Zero Year, le Year One de Snyder, visant moins à modifier les origines de Batman (même si c'est bien cela qui est fait) qu'à mettre en avant une nouvelle réflexion sur le chevalier noir. Snyder pense, sûrement à raison, que la mafia, le crime organisé et la police corrompue sont moins les menaces de la vie du XXIe siècle qu'elles ne l'étaient à son époque. Pour lui, les nouvelles menaces doivent s'incarner par des entreprises crapuleuse, des flics soucieux de leur image plus que de leur concitoyen et une violence chaotique, pouvant surgir n'importe où.


Ce premier tome de Zero Year se concentre sur l'arc Cité Secrète (rencontre avec le gang des Red Hood et apparition du Batman) et le début du combat contre le Sphinx.
Le récit pourra surprendre par son début : un Batman à moto, équipé pour une opération de survie, muscles dehors. On est loin de l'image du détective et c'est bien dommage. Mais il s'agit de revenir aux événements ayant provoqué cette situation.


Zero Year offre, étonnement, un très bon discours en sous-texte, proposant une vraie réflexion sur la criminalité contemporaine et les espoirs qu'il faut pour les vaincre, tandis que le texte à proprement parler, le sujet principal, peut sembler d'une part peu intéressant et de l'autre mal traité.
En effet, on retrouvera ici toutes les tares d'écritures de Snyder, à commencer par les facilités scientifiques exagérées que Snyder se propose pour faire avancer l'intrigue, préférant créer des armes qui, clairement, changerait la face du monde, plutôt que de développer le côté jeu d'esprit du comics. On trouvera surtout cette tendance à mettre Batman dans une situation indépassable, à souligner la difficulté de la situation pour conclure par une solution qui n'en est pas une : il est Batman et parvient donc à tout accomplir même là où il devrait physiquement mourir. Ce n'est pas crédible, on n'y prend pas goût.


De manière générale, l'écriture du Batman de Snyder a rarement été aussi ratée que dans ce tome. Bruce Wayne n'est pas convainquant, son début de croisade contre le crime a beaucoup de motivations mais peu de réelle conviction, sa création du Batman est superficielle, sa personnalité même de Bruce Wayne est fade et superficielle.
Les personnages ont bien du mal à sonner juste et c'est dans les seconds coûteux comme Bullock que le lecteur prendra du plaisir. Gordon est pas mal réussi aussi. Nigma est inquiétant au possible et réalise ainsi une bonne origin story tantis que Philippe Kane, l'oncle de Bruce est le personnage secondaire qui convainc, ayant des mises en scènes réussies qui amène justement la narration à surprendre.


Le gros problème de caractérisation des personnages, unissant les autres problèmes, montre les limites du récit sur le Red Hood. Le personnage censé incarner le crime quotidien et gratuit, finit, au contraire, pas tout organiser avec précision dans une succession d'arme excessives (en quelques pages on a un gaz qui effrite le corps humain, une arme qui détruit l'intérieur des organes sans abîmer le corps, un masque synthétique ultra-réaliste et des bottes pour se tenir à l'envers sous un dirigeable …).
Red Hood est le Joker. La volonté de donner des origines au personnage, tout en prétextant ignorer sa personnalité conduit Snyder à réellement créer le Joker en Red Hood. Même personnage, même personnalité, même récit. Rien n'arrive à convaincre le lecteur face à cela. On est face à un Joker bis, non pas face à ses origines, non pas face à un autre potentiel. Cela détruit totalement tout le côté origin story du récit.


Donc si le sous-texte est réellement excellent, évoquant avec brio non le discours sur le terrorisme et les menaces des faits divers mais leur factualité phénoménologique (un sentiment de danger omniprésent et injustifié/injustifiable) ainsi que leur remède (la confrontation entre le non-sens de la mort et le sens donné par la vie, le besoin d'une union, d'un discours et de personnalité, le fait qu'il faut des symboles quand même ce sont justement des symboles mais que ceux-ci sont efficace), on regrettera quand même largement le personnage stéréotypé.


Le second récit n'est que partiel mais offre une idée intéressante de confrontation entre Bruce Wayne et Gordon malgré un soutient de ce dernier à Batman avec en fond l'apparition d'un dangereux savant psychopathe, capable de tuer ses victimes en leur faisant pousser leur os jusqu'à leur mort. Sachant que la confrontation se déroule ensuite dans une base visant à manipuler le climat comme une arme, ça fait encore deux petits abus technologiques (je précise que je n'ai rien contre l'abus technologique, mais quand l'histoire entend être d'une part réaliste, d'autre part se dérouler 6 ans avant le récit principal, et enfin que ces technologies apparaissent toutes les 5 pages, on a du mal à croire que le monde contemporain n'en aurait pas totalement été chamboulé)


L'aventure est présente on s'y amuse et s'y intéresse sans s'ennuyer. La narration est cohérente et malgré le besoin régulier d'avaler des couleuvres à grand coup de technologies impossibles (le nouveau cimen, le vaccin sur les os, la batmobile), on s'amuse vraiment beaucoup à suivre la progression du récit de Batman. Ses premiers pas sont réussis et les références nombreuses amuseront le lecteur et justifieront certaines situations étranges (première et unique utilisation d'un pistolet).


Visuellement Capullo offre du très beau, sublimé par des teintes claires et un rouge très beau pour les incendies. Je ne suis pas toujours fan de son travail sur Batman mais il faut avouer que nous sommes face à un moment de sa carrières dont il n'aura pas à rougir ! Un très bon moment visuel !
Et un bon moment tout court.
Malgré des faiblesses évidentes sur la manière de mettre en place un récit, et l'écriture naviguant entre médiocre et moyenne pour les personnages principaux, Snyder parvient à offrir une histoire intéressante, avec un bon mixe entre l'action pure et les scènes plus douces, permettant de sublimer la tension. Surtout, le sous-texte très intelligent permet une seconde lecture plus agréable. Je l'avoue volontiers d'ailleurs : Zero Year est plus plaisant à relire qu'à lire.

mavhoc
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le 28 déc. 2017

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