La Nouvelle Vie de Niina, Tome 1 par Ninesisters

La Nouvelle Vie de Niina est un manga ayant vécu une aventure éditoriale des plus atypiques. Comme l’explique la mangaka, Koyomi Minamori, sa spécialité reste les histoires courtes, généralement en un seul chapitre, qui n’ont pas vocation à être publiées en dehors de leur magazine d’origine. La Nouvelle Vie de Niina a commencé de cette façon, avant de connaitre un destin plus alambiqué et de devenir la première série de l’auteur disponible en volumes reliés. Après une cinquantaine de pages qui vont marquer le lectorat du supplément du Hana to Yume, elle est invitée par sa rédaction à produire un puis deux chapitres supplémentaires, et enfin un court épilogue ; le tout formera le premier tome de l’édition reliée (avec une de ses anciennes histoires en bonus pour obtenir le bon nombre de pages). Devant le succès, elle passe dans le Hana to Yume pour une série de six chapitres (plus courts) évoquant des événements se déroulant entre le 3ème chapitre et l’épilogue, pour obtenir un second tome. Et comme cela fonctionne toujours aussi bien, elle se lance dans la publication de deux volumes supplémentaires.


Pas la peine d’être très fort en mathématiques pour conclure que La Nouvelle Vie de Niina compte donc quatre tomes. Néanmoins, cette publication progressive donne forcément une construction étrange, puisque la mangaka devait rajouter des histoires au fur et à mesure à sa trame d’origine, ce alors qu’elle avait déjà écrit l’épilogue, présent dans le premier volume. De fait, concernant la fin, pas de surprise à attendre, mais je doute que de nombreux lecteurs auraient souhaité une conclusion différente. En tout cas, moi pas.


La thématique proposée à l’auteur pour se lancer dans le chapitre d’origine était la suivante : l’amour malgré la différence d’âge. Concrètement, elle met en scène une fillette de 10 ans amoureuse d’un adulte de 15 ans son ainé, mais de façon à ce que cela ne paraisse en aucun cas glauque : Niina n’a pas oublié sa passion pour Atsuro, et leur relation reste longtemps à sens unique, ce-dernier ne voyant jamais qu’une petite fille lui rappelant son amour disparu. Et comme il travaille dans une école primaire… Il faut dire que Niina a fait un choix : hors de question pour elle de révéler à quiconque ses souvenirs de son ancienne vie, elle veut vivre en tant que Niina, avec sa famille, et sans oublier ses anciennes relations, elle sait qu’ils ont fait leur deuil ; toutefois, il lui arrive de ressortir spontanément, sans arrière-pensée, des informations que « Niina » n’est pas censée connaitre, trahissant son identité.
La situation évolue dès le troisième chapitre, puisque l’auteur effectue une ellipse de 5 ans. Cinq années qui auront permis à l’héroïne de se rapprocher de l’âge de la légalité, et surtout à Atsuro à accumuler suffisamment d’indices sur un possible lien, certes improbable, entre Niina et Chitose. Cinq ans pour renouer avec leurs sentiments, même si un œil extérieur ne pourra que trouver leur relation étrange.


Le synopsis pourrait paraitre malsain, mais le résultat ne l’est strictement jamais. Déjà, car si l’ellipse constituait pour l’auteur une pirouette avant d’en arriver à ce qu’elle croyait alors être la fin de son histoire, elle va faire de Niina une lycéenne sur la majorité de la série, ce qui rend leur relation plus acceptable. De toute façon, cela reste totalement platonique. Lorsqu’elle a 10 ans, non seulement Atsuro ne semble ressentir pour elle que de la tendresse, mais son propre amour s’explique aisément. Ensuite, même si certains personnages désapprouvent – surtout deux, amoureux respectivement de Niina et d’Atsuro – la plupart acceptent leur relation ; les parents et la sœur de Niina connaissent bien Atsuro, et si ses amies craignent plus leurs différences d’état d’esprit et de goûts que la morale, ils doivent s’incliner devant l’amour véritable qu’ils se portent.


