Très franchement, jusqu’au dernier moment je ne savais pas si j’allais me lancer dans l’aventure The Infinite Loop. Non pas que l’intérêt ne soit pas présent, mais je ne sais pas, le pitch ne m’a pas happé directement. Mais la découverte d’un comics français, et les dessins d’Elsa Charretier ont fini par me laisser tenter.
Sans véritable explication, il y a des comics, qui, aux premiers abords ne font pas tilt, mais qui une fois terminé, on se dit que l’on n’aurait jamais du attendre aussi longtemps, ou qui ont une porté bien plus importante que le simple divertissement. The Infinite Loop fait parti de cette deuxième catégorie. A travers un scénario intelligent et de superbes dessins, les auteurs nous amènent à nous poser les bonnes questions.


Teddy vit dans un futur lointain, un monde édulcoré et sans aspérité où il n'y a plus d'enjeux, plus de haine, et surtout... plus d'amour. Un monde en apparence apaisé et sans conflit et où les voyages spatiotemporels font partie du quotidien. Teddy y mène une existence parfaite, exerçant son travail de correcteur d'anomalies temporelles au sein d'une brigade gouvernementale. Sa vie se déroule sans accroc jusqu'à ce que l'une de ces anomalies prenne la forme d'une jeune femme. Teddy est alors confrontée à un choix terrible : osera-t-elle défier sa hiérarchie et sauver l'anomalie ou va-t-elle purement et simplement la supprimer ?
Comment s’épanouir quand on vous empêche d'aimer librement ? C’est la question à laquelle tentent de répondre Pierrick Colinet et Elsa Charretier, couple d’auteurs français évoluant sur le marché américain, avec The Infinite Loop : une histoire humaniste où la S.F. est un moyen d’aborder des sujets plus délicats.
(Contient les épisodes #1 à 3)


Dans The Infinite Loop, nous suivons les aventures de Teddy, une jeune femme rousse habillée à la garçonne mais avec un charme fou et certain. Chemise à carreaux, pantacourt avec des bottines, chignon nonchalant et mèche rebelle, une taille de guêpe, de belles formes (quelles hanches !) et un visage d’ange. On pourrait la croire tout droit sortie d’un vieux comics des années soixante, là où se déroule la première scène d’ailleurs, mais il n’en est rien.
Et donc d’entrée, nous sommes sous le charme des dessins d’Elsa Charretier. C’est un véritable souffle de fraîcheur qui s’abat sur nous. Et le fait de privilégier des dessins un peu rétro (toujours dans les années 60) apporte une certaine chaleur à l’atmosphère du récit, un certain charme à cet univers qui nous est proposé. Certes, les décors ne sont pas aussi travaillés que les personnages, mais qu’importe ! Elsa Charretier privilégiant l’émotion et une mise en page judicieuse et intéressante (notamment sur les prises de décisions de Teddy) à un surplus de détail, pas forcément nécessaire avec le récit.


Teddy est donc en 1964, ce n’est pas son époque, elle est là pour réparer une anomalie temporelle. Son métier consistant à faire disparaître cette anomalie, ces anomalies pour préserver, au mieux sa trame temporelle. Et si cela peut paraître génial au premier coup d’œil, des voyages dans le temps, la vision du futur, rencontrer des dinosaures, on comprend très vite que ce futur est aseptisé de sentiments ! Fini l’amour, fini la haine, du moins c’est ce qu’espère les têtes pensantes de cette époque.


Mais soudain, Teddy va tomber sur une anomalie bien différente, une anomalie vivante, au visage humain comme elle, avec une longue chevelure mauve, une longue robe transparente laissant apparaître un corps nu et délicat. Et là, tout change pour Teddy, quelque chose de nouveau a lieu en elle, et plutôt que de supprimer cette anomalie, elle décide, bien malgré elle, de la sauver, de la cacher et de l’aimer ! Les voyages temporels sont alors, très rapidement, mis de côté, mais pas ce qu’ils impliquent, puisque que Teddy et Ano (l’anomalie) vont vivre une course poursuite se terminant d’une façon plus ou moins surprenante.


Non seulement Teddy voit toute sa vie et ce a quoi elle est habituée remis en question, mais en plus elle découvre qu’elle ne savait pas grand-chose des voyages temporels ! Et tout cela va l’emmener à s’interroger sur ce qu’elle doit faire face à l’inéluctabilité, sans satisfaire bien malgré elle ou se battre. Tout homme ou femme est condamné à être libre, mais que faire si cette liberté se fait au détriment du statu quo ? Et cette question, amenée par Pierrick Colinet, nous pouvons tous nous la poser, elle nous concerne tous, et nous que ferions-nous à la place de Teddy ?


Après ces trois chapitres, le tome se termine avec un beau nombre de bonus, entre couvertures alternatives, un très bon dossier sur l’homosexualité dans les comics, des pages de croquis et de script. Vraiment complet et intéressant.


Bref, je suis ravi d’avoir sauté le pas et de m’être laissé séduire par ce titre. Un esthétisme de haut vol grâce à Elsa Charretier, de magnifiques dessins, avec une mise en page intelligente. Et une intrigue prenante et intelligente, avec ce qu’il faut d’émotion de la part de Pierrick Colinet. Superbe découverte !

Romain_Bouvet
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 29 oct. 2015

Critique lue 165 fois

2 j'aime

2 commentaires

Romain Bouvet

Écrit par

Critique lue 165 fois

2
2

D'autres avis sur L'Éveil - The Infinite Loop, tome 1

L'Éveil - The Infinite Loop, tome 1
Romain_Bouvet
9

Superbe découverte !

Très franchement, jusqu’au dernier moment je ne savais pas si j’allais me lancer dans l’aventure The Infinite Loop. Non pas que l’intérêt ne soit pas présent, mais je ne sais pas, le pitch ne m’a pas...

le 29 oct. 2015

2 j'aime

2

L'Éveil - The Infinite Loop, tome 1
Cabot3
7

Un comic français intelligent qui manque un poil de finesse dans l'écriture

Ce tome a un écho tout particulier en ces temps tout sécuritaires ou du coup l'on fait une croix sur certaines de nos libertés. Car c'est ça le thème de cette œuvre la liberté face à l'interdit, et...

le 1 nov. 2016

1 j'aime

L'Éveil - The Infinite Loop, tome 1
Presence
10

L'homme est condamné à être libre. - Jean-Paul Sartre

Ce tome est le premier d'une histoire en 2 parties, complète et indépendante de toute autre. Il est initialement paru en 2015, suite à une prépublication en anglais chez l'éditeur IDW, elle-même...

le 23 nov. 2019

Du même critique

Le Deuil de la famille - Batman, tome 3
Romain_Bouvet
3

Un Joker qui n'en a que le nom, un Batman qui n'en est pas un...

À peine remis de son éprouvant combat contre la Cour des Hiboux, Batman voit revenir son pire cauchemar, le plus terrible de ses adversaires : le Joker ! Et cette fois-ci le Clown Prince du Crime est...

le 14 févr. 2014

17 j'aime

4

Batman : Silence
Romain_Bouvet
4

Trop d’étalages!

Batman Silence ! Le run de 12 numéros du duo Jeph Loeb et Jim Lee, ou comment essayer de faire intervenir le plus de personnages possibles en un court laps de temps. C’est la première chose que l’on...

le 13 déc. 2013

17 j'aime

5