C'est dans des albums tel que La Longue Griffe que l'on ressent le plus l'inspiration mi-Kipling mi-Rice Burroughs du duo Lécureux-Chéret.
De Rahan proprement dit, il y a ce titre énigmatique et la chose du monde dont il se fait la poétique périphrase. Pas des moindres, il s'agit du bien le plus précieux de Rahan, son coutelas, que ce dernier se fait dérober par des singes.
Des deux inspirateurs, on trouve bien plus.
Kipling, qui était déjà là en transparence dans les noms donnés aux panthères et aux ours et que l'on retrouvera dans une aventure future, cité avec l'expression "petit d'homme", prête à Rahan des antagonistes: les singes et leur roi, antagonistes jugés ici aussi sérieux que les hordes et clans rencontrés au hasard de ses errements par le fils de Crao.
Rice Burroughs, que l'on devine par la proximité physique de Rahan à Tarzan ainsi que dans le voisinage phonétique de leurs noms, dans leurs cris de guerre, est plus présent que jamais, Rahan n'ayant affaire qu'à des singes et cherchant à communiquer avec eux.
Reste la symbolique, un brin macho, un rien basse et grotesque.
Pourquoi le coutelas est-il si essentiel à Rahan, outre qu'il représente heuristiquement son seul et meilleur moyen de défense contre les nombreux obstacles qui jalonnent sa route ? Parce que, comme souvent, ce couteau, acquis dans le combat, représente la virilité de Rahan. Le récit fait donc assister à un duel de coqs entre Rahan et la gent simiesque, un affrontement de testostérone qui doit permettre à l'homo sapiens de prouver que, bien que poli par son évolution, il conserve la virilité animale de ses ancêtres.
Intéressant, amusant, c'est un sympathique petit Rahan.