Ce tome contient 2 recueil VO.


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End of days : épisodes 135 à 139, initialement parus en 2015, coécrits par Mike Mignola & John Arcudi, dessinés et encrés par Laurence Campbell. Dave Stewart a réalisé la mise en couleurs. Pour saisir tous les enjeux du récit il faut être familier de l'univers partagé d'Hellboy, depuis au moins le début de la série BPRD.


Dans la ville d'Argent au Texas, la vie continue comme avant, et dans cette ville de banlieue, une maman s'apprête à sortir son bébé dans sa poussette. Dans l'espace, le monolithe qui abrite les Ogdru Jahad a subi une modification. Sur Terre, Liz récolte dans son potager, en compagnie de l'agent Nichols. À l'intérieur de la base du BPRD, Fenix (en compagnie de son chien Bruiser) se rend à un entretien dans un bureau, avec Kate Corrigan, l'agent Andrew Devon et Panya. Dans un autre bureau, l'agent Howards recrée les talismans sur des pierres, sous le regard du professeur James Henry O'Donnell. Iosif Nichayko est appelé par ses supérieurs pour cause d'une alarme signalant un objet venant d'entrer dans l'espace aérien de la Terre. Evelyne McDonald s'apprête à faire face à la nouvelle incarnation de Black Flame.


La situation reste critique sur Terre. L'apparition de monsieur McWirther permet d'espérer une modification de l'équilibre des pouvoirs. Kate Corrigan prend la décision de faire mener une nouvelle attaque sur Black Flame, toujours installé à New York, par Liz Sherman, Johann Kraus (à l'intérieur de l'armure Épiméthée), Iosif Nichayko en appui aérien, et McWirther en appui maritime. Pendant ce temps-là, Panya a réussi à obtenir des informations cruciales sur Black Flame grâce à la trance de Fenix, et l'objet venu de l'espace a atterri à Argent dans le Texas.


En abordant ce tome, le lecteur sait que la série arrive à un tournant décisif, car parallèlement la série Hellboy in Hell arrive à son terme. Comme d'habitude, il apprécie de pouvoir retrouver ces personnages récurrents. Comme d'habitude, Mike Mignola et John Arcudi se montrent attentionné à leur endroit, et prennent soin de faire s'exprimer leur personnalité à deux ou trois occasions. Le lecteur sourit avec Liz devant sa récolte potagère qui doit beaucoup à l'aide de Fenix. Il sait à quel point l'amitié entre les 2 a été importante pour le rétablissement de Liz, et ces tomates en constituent une forme d'aboutissement. Il est tout aussi attendri par la discussion entre Liz Sherman et Johann Kraus. Le tome précédent a apporté un changement majeur dans le positionnement de Kraus, et dans la manière dont il se perçoit lui-même. Ce dialogue permet à Kraus d'exprimer ce qu'il ressent par rapport à ce changement de statut qu'il a voulu et provoqué.


Par la force des choses, tous les personnages récurrents de la série n'ont pas droit à une page ou deux pour exister. Iosif Nichayko a droit à 3 scènes, toutes les 3 bouleversantes, que ce soient ses souvenirs personnels, son affirmation que sauver des vies n'est en rien inférieur à pourfendre l'ennemi, ou encore la scène qui clôt ce tome (annonciatrice d'événements plus terribles encore). Par contre, de nombreux autres personnages n'ont droit qu'à quelques répliques : l'agent Andrew Devon, le professeur James Henry O'Donnell, Kate Corrigan, Patrick Redding, sans parler de l'agent Howards toujours aussi mutique. Ces personnages étant tous chargés d'histoire accumulée au fil des épisodes, les coscénaristes réussissent à les faire exister par une occupation ou un comportement. Il suffit que Panya fasse une remarque sur le comportement de Bruiser, pour que le lecteur se souvienne de son comportement parfois hautain, et de l'impossibilité de déterminer ses motivations.


Il est vrai que le temps n'est plus à l'introspection et que les circonstances exigent de l'action, des attaques vives et efficaces. Les auteurs réussissent à montrer comment la situation a évolué, comment le BPRD est en position de regagner un avantage tactique. Liz Sherman est revenue au maximum de ses capacités, Johann Kraus est devenu un combattant sur lequel il faut compter, et Panya semble avoir trouver un moyen d'accéder à des informations stratégiques sur Black Flame. En face, ce dernier tient toujours New York sous sa coupe, et semble avoir trouvé comment accroître son niveau de pouvoir. Enfin, un événement est survenu dans l'espace, concernant les Ogdru Jahad. Cette dernière évolution constitue un signal fort que la série arrive à un point crucial, car il s'agit d'entités apparues pour la première fois dans le premier tome d'Hellboy (Seed of destruction).


