Avant de commencer ma critique de Daredevil, tome 1, il est important de rappeler le contexte de lecture. Celui de la découverte pour moi. En effet, assez étonnement, j'ai beau être fan de comics, si il y a bien un héro qui m'est méconnu malgré sa grande popularité, c'est Daredevil. Évidemment les références de bases (héro aveugle, super sens, avocat la journée), je les avais, mais bon nombres de détails m'étaient totalement inconnus. C'est paradoxal car ce héro ne m'a jamais gêné. A la différence d'un Iron Man que je n'apprécie pas ou d'un Hank Pym que j'adore, Daredevil, sans être le moins du monde dérangeant, n'était, pour moi, qu'un personnage que j'avais aperçu plusieurs fois avec Spider-man.
Je connaissais sa célébrité, mais je n'avais quasiment rien lu de lui. Et pour commencer, me voilà avec ce premier tome écrit par Frank Miller. Alors, osons le dire, il aurait été difficile de mieux commencer.

Ce premier tome contient les épisodes #168 à #181 de Daredevil ainsi que Marvel Team-Up Annual #4 et What If...? #28. Tous ont pour point commun d'avoir été écrits par Miller, même si Mike Barr a aidé sur la réalisé du What If ... ? Aide qui aurait pu être plus présente vu que le récit est très rapide et, disons le, sans grand intérêt. De la même manière, le Marvel Team-Up n'est vraiment pas grandiose. C'est le seul où Miller n'est pas au dessin (Herb Trimpe tente de le remplacer) et l'histoire est également sans saveur, surtout au regard du reste du tome.
Car ce tome couvre un an et demi d'aventures de Daredevil, réalisées soigneusement par Frank Miller (scénario et dessin) aidé par Klaus Janson pour l'encrage et la couleur. La fine équipe de Daredevil est là, et attention les yeux, c'est beau !

On subit un uppercut visuel tant le dessin semble en avance sur son temps ... 1981 ? Vous êtes bien sur ? Car c'est un récit tout droit sorti de 1995 que j'ai sous les yeux ! Miller est en avance sur son temps et ça se sent. Que ça soit dans le dessin, dans les angles, dans le découpage, dans la narration, dans la mise en scène. Plus d'une fois j'ai retrouvé des éléments que j'avais découvert dans le DC des années 90.
Comparez le découpage avec The Death of Superman, c'est bluffant.
L'ambiance sale, sombre, où le héro inspire la peur plus qu'autre chose, est un écho certain à Batman, mais plus que d'être un renvoie au passé, ça sera aussi une source d'inspiration.

Je l'ai promis, cette critique ne contiendra aucun spoiler.
Difficile d'en faire d'ailleurs. Miller ayant la bonne idée de ne pas se concentrer sur un arc principal, avec un ennemi bien précis. A la place on a une remise à niveau de l'univers de Daredevil. Les ventes du titre baissent, engagé en 1980, Frank Miller (qui fut co-scénariste avant d'être le seul maître à bord) a pour but de remettre à flot le navire Daredevil, et il y arrive franchement bien.
Intelligemment il remet en scène certains éléments essentiels : Bulleye est l'ennemi ultime de Daredevil, un psychopathe particulièrement dangereux même pour le diable rouge. Bulleye est celui qui amène Daredevil sur la limite : tuer ou ne pas tuer un criminel. Car oui, on oublie les ambiances un peu calme des années 70, Miller veut montrer un héro à la limite. Daredevil n'hésite pas à être violent et plus d'une fois les criminels meurent de ses mains, volontairement ou involontairement. La limite est floue, elle n'est pas facile à voir.
Daredevil, sous la main de Miller, gagne en noirceur, celle-ci le possède et il l'incarne. Il est ce héro vindicatif, charismatique, ce Batman de Marvel mais en plus acrobate, en plus sombre presque. Il ne cherche pas à incarner la peur, mais la justice, une justice dure et qui se pose des questions sur elle-même. C'est ce ton là, sérieux au possible, que souhaite mettre en scène Miller.
Frank Miller ramène aussi le Caïd, ce Napoléon du crime qui avait été oublié, son retour est parfait, magnifique. On sent en lui un supra-ennemi. Une némésis d'un genre nouveau : celui qui ne se bat jamais lui-même. Le Caïd c'est aussi l'opposé de Daredevil dans un sens spécifique, là où Bulleye est un fou psychopathe, le Caïd est lui aussi à la limite entre le crime et le bien. Il peut avoir des accès de pitié, d'amour, comme Daredevil peut ressentir la haine et le besoin de vengeance. Le Caïd et Daredevil ont parfois tout à gagné à s'allier et Miller sait mettre ça aussi en scène, rendant la frontière entre le bien et le mal plus floue.
Miller amène aussi une grosse dose d'Orient dans cette BD. On pensera à La Main, aux ninjas et puis bien sur à Elektra, personnage fantasque, incroyable qui ravit les lecteurs sans pour autant, ne jamais tomber dans la caricature. L'ensemble de ses apparitions sont marquantes car elles ne sonnent jamais fausses. L'écriture de Miller est d'une rare finesse.

Miller remet à plat la mythologie de Daredevil, injectant beaucoup d'éléments nouveaux et amenant une suprématie de données préexistante mais pas assez travaillées. Miller est clairement en avance sur son temps en terme d'écriture, ça se sent, ça se voit. Car le dessin est également loin du rétro qu'on pourrait penser. Certes, ça a "vieilli", car depuis, Miller a inspiré une foule de jeunes dessinateurs, mais c'est d'une profonde nouveauté quand on prend la peine de lire.
Un tel génie se remarque d'ailleurs par les aspects "retour à l'ancienne" qu'on a parfois. Par exemple les malfrats qui ne tuent jamais d'une balle dans la tête mais qui ligotent avant de jeter à l'eau, ce genre de détail qui ramène le lecteur dans l'imaginaire, tant le reste de l'écriture est réaliste, même avec les pouvoirs du diable rouge.

Daredevil par Frank Miller est certainement l'une de mes meilleures lectures en terme de comics parce que c'est profondément en avance sur son temps. Pour un lecteur qui méconnait totalement les années 70 et 80, ça risque d'être peu intéressant, mais autrement c'est incroyablement précurseur.
De plus, l'écriture est tellement bonne, les récits tellement intéressants que malgré tout, tout le monde doit pouvoir y trouver son compte sans grande difficulté.

Je le recommande !
mavhoc
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le 29 déc. 2014

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mavhoc

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