Guerre et déshumanisation
Chacun de ces récits porte une lourde charge de cruauté, elliptique ou appuyée. La faim, le cynisme qui étouffe tout sentiment humain, l'obéissance aveugle, la cupidité, la sérénité crasse de ceux qui ne risquent pas leur peau et jouent avec la vie des autres, l'inconscience des enfants qui n'ont connu que la guerre et la traitent comme un jeu, le mépris ordurier des tripoteurs de caméra pour la souffrance tant qu'il y a une image saignante à saisir.
Tuer ou être tuer. Vacuité des paroles qui enjôlent et tuent plus sûrement que les Kalachnikovs.
Bosnie, oui, mais si peu. La guerre est universelle, et cet album aussi. Certes, on a quelques réfugiées turques voilées ici, des combattants musulmans au bandeau coranique présentant les armes lors de la profération de la Shahadah ailleurs... Et alors ? L'essentiel est dans ces femmes,; ces hommes, ces enfants qui croient que la vie va se poursuivre, et qui la perdent lorsqu'ils prêtent le flanc à l'espoir.
Le dessin de TBC (Tomaz Lavric), en noir et blanc, s'inspire parfois des contrastes d'ombres noires et de lumière dans la lignée de José Munoz et d'Alberto Breccia. Technique très adaptée à la noirceur du propos. Les personnages, bien typés, sont souvent inspirés du réel, comme ce journaliste ami de TBC qui a vraiment laissé sa peau en faisant son travail.