Mike Mignola et John Arcudi continuent d'utiliser la riche continuité interne de la série, récompensant ainsi les lecteurs de la première heure, au risque de laisser perplexes des lecteurs plus récents. Le lecteur n'éprouve pas grande difficulté à rattacher Patrick Redding à Sledgehammer 44, puisqu'il avait déjà dû faire cet effort dans le tome précédent. Par contre sa mémoire est vraisemblablement beaucoup plus mise à contribution pour se souvenir des détails de la première apparition de McWirther en Indonésie dans Garden of Souls. Ses efforts sont récompensés par 5 épisodes denses plein de bruit et de fureur, avec une forte implication émotionnelle. Le niveau de pouvoirs des personnages a augmenté (oui, ça correspond à un schéma assez basique) et les affrontements prennent des proportions plus importantes.


Laurence Campbell est un artiste familier de la série puisqu'il avait déjà dessiné 2 épisodes dans le tome 10 The Devil's wings et une partie du tome consacré à Sledgehammer 44. Comme il est de rigueur dans la charte graphique des séries BPRD, il est généreux avec les aplats de noir pour rendre compte de l'ambiance de fin du monde et de surnaturel malveillant. Ainsi les ombres portées sont bien denses, les traits des visages sont renforcés par des traits appuyés, les surfaces sont parfois striées de petits traits secs qui attestent de leur texture (une paroi rocheuse) ou de leur usure (l'armure Épiméthée après le combat contre Black Flame). Le lecteur s'immerge donc dans un monde sous pression, soumis à des forces ténébreuses, où cette fin du monde pèse sur chaque individu.


Cette utilisation des aplats de noir permet également de donner de la consistance aux différents monstres, en leur conférant un degré d'abstraction, ce qui contourne l'écueil de les dessiner avec trop de détails et d'en faire des monstres de pacotille. Les pages de recherche graphique en fin de recueil attestent du fait que la conception visuelle des monstres reste une priorité dans la conception de cette série. Le résultat est convaincant à la fois de par la forme des monstres, mais aussi de par leur présence gigantesque qui rend les humains dérisoires par comparaison. Au fil des pages, le travail de recherche imposé à l'artiste apparaît pleinement. En effet le lecteur reconnait au premier coup d'œil chaque personnage récurrent alors qu'il commence à y en avoir pas mal. Certes certains sont plus faciles à transcrire, comme Panya dans son fauteuil roulant avec ses cheveux blancs, ou Krauss dans son armure. Mais d'autres sont de simples humains (Kate Corrigan, Liz Sherman, l'agent Howards, le professeur O'Donnell) et ils sont immédiatement identifiables. La capacité de l'artiste à réaliser une case reprenant l'ambiance d'un tome précédent est stupéfiante et atteint son apogée avec celle consacrée au passé de Langdon Everett Caul, reprenant avec force l'ambiance d'un épisode de Garden of Souls, des épisodes parus 2007. Campbell explique même qu'il a construit un modèle à base de pâte à modeler et pailles pour être sûr de respecter la forme de l'Ogdru Jahad dans l'espace.


Le sérieux régnant dans le récit impose au dessinateur des expressions faciales mesurées. Néanmoins les personnages restent expressifs, grâce à une langage corporel mesuré. À nouveau, la série BPRD a ceci d'exigeant que nombres de personnages ne disposent pas de visages expressifs (Iosif Nichayko, Johann Kraus, Wirther) et qu'il faut quand même réussir à impliquer le lecteur dans leur situation en donnant des indications visuelles sur leur état d'esprit. Laurence Campbell est aussi à l'aise pour décrire une scène ordinaire (une promenade en bordure de plage pour un grand-père, sa femme, son fils et sa petite fille), ou pour la souffrance endurée par Johann Kraus dans son armure lors d'un combat dantesque. Cette capacité à montrer l'état d'esprit d'un protagoniste dans ses gestes et ses postures atteint des sommets avec l'acharnement de Kraus à la fin du combat, et la résignation d'Iosif Nichayko dans la scène finale.


Sans être ostentatoire, Laurence Campbell apporte le même degré d'intelligence graphique dans les décors, présents très régulièrement. Ils ne sont pas surchargés, et oscillent entre le photoréalisme (les navires de guerre, les appareillages hospitaliers autour du lit de Fenix), et plus dépouillés. Le lecteur se rend même compte que l'artiste sait montrer que certaines pièces de la forteresse du BPRD ont été délaissées, alors que d'autres sont utilisées régulièrement. Comme à son habitude, Dave Stewart réalise un travail au service de la narration graphique, complètement intégré aux dessins, à tel point de ne pas se remarquer, et totalement indispensable pour rendre compte de la force des énergies projetées, de l'ambiance lumineuse crépusculaire.


