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Les formes, déjà pâteuses et approximatives en raison de l'épaisseur des traits et du propos délibéré de simplification naïve, s'enrichissent ici d'une chevauchée symbolique et d'un enchaînement de transmutations qui font écho à la démarche alchimique. On est dans le rêve, domaine où les frontières entre substances sont abolies, où l'espace et le temps se remodèlent continuellement, où ce qui est perçu se révèle d'une étonnante (coupable ?) plasticité à laquelle le rêveur (ici, la rêveuse, Linda), doit s'adapter. La loi du temps linéaire s'abolit, et Linda effectue sa quête dans un milieu où toutes les informations stockées au cours du temps (ses souvenirs) sont disponibles dans les différentes régions d'une topographie soumise à de constantes métamorphoses.

Initiation à la sexualité. Symbolique, bien sûr. Le bouquin est destiné aux petites filles, et il serait mal venu de leur offrir du porno. Linda éprouve subitement le besoin de s'embellir, et la lutine Nouna la recoiffe artistiquement, et raccourcit sa robe; suite à quoi Linda va participer à une course de grimes (sorte de gros mammifères placides mais très velus) : elle doit chevaucher la bête et gagner la course. Mais on lui reproche avec insistance d'avoir les jambes nues. Les grimes, énervés par des cris d'autres animaux, ont le poil qui se hérisse au cours de l'épreuve, et pénètrent la peau des cuisses nues de Linda, qui voit son sang couler.

Ce "premier sang" (premières règles, premier rapport sexuel) vaut à Linda d'être isolée dans une tour (impureté du sang menstruel), habillée en mariée. Elle y attend théoriquement un "Prince".

Mingo-Jiminy Criquet surgit, et les deux compagnons se dissolvent en eau dans le bassin à ablutions de la geôle où Linda est enfermée. Après cet avatar aquatique, on passe à l'initiation à la Terre : pour échapper à des guimblats, Linda se réfugie sous des buissons qui la recouvrent et la transforment en arbre. Le danger s'éloigne, mais cette métamorphose immobilise partiellement Linda qui va devoir faire face au Temps Immobile, c'est-à-dire à ses peurs et complexes jamais surmontés.

La Dame aux fleurs de pierre (sa part d'ombre figée dans la contemplation de ses regrets et ruminations) lui fait subir une descente dans une caverne. C'est la Caverne du Souvenir (élément Terre, mais aussi élément Feu : la Dame entretient un foyer), où Linda se remémore un incident concernant son frère qui a brûlé accidentellement quelques-uns de ses cheveux. Passage par le Feu, donc.

De placides guimblats mènent Linda dans leur caverne, et c'est là qu'elle joue à dessiner une arbre en cailloux (à fleurs vertes), lequel arbre se dresse subitement et devient réel. La libido morcelée (cailloux) de Linda s'unifie et s'anime d'un mouvement ascensionnel.

Mingo, comme de juste, est l'esprit-guide qui attend Linda sur cet arbre, et ils partent dans la forêt de l'Oubli, loin de la Reine et de la Dame aux Fleurs de Pierre, qui cherchent à figer Linda, l'une dans une tradition purement physiologique asservissante (une fille n'est faite que pour la reproduction), l'autre dans la paresse pétrifiante de la rumination du passé et de ses regrets.

Si ce récit a vraiment vertu de faire comprendre aux petites filles les arcanes de leur propre psyché, alors le titre de la présente critique (emprunté à l'ouvrage de Pierre Péju) leur convient. Mais les adultes en tireront de fort utiles leçons. A condition de libérer en eux le langage symbolique de l'enfance. Quand on est adulte, surtout en France, ce n'est pas gagné.
khorsabad
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le 4 févr. 2013

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