Avec Extremity, le génial Daniel Warren Johnson illustre à la perfection l’art du renouvellement dans le processus créatif, l’originalité se résumant en soi aux biais de tout un chacun : car ce comic-book, aussi excellent serait-il, n’a rien de bien révolutionnaire dans le fond. À tel point d’ailleurs que Wonder Woman: Dead Earth, paru peu après, lui emboitera le pas sur des thématiques et un décorum des plus similaires, sans que la redite ne soit pour autant gênante : il faut croire que l’auteur raffole et maîtrise son sujet.


Un sujet somme tout banal que celui de la vengeance, la rédemption et l’existence au global, Extremity collant aux basques de Roto décimés mais dévorés par une haine contagieuse : un postulat qu’embrassera volontiers le lecteur, médusé par la cruauté d’un passé cauchemardesque se prolongeant dans le quotidien de Thea et sa famille, chacun aspirant d’une manière ou d’une autre à surmonter le traumatisme. Subtile malgré son goût immodéré pour le grand spectacle, la plume de Warren Johnson brosse ainsi des portraits saisissants de crédibilité, la vendetta aveugle du patriarche puissant ses racines tant dans sa haine de l’autre que de soi.


Ses rejetons, divers dans leur approche de la situation, essuieront d’une manière ou d’une autre la perversité cyclique de comportements autodestructeurs, la violence s’apparentant à un cercle infini s’alimentant de lui-même : rien de nouveau sous le soleil donc, mais le cadre des plaines volantes et de la guerre des Paznina confèrera à ce récit anti-manichéen une patte des plus exquises. Avec le concours de Mike Spicer aux couleurs, les tableaux « flottants » composant Extremity donnent corps à une énième variation post-apocalyptique, entre vestige de technologies de pointes, voile moyenâgeux et soupçon de magie : comme à l’habitude de Warren Johnson, cela s’avère aussi exquis que grandiose.


De quoi nuancer le classicisme consommé d’une trame qui ne surprendra pas vraiment, si ce n’est au détour de planches subjuguant la rétine et de développements faisant mouche : contrepoids tout désigné à la violence ambiante, les Essene parachèveront l’intrigue en montrant une autre voie, extrême à sa manière et donc non moins percutante dans ses messages. Entre contemplation et destruction, Extremity mènera sa barque volante d’un bout à l’autre avec un brio rare : un récit de quêtes de soi et de sens, qui rappelle ô combien l’humain sera encore et toujours le seul artisan de sa chute… et de son salut.

NiERONiMO
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 22 août 2023

Critique lue 11 fois

1 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 11 fois

1

D'autres avis sur Extremity

Extremity
Ben-Hardo
9

Par Desiden

Sorti à l'origine en 12 numéros, entre mars 2017 et avril 2018, ce comics est arrivé peu de temps après chez nous (juin 2018 et mars 2019 pour la version one shot). Le tout sous le label Skybound des...

le 5 déc. 2023

2 j'aime

1

Extremity
NiERONiMO
9

Peines, épées et paix

Avec Extremity, le génial Daniel Warren Johnson illustre à la perfection l’art du renouvellement dans le processus créatif, l’originalité se résumant en soi aux biais de tout un chacun : car ce...

le 22 août 2023

1 j'aime

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3