Ce treizième tome de la série L'enfer sur Terre du BPRD (après les 12 tomes de la série initiale, sans compter les tomes des origines à partir de 1946) est un vrai régal, pour ce qui est des aventures, des personnages, des monstres, des enjeux, des émotions, des dessins.


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The exorcist : 2 épisodes de la minisérie Exorcism, ainsi que les épisodes 140 à 142 qui forment l'histoire The Exorcist. La mise en couleurs de tous ces épisodes a été réalisé par Dave Stewart.


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- Exorcism (scénario de Mike Mignola & Cameron Stewart, dessins et encrage de Cameron Stewart, couvertures de Viktor Kalvachev) - En 1890, en Afrique de l'Est, un prêtre noir (Ota Benga) est appelé dans une maison de maître de blancs pour réaliser un exorcisme sur Edwina, la maîtresse de maison. De nos jours, dans l'Indiana, une jeune agente blanche du BPRD (Ashley Strode) doit réaliser un exorcisme sur un jeune garçon. Le résultat n'est pas entièrement concluant, mais elle est ensuite envoyée en mission au Mexique par Kate Corrigan pour se rendre chez Ota Benga suite aux déclarations du démon qui possède le jeune garçon.


Dans les pages de fin de volume, Scott Allie (le responsable éditorial) explique que l'idée du personnage d'Ashley Strode est venue de Cameron Stewart. Ils avaient proposé à ce dernier d'écrire une histoire pour le monde élargi du BPRD et il a souhaité écrire un personnage féminin. Ils lui ont proposé Ashley Strode, déjà apparue une fois pendant la Guerre contre les Grenouilles, voir War on Frogs. Ils l'ont aidé à peaufiner les détails pour que le concept s'amalgame bien avec les principes régissant le monde du BPRD. Le lecteur (re)découvre une jeune agente peu expérimentée, avec une affinité pour sentir les possessions par des démons. L'enjeu du récit est donc double : (1) développer le personnage d'Ashley Strode, (2) montrer les mécanismes de l'exorcisme.


Au cours de ces 2 épisodes, le lecteur voit Ashley Strode agir, prendre des décisions et faire part de ses réflexions. Il découvre une femme assez jeune, vraisemblablement pas encore 30 ans, qui dispose de compétences assez particulières. Elle travaille pour le BPRD sans trop se poser de questions, acceptant les ordres et les missions. Elle semble éprouver de l'empathie pour la souffrance du jeune garçon possédé par un démon. Elle ne laisse pas Ota Benga la mener par le bout du nez. Les auteurs montrent qu'elle sait très bien réfléchir par elle-même et relever les incohérences entres les dires et les comportements. Elle n'est pas facilement décontenancée, malgré les premières expériences qu'elle fait du monde astral, et elle est très courageuse, risquant sa vie pour sauver celle des autres, sans agir comme une tête brulée pour autant. Le lecteur la prend donc facilement au sérieux et la considère comme une adulte.


Cameron Stewart réalise une solide mise en images, en respectant les spécificités visuelles de la série. Les morphologies des personnages sont normales, sans musculatures exagérée. Il sait poser un décor en une case : la belle demeure en Afrique, le village où domine le clocher de l'église au Mexique, le marché découvert du village, la pièce avec un cercle d'invocation tracé sur le sol. Lorsque le récit passe dans le monde des esprits, il peut s'économiser sur les décors et utiliser des fonds noirs, ou des parois rocheuses génériques. Ses monstres sont très convaincants et ses gazelles aussi. Il met en œuvre quelques éléments de l'imagerie associée à la religion catholique comme une croix, des bures, ou encore une épée enflammée.


Le lecteur a bien compris que l'enjeu de ce tome est d'introduire une agente avec une nouvelle capacité dans l'équipe du BPRD. Hellboy et d'autres ont déjà procédé à des exorcismes, mais là il s'agit de renter dans le détail. Les auteurs ont choisi de donner à Ashley Strode la capacité de rentrer dans une forme de dimension astrale, dans laquelle elle perçoit les démons sous leur forme corporelle et où elle peut interagir avec, sans avoir besoin de les contraindre à se manifester dans le monde réel. Cette façon de procéder n'est pas plus grotesque que tous les autres comics à base de démons, et elle s'intègre bien avec le reste du folklore de la série. Cela permet aussi de donner une forme relevant du combat physique à l'affrontement entre les démons et Ashley Strode.


