De Profundis
6.4
De Profundis

BD (divers) de Chanouga (2011)

« De Profundis » est un ouvrage apparu dans les librairies il y a un petit peu plus d’un an. Edité chez Paquet dans la collection Calamar se compose d’une centaine de pages est vendu pour vingt euros. Je ne l’avais pas remarqué avant que mon frère m’en fasse l’éloge. Il me décrivait une expérience intéressante qui valait le détour. C’est donc sur ses conseils que j’ai décidé de me l’offrir. L’auteur se nomme Chanouga et m’était inconnu jusqu’alors. La couverture est très réussie. Elle présente le visage d’une jeune fille qui regarde vers le sol un homme semblant se perdre dans sa longue et dense chevelure blonde. Les tons bleus participent à la naissance de la dimension onirique qui devrait habiter notre lecture.

« Quelque part entre Ceylan et Bornéo, des pêcheurs racontent avoir autrefois ramené dans leurs filets un drôle de naufragé, une étrange créature chassée du pays des sirènes ». Voilà les quelques mots que nous présente la quatrième de couverture de l’album. On doit donc se préparer à un voyage dans des contrées inconnues et fantastiques à la rencontre de créatures qui alimentent notre imaginaire depuis notre tendre enfance…

« De Profundis » est un « one shot ». Il ne nécessite aucun prérequis de lecture et ne prépare aucune suite. Il s’agit d’une histoire indépendante qui prend la forme d’un conte plutôt adulte. On s’éloigne de la version Disney de ce genre littéraire et se rapproche davantage de la version originelle de celui-ci qui était de faire peur. Le sous-titre est « L’étrange voyage de Jonathan Melville ». Il résume parfaitement la lecture. On ne quitte jamais les pas de Jonathan à travers ses aventures qui les mèneront dans des lieux que le mot « étrange » qualifie parfaitement.

La construction narrative utilise le flashback. Les premières pages nous présentent le héros en train de rédiger une lettre sur un bateau. Il s’apprête à lui raconter les événements qu’il a été amené à vivre. A partir de là, on suit de manière chronologique tout ce qu’il lui est arrivé. Cette découverte est subjective puisqu’il s’agit de la version épistolaire du narrateur. Ce choix scénaristique permet à notre lecture d’être particulièrement sensitive. Le fait de partager les interrogations, les angoisses et les peurs du héros fait qu’on est impliqué dans son histoire et pleinement immergé dans l’ouvrage. La trame ne laisse aucun temps mort et nous sollicite de manière plutôt soutenue. Sur ce point-là, Chanouga offre un travail de grande qualité qu’on se doit de signaler.

La réussite de cette intrigue onirique réside grandement dans l’atmosphère oppressante qu’elle génère. Cela passe entre autre par la cohérence de l’univers créé par l’auteur. C’est curieux de chercher la cohérence dans ce qui ressemble à un cauchemar. Mais il est important que la fuite angoissante du héros possède un fil conducteur qui souvent l’amène à s’enfoncer de plus en plus et à s’éloigner de plus en plus de l’issue. En construisant l’origine de la peur sur deux femmes aussi belles qu’angoissantes est un choix intéressant que l’auteur exploite bien. Ces deux sirènes nous marquent par leur beauté dans les premières pages. Mais au fur et à mesure que les pages défilent, leurs charmes laissent place à un sentiment plus oppressant. C’est habilement construit.

Le dernier aspect à évoquer pour décrire la qualité de cet ouvrage est son aspect graphique. Chanouga est un auteur que je découvre ici. Son trait m’était donc inconnu. Il est évident que son ouvrage est habité par une identité évidente sur le plan des dessins. Il se dégage quelque chose de manière évidente. Néanmoins, je ne peux pas dire que j’ai complètement chaviré aux charmes graphiques évidents. Je trouve que les scènes diurnes souffrent de la comparaison avec les moments nocturnes qui sont, eux, vraiment envoutants. Chaque retour du jour avait tendance à me couper du plaisir qu’avait fait naitre les ballades du héros dans la nuit. Je comprends aisément qu’il est naturel qu’à chaque nuit succède le jour et réciproquement. Mais c’est une des seules explications que j’ai pour expliquer le fait que je ne crie pas au chef d’œuvre alors que tous les ingrédients semblent être présents. J’ai le sentiment qu’une dernière couche de vernis m’a empêché d’être absorbé complètement par cet univers fantastique.

Malgré ces quelques remarques très pointilleuses, « De Profundis » est une lecture des plus agréables. L’auteur construit une histoire solide sur une centaine de pages qui allie scénario et illustrations avec doigté. Les adeptes d’évasion onirique devraient succomber aux charmes de cet opus. Ce voyage littéraire fait que je vais m’intéresser avec curiosité aux autres travaux nés de la plume de Chanouga. Son univers mérite le détour…
Eric17
7
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le 30 juil. 2012

Critique lue 158 fois

Eric17

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