Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie parue en 1993. L'histoire se déroule après les évènements de Devil's Reign.


Quelque part dans un tripot, un homme joue et gagne au poker, de grosses sommes. Il s'appelle Calhoun, c'est un Grendel, une sorte de templier dédié au culte de Grendel, ayant prêté serment aux valeurs d'Orion Assante, premier Grendel-Khan du nom. Calhoun redistribue l'argent qu'il a gagné à des institutions charitables comme des orphelinats. Josef Mantovani n'est pas un Grendel, il a échoué aux tests. Il exerce le métier de détective privé et un propriétaire de restaurant lui a demandé d'enquêter sur meurtre de son frère. Son enquête l'amène à la nouvelle Orléans. Il y a également Alfred Bixby qui était comptable pour un groupe de Grendel, qui a pété les plombs, qui a revêtu l'habit et qui se prend pour un chevalier pourfendant les dragons (sa consommation de psychotropes est franchement déraisonnable). Il y a Gloria DeVere, une Grendel anglaise dont l'objectif est de sauvegarder les oeuvres d'art des siècles passés. Justement un de ses informateurs lui a indiqué la présence d'une pièce inestimable à la Nouvelle Orléans. Dan cette ville se trouve également Renute, un autre Grendel qui est attiré par les pratiques vaudous.


En 1989, Matt Wagner estime qu'il a dit tout ce qu'il avait à dire avec le concept de Grendel. Il décide donc d'ouvrir le monde qu'il a créé à d'autres auteurs. Il ouvre sa création à un moment qui se situe plusieurs siècles dans l'avenir, après un effondrement global de la civilisation humaine et sa reconstruction par Orion Assante, un visionnaire exceptionnel qui a utilisé l'image de Grendel comme symbole de ses actions. Après sa mort le monde est toujours en phase de reconstruction et Grendel est le symbole d'une forme de police hétérogène et avec des idéaux chevaleresques.


James Robinson propose donc de suivre 3 Gendel en titre et un en esprit dont les actions vont les amener à se rencontrer à la Nouvelle Orléans. Le premier choc est visuel. Le texte de Diana Schutz en fin de volume explique que Teddy Christiansen a mis 14 mois pour réaliser les 6 épisodes, et ça se voit. Il travaille directement à la peinture avec une vision pleinement formée de cet étrange future. La première page est une vue subjective d'un joueur de poker attablé à une partie, en pleine page. La fumée de cigarettes possède une densité impressionnante (elle est presque littéralement à couper au couteau). Les autres joueurs sont plongés dans une pénombre marron inquiétante. La deuxième page joue le contraste des couleurs puisqu'elle est dominée par une teinte rouge vive, dans le bureau de Mantovani. Les couleurs vertes de la jungle sud américaine où se trouve Bixby nagent dans une éclatante luminosité. Tout du long, Christiansen éclabousse ses pages de couleurs enchanteresses, osant tous les mélanges, y compris des compositions roses et vertes irrésistibles.


Les qualités de cet illustrateur ne s'arrêtent pas aux couleurs vibrantes, il y a une densité dans vision créatrice qui transforme chaque scène en un voyage exceptionnel, sans recourir à des mises en page alambiquées ou des dessins indéchiffrables. Sous son pinceau chaque personnage acquiert une densité de caractère incroyable. Gloria DeVere a la fois l'allure d'un garçon manqué, une légère préciosité qui sied à sa qualité de conservatrice, une forme trapue qui trahit son habitude de se battre. Elle est à l'opposé de tout cliché pour être unique. Les crises d'hallucinations de Bixby constitue des gemmes graphiques de délire maîtrisé, avec une reprise des codes visuels créés par Bernie Mireault dans The Devil Inside. Christiansen s'extirpe des lieux communs habituels des comics pour créer un junky bien parti, dangereux, avec une forme de noblesse inattendue. Le récit de Robinson se trouve littéralement transfiguré par les riches visuels de Christiansen.


Le récit en lui-même s'avère intrigant pour le lecteur qui s'interroge sur la nature des liens qui rapprochent les 4 Grendel, sur la nature du complot ourdi à la Nouvelle Orléans et sur les raisons du meurtre initial pour lequel Mantoni a été embauché. Mais Robinson n'arrive pas à profiter pleinement de la thématique liée à Grendel. Il utilise les Grendel pour montrer que la violence corrompt cet ordre aux objectifs purs et altruistes. Mais les personnages ont du mal à dépasser leurs actions. Ils n'ont pas de vraie personnalité au-delà de la mission qu'ils se sont chacun assignés. Robinson privilégie franchement l'intrigue et le mystère lié à l'enquête aux dépends de vrais points de vue des Grendel. Du coup le récit qui aurait pu donner des points de vue croisé sur les faits et les évènements reste dans le domaine de l'aventure, sans s'aventurer dans le polar psychologique ou social.


Ce premier récit franchisé dans le monde de Grendel se révèle une aventure graphique épatante, un mystère intéressant, mais avec des personnages qui ont du mal à exister en tant qu'individus.

Presence
7
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Créée

le 7 mai 2020

Critique lue 27 fois

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