Dengue : l'Uruguay attaque la France !

Rodolfo Santullo est un scénariste uruguayen trentenaire, originaire du Mexique, auteur de plus d'une dizaine de romans graphiques. Il écrit chaque mois une rubrique dans le fanzine argentin Fiero, et est le responsable des éditions Belerofonte, spécialisés en comics.
Ce récit, originellement publié en 2012, a paru cette année, simultanément aux USA et en France.


...Un futur proche, dans le Rio de la plata, estuaire créé par le rio Paraná et le rio Uruguay. Une épidémie de Dengue, due à une invasion de moustique porteurs, ravage la population depuis quelques mois déjà. Le ciel est devenu noir de moustiques, l'air est tropical, et les habitants se sont réfugiés dans leurs habitations, équipées pour les plus chanceux de purificateurs d'air.
Au dehors, les corps des malchanceux piqués s'amoncellent…


Le sergent Prozini de la police locale, est face au corps d'un homme retrouvé avec une blessure par balle dans une décharge, chose qui est devenue rare, vue le peu de personnes s'aventurant à l'extérieur.
L'enquête l'amène à rencontrer le professeur Ramiro Gomensoro, responsable de l'institut luttant contre l"'épidémie, dont la victime était un collègue.
Quelques jours plus tard, la télé fait apparaître sur l'écran un jeune homme, muni d'ailes, et ses comparses : des monstres mi hommes mi moustiques. Il s'agit d'humains ayant subit une modification génétique, après avoir contracté par trois reprises la maladie.
Mais "le Prince", tel qu'il se fait appeler, possède quelques arguments : en échange d'une place pour ses semblables au sein de la société, celui-ci propose de repousser la menace des moustiques. Il semble en effet avoir un pouvoir sur les insectes, qui refluent soudainement.


Cette nouvelle donne et la cohabitation entre ces créatures et les humains encore vivant rend la situation très complexe, d'autant plus que le gouvernement en lien avec la plupart des industries toutes puissantes, verrait d'un mauvais œil la perte des avantages liés à la lutte contre l'épidémie.
Une lutte sans pitié va donc s'engager.


...Le public français n'avait pas encore eu l'occasion de lire Santullo dans sa langue natale, et il est fort à parier qu'avec ce premier album, et j'espère, le succès qui en résultera, nous aurons l'occasion d'autres traductions.
Car ce récit de soft science-fiction fait directement allusion à nos peurs, nos symptômes sociétaux et nos préoccupations écologiques et médicales actuelles.
Les épidémies de type Dengue sont en plein essor*, et il est donc très intéressant de lire un récit basé sur la suite, aussi fictionnelle qu'elle soit, donnée à cette menace.


Le scénario de l'auteur allie polar traditionnel, avec enquête et rebondissements à caractères mafieux, et réflexions de type scientifique et politique. L'évocation d'un état presque totalitaire, la paranoïa des populations, le rôle négatif joué par les médias, et la toute puissances des sociétés responsables normalement du traitement de la maladie, en sont les principaux éléments.
L'apparition des monstres et de leur leader, qui s'allient au final avec le (bon) flic et une journaliste "star" moins véreuse qu'il n'y parait (Bonilla), amène le côté SF sympa de l'histoire, et on se plaît à penser à des ambiances à la District 9 (Film de Neil Blomkpampf.)


Le découpage est efficace, et le dessin de Matia Bergara, auteur habitant Montevideo, (Uruguay) un peu plus jeune que son collègue, possède le charme de publications françaises indépendantes vues par exemple au sein du label 619 de Ankama. La couverture magnifique, au glaçage recouvrant sur un fond mat une scène très dynamique avec nos deux héros, met grandement celui-ci en valeur.
Les 92 pages de ce récit de science-fiction haletant se lisent avec avidité du début à la fin, et confèrent à nouveau aux Humanoides associés le statut d'un éditeur qui sait nous faire découvrir de bons auteurs étrangers de SF, comme à leur grande époque.


(*) Selon les chiffres 2007 de l'OMS, chaque année environ dans le monde, 500 000 cas de formes hémorragiques de la Dengue, dont un grand nombre, chez les enfants le plus souvent, impliquent une hospitalisation. Environ 2,5 % des patients meurent et sans traitement adapté, le taux de létalité de la dengue hémorragique peut dépasser 20 %. Des équipes bien formées et équipées peuvent abaisser ce taux à moins de 1 %1.
(…) L'essor récent (2012) de cette pandémie est expliquée par l'extension de l'aire de distribution des vecteurs (Aedes aegypti notamment, bien adapté aux villes) et des 4 types de virus impliqués. La mondialisation des échanges et l'urbanisation croissante, et peut-être le dérèglement climatique facilitent la circulation de ces virus1. (Wikipedia)


Blog des éditions Belerofonte : http://grupobelerofonte.blogspot.fr/

Hector_Vadair
8
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le 14 déc. 2015

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Franck Guigue

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