Hollywood Menteur
7.2
Hollywood Menteur

BD franco-belge de Renald Luzier (Luz) (2019)

Étrangement, c'est ma passion pour le cinéma qui est à l'origine de mon dernier coup de cœur en bande-dessiné. En effet, j'ai, et ne suis visiblement pas le seul, une véritable obsession pour le film "Les Désaxés (The Misfits)" de John Huston avec Marilyn Monroe, Clark Gable et Montgomery Clift. Alors, quand j'ai découvert, dans les pages des Cahiers du Cinéma d'abord, puis sous forme d'album, que Luz lui avait consacré des planches à sa manière, j'étais aux anges. Surtout que le résultat de son "Hollywood Menteur" est détonnant, tant sur le fond que sur la forme. 
Déjà, cette BD m'a plu dans la façon originale dont elle traite son sujet. Elle est très bien documentée - parole d'amateur - et cela se retrouve dans la manière dont Luz dessine les saynètes relatant les anecdotes de tournage de ce film si particulier. Les indicateurs de temps et de lieu, témoignent d'une recherche approfondie, tandis qu'il prend un malin plaisir à animer, à faire vivre les célèbres clichés pris par les photographes de l'agence Magnum, qui étaient en charge d'immortaliser l’événement. 
Mais au-delà de son aspect reportage, c'est vraiment la radicalité du propos, et du dessin surtout, qui est admirable. Car loin de remettre en scène, sans recul, une époque certes glamour, mais un brin poussiéreuse, Luz dynamite ce petit monde avec une liberté de ton jubilatoire ! Afin d'évoquer l'envers du décor et l'hypocrisie de "la machine à rêver" hollywoodienne, le dessinateur adopte un style brut de décoffrage, en noir et blanc, et en dresse un portrait grossier, brouillon, à grands coups de marqueur. Ce parti-pris a pour résultat de créer une sorte d'intimité entre le lecteur et ces étoiles en bout de course, qui voient leurs défauts accentués, et sont montrés dans leur plus éclatante fragilité. Surtout que Luzier ne recule devant aucune audace narrative, comme en témoigne la conversation hallucinée entre un Monty Clift accro aux barbituriques et la carlingue broyée (et en lévitation) de la Porsche 550 Spyder dans laquelle le cendrier humain James Dean trouva la mort....
Enfin, cette évocation surréaliste et sans concession des derniers éclats du Hollywood Classique, à l'aube d'un reformatage, fait étrangement écho à celui qu'est en train de vivre l'actuel, toujours aussi menteur, pour le meilleur et pour le pire, je ne vais pas vous faire un dessin... 

GA71
8
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le 29 juin 2020

Critique lue 113 fois

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