Crécy
7.5
Crécy

Comics de Warren Ellis et Raulo Caceres (2007)

Le retour d'une technique traditionnelle d'archerie

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome de 44 pages. Elle fait partie d'une triplette d'histoires (avec Frankenstein's Womb et Aetheric Mechanics) dans lesquelles Warren Ellis souhaitait de manière volontariste s'éloigner le plus possible du monde des superhéros.


L'histoire s'ouvre dans une forêt normande sous la pluie, avec un soldat anglais qui s'adresse directement au lecteur. Il se présente, il s'appelle William de Stoneham et il fait partie de l'armée menée par Édouard III pour piller les provinces françaises proches de la Manche, dans un parcours qui les emmènera de Cherbourg à Calais. Tout au long du récit, ce soldat expose au lecteur ce qui se passe et explique les techniques de combat utilisées. Il évoque la conquête normande de l'Angleterre en 1066. Le lecteur suit ce professeur depuis les abords de Crécy jusqu'au soir du 26 août 1346. Le récit aborde les spécificités des arcs et des techniques d'archerie utilisés par les anglais, ainsi que les spécificités des arbalètes utilisées par les mercenaires génois. Il s'agit donc essentiellement d'un cours d'histoire militaire sur la bataille de Crécy, présenté par un soldat instruit qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui utilise un vocabulaire peu châtié.


Warren Ellis atteint son objectif avec maestria : rappeler que les bandes dessinées n'ont pas vocation à être cantonnées aux superhéros ou même aux récits d'aventure. Ce tome est à mi-chemin entre la leçon d'histoire et la reconstitution historique, une forme de reportage éducatif. Pour l'aspect historique, il se garde bien de donner tort ou raison aux anglais ou aux français. Il rappelle très brièvement quelques faits sur la situation géographique des bandes côtières de part et d'autre de la Manche et sur les invasions régulières d'un pays par l'autre. C'est l'occasion pour Raulo Caceres d'inclure quelques images reproduisant la tapisserie de Bayeux (en noir & blanc comme l'ensemble des illustrations).


La bataille de Crécy oppose l'armée du royaume de France à une armée venue d'Angleterre les 25 et 26 août 1346. Cette bataille est rentrée dans les annales de l'histoire parce que les anglais ont obtenu une victoire écrasante sur les français, malgré leur infériorité numérique. L'analyse met en évidence que cette supériorité militaire découle de l'utilisation des arcs longs par les anglais sur une grande plaine découverte.


En bon pédagogue, Ellis mêle les explications sur l'archerie de l'époque, avec les gestes quotidiens des soldats de troupe. En fait, il bâtit sa narration sur de nombreuses explications données par William de Stoneham, pendant que les images montrent les activités des soldats. À ce titre, le travail de Raulo Caceres présente un degré de détails apportant de nombreuses informations.


Pour commencer les costumes sont bien sûr d'époque, mais il sait également rendre la texture du cuir, du tissu et du métal. Du coup il est beaucoup plus facile de percevoir le poids que représente l'équipement de chaque soldat. Évidemment, il a bien effectué son travail de recherche et ses représentations de bivouac (les tentes, la restauration, etc.) permettent de saisir la réalité de ces activités. De même, la représentation des armes, de leur maniement, de leur préparation rendent compte de son souci d'exactitude. Ce que j'ai trouvé encore plus impressionnant, c'est le déplacement de cette longue colonne de soldats dans les bois de Normandie, sous la pluie. Caceres ne recherche pas le sensationnalisme, il joue plutôt sur le domaine du pragmatisme.


Et puis il y a les affrontements proprement dits, la fameuse bataille de Crécy. L'objet est donc de montrer le rôle de l'archerie anglaise dans cet affrontement. Le lecteur est donc bien préparé puisqu'Ellis lui a expliqué la confection des arcs, l'entraînement des soldats à leur maniement et les problématiques de l'utilisation des arbalètes de l'époque. Il a insisté sur l'incroyable cadence de tir des archers, c'est-à-dire le nombre de flèches décochées par minute. Il est donc donné à voir au lecteur ces nuages de flèches innombrables. Bien sûr, cette représentation incite à s'interroger sur sa réalité historique et physique.


C'est d'ailleurs la grande force de cette bande dessinée que de plonger le lecteur au milieu de ce conflit après lui en avoir expliqué les tenants et les aboutissants militaires. La mise en situation est d'autant plus efficace qu'elle s'effectue par les images et par le discours peu châtié du soldat. Et j'ai enfin compris la signification de l'image de couverture.

Presence
9
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le 4 janv. 2020

Critique lue 127 fois

Presence

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