Niina est une excellente héroïne. Mine de rien, sa situation n’a rien de facile, et nous pouvons même dire qu’elle n’a rien d’enviable : bien que sachant qu’elle est Niina, elle garde aussi une part de Chitose en elle, mais elle refuse qu’elle prenne le pas au détriment de sa famille actuelle. Elle a décidé de dissimuler ses souvenirs, quitte à prendre sur elle et à souffrir en silence, devant aussi composer avec les interrogations et les soucis typiques de son âge. Pour autant, elle reste fondamentalement positive, du moins autant que possible, et prend comme un miracle de pouvoir continuer à voir Atsuro au-delà de la mort. Au quotidien, il s’agit d’une fille enjouée, avec une certaine tendance à faire passer les autres avant elle-même, et très loin d’être cruche ou niaise, à la différence de nombreuses héroïnes de shôjo. Toutefois, ses proches la trouvent maladroite, et assez douée pour s’attirer des ennuis.


De son côté, Atsuro est un personnage plus complexe. La disparition de Chitose l’a clairement chamboulé, et il a eu beaucoup de mal à remonter la pente ; nous n’avons pas énormément d’information à ce sujet, mais il a eu des phases clairement autodestructrices. Aujourd’hui, il travaille comme nutritionniste. Il s’agit d’un garçon silencieux, un peu mélancolique, mais sa rencontre avec l’explosive Niina lui a fait du bien, même avant qu’il ne comprenne son lien avec Chitose. Car oui, même s’il n’en dit rien, considérant que c’est à elle de lui révéler la vérité si elle le souhaite, il a bien compris qu’il s’agissait d’une seule et même personne.


Petite anecdote personnelle : je n’aime pas les histoires courtes placées à la fin de certains tomes de manga. Pour une raison simple : je les vois comme des bonus, sauf qu’un bonus ne devrait pas prendre la place de chapitres de la série pour laquelle nous avons achetés ces tomes. Parfois, comme pour obtenir le bon nombre de pages dans le dernier volume d’une série, cela peut se comprendre. Mais parfois, il y a de l’abus ; comme dans un tome récent de Food Wars, où deux chapitres ont été remplacés par d’autres histoires, afin de laisser la trame principale se fermer sur un cliffhanger. Toujours est-il que, le plus souvent, je ne les lis pas. La Nouvelle Vie de Niina est une exception : la série compte trois histoires courtes (dont la présence m’apparait justifiable), et je n’ai pas pu m’empêcher de les dévorer. Cela en dit long sur le plaisir que j’ai pu ressentir devant les travaux de Koyomi Minamori : le titre principal ne me suffisait pas, j’en voulais plus !


Les shôjo sont des manga difficiles à apprécier sur des critères purement objectifs, c’est avant tout une question de ressenti, d’ambiance, et d’attachement aux personnages. A tous ces niveaux, je peux dire que La Nouvelle Vie de Niina m’a comblé : j’ai adoré suivre les aventures de Niina, dans un premier temps gamine vivante et un peu espiègle, puis lycéenne passionnée qui cherche à trouver son propre chemin malgré ses souvenirs de sa vie antérieure. La mangaka traite son histoire avec beaucoup de charme et d’intelligence, sans jamais au grand jamais que la relation entre Atsuro et son héroïne ne paraisse glauque ou malsaine, tant il s’avère impossible de voir autre chose que deux êtres qui s’aiment tendrement et profondément. Si Niina va de l’avant et veut rester positive, il ne s’agit pas pour autant d’une comédie, puisque l’histoire incorpore une forte composante dramatique, et traite avec finesse de sujets comme la disparition et la difficulté de faire son deuil. La relation qu’entretiennent Atsuro et Niina n’en devient que plus importante à leurs yeux, plus belle, et plus intense. Le tout est souligné par un trait agréable à l’œil, et surtout un jeu de mimiques bien maitrisé et du meilleur effet.


J’aurais plus de réserve concernant l’édition, mais rien qui ne doive vous dissuadez de lire ce manga. Au moins, l’éditeur est allé au bout de la publication, et cela faisait des années que je n’avais pas commencé chez eux un manga publié dans son intégralité ! La traduction est correcte, les phrases bien tournées, et si ce n’est la police de caractère parfois utilisée, je n’ai aucun reproche notable à leur faire. A un détail près : comme cela se fait habituellement, le (la ?) traducteur