernière épidémie de variole ayant touché l'Europe au cours des années 1970, en plaçant la caméra à hauteur d'un hôpital où une quarantaine est mise en place. Le...

le 12 nov. 2020

2 j'aime

Comme un chef
Xurole
6

Critique de Comme un chef par Xurole

Dans Comme un chef, Benoit Peeters revient sur sa passion pour la cuisine et sur son expérience de chef cuisinier amateur puis semi-professionnel, avant de s'essayer à la critique. La bande dessinée...

le 15 nov. 2020

1 j'aime

1

Civilizations
Xurole
6

Critique de Civilizations par Xurole

Nouveau roman de Binet, nouveau récit historique et nouvelle déception de mon côté. Il y a des choses qui marchent très bien dans Civilizations : le roman se lit bien, la succession des péripéties...

le 23 févr. 2020

1 j'aime