Cette première partie se lit avec plaisir. Cameron Stewart sait donner de la consistance aux différents lieux, ainsi qu'aux personnages (l'inoubliable première apparition d'Ota Benga au temps présent, avec sa canne). Ashley Strode est une sympathique jeune femme, sans être une pin-up, avec un visage jeune sur lequel se lit le courage et un caractère bien décidé. Le lecteur sait qu'il s'agit d'étoffer Ashley Strode, et qu'il s'agit d'une sorte de récit des origines pour expliquer comment elle a acquis ses compétences d'exorciste. Le mode de fonctionnement n'a rien d'extraordinaire, mais il est assez cohérent, et il évite d'en rajouter avec les tenants de la foi catholique, pour rester dans le domaine du divertissement. 4 étoiles pour un lecteur déjà investi dans les histoires du BPRD.


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- The Exorcist (scenario de Mike Mignola & Chris Roberson, dessins et encrage de Mike Norton, couvertures de Duncan Fegredo) - 15 mois plus tard, Ashley Strode intervient à Eugene dans l'Oregon. Elle effectue une mission en solo pour exorciser un suspect. Une fois cette mission achevée, elle va se reposer pendant une nuit dans un motel, avec une femme appelée Hannah. Cette dernière regarde les différents documents que Strode a punaisé au mur. Elle demande à quoi correspond le mot Yamsay. Il s'agit d'un nom évoqué par un indicateur. En fait c'est une petite ville non loin de là, dans laquelle beaucoup d'enfants ont disparu au fils des années.


Ces 3 épisodes de la série du BPRD confirment que ce nouveau personnage a été pensé avec son intégration dans l'équipe. Après les origines d'Ashley Strode, le lecteur s'attend à un récit plus consistant pour l'une de ses enquêtes. Il retrouve toute la saveur des épisodes du BPRD, période Enfer sur Terre, avec des agents de terrain accomplissant des missions seuls ou en groupe, des villes à moitié dévastées et abandonnées, mais une technologie encore en partie opérationnelle. La pagination plus importante que celle de la précédente histoire permet aux auteurs de développer une histoire plus étoffée, avec un prologue en bonne et due forme. Le lecteur constate qu'Ashley se rapproche du moule habituel des héros : autonome et solitaire, débrouillarde, apte physiquement, et courageuse jusqu'à en être téméraire. Elle devient un modèle féminin pour les lectrices. Mignola & Roberson mettent en scène sa relation avec Hannah de manière discrète, mais sans erreur possible d'interprétation pour un adulte sur sa nature homosexuelle.


L'intrigue repose donc sur un nouvel exorcisme, c'est indiqué dans le titre. Le lecteur retrouve le même dispositif avec cette possibilité d'alterner entre la réalité concrète et une vision psychique permettant une relation différente avec les créatures démoniaques. La bure et l'épée enflammée sont de retour, selon le mode opératoire défini dans l'histoire précédente. Néanmoins, cette histoire ne donne pas une impression de narration mécanique, parce qu'Ashley Strode prend le temps d'interagir avec d'autres personnes, avec l'environnement très cohérent de Hell on Earth. En outre cet exorcisme est directement lié à la situation en Enfer, voir Hellboy in Hell, mais reste compréhensible sans l'avoir lu.


C'est au tour de Mike Norton, le dessinateur de la très bonne série d'horreur Revival (avec un scénario de Tim Seeley), de mettre en images les aventures d'Ashley Strode. Le lecteur est étonné de proximité graphique entre Norton et Stewart. Il dessine de manière réaliste, avec le même léger degré de simplification (peut-être un peu plus accentué sur les visages). Il a tendance à mettre un plus de détails dans les dessins, avec des lieux qui gardent la trace de leur usage par les humains qui y sont passés. Il y a la pièce couverte de signes cabalistiques tracés par Trent avec des déchets au sol, le mur punaisé avec les fiches des différents cas que Strode estime reliés entre eux, le bar routier Yamsay Tap prêt à accueillir beaucoup plus de monde qu'il ne s'en présente, la maison isolée avec cette pièce remplie de paires de chaussures d'enfants, etc.


Mike Norton rend plausible aussi bien les environnements maintenant surdimensionnés, que les personnages normaux et leurs actions. Comme tous les autres dessinateurs de la série, il s'adapte au niveau d'exigence relatif à l'apparence des créatures surnaturelles. Cette deuxième histoire d'Ashley Strode s'avère tout aussi agréable pour la première, la qualité de l'intrigue de la seconde palliant le plaisir de la découverte de la première. Le dispositif des exorcismes reste un peu tiré par les cheveux, mais plus cohérent que le tout venant des comics d'horreur. On en peut que souhaiter une longue carrière à cette jeune femme au caractère bien trempé.

Presence
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le 15 févr. 2020

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