Le Choucas en Afrique Noire

Le Choucas n'aime pas les flics racistes. Certains d'entre eux, à Paris, sont suffisamment obsédés par les trognes un peu bronzées pour dégoûter un jeune Malien, pourtant longuement élevé à Paris, de rester en France. Finalement, tout le monde est content: le Malien reste au Mali, les flics ne le reverront pas, les tiers-mondistes se réjouiront de voir les indigènes intelligents choisir de servir leur pays plutôt que la raclure impérialiste, et les xénophobes se réjouiront de ce qu'un black de moins arpentera les rues de Paris. Et Le Choucas doit être content aussi: il a encore raté sa mission, qui était de ramener Benoît.

Le récit vaut par son portrait du Mali: villages isolés dans une steppe plus ou moins arborée, hôtels sommaires où tout est tordu et poisseux, barques couvertes surchargées de marchandises plus ou moins légalement vendues, "téléphone malien" grâce auquel les secrets les mieux gardés sont rapidement gardés par tout le monde, gourbis d'argile rouge bancale et fendue...

Le regard ironique et enrichi de second degré du Choucas jette sur ces réalités un éclairage savoureux, anti-raciste et fataliste. Notre héros érudit ès-littérature policière trouve encore le moyen de rencontrer au Mali un gars appelé Chester (Himes) et un autre appelé Dashiell (Hammett). Entre deux bières maliennes suspectes et la flasque de Picon censée les assaisonner, Le Choucas traque sa jeune proie, qui finalement apparaît comme le moins barjot de la bande.

Le faible nombre de vignettes par pages leur permet un assez grand format, assez pertinent pour les paysages africains. Les couleurs ocre, entre poussière et ensoleillement rasant, suscitent une atmosphère qui donne chaud et soif. Mais le Choucas sait se désaltérer. C'est tout ce qu'il semble retirer de ses enquêtes, d'ailleurs. A force de les rater, on se demande de quoi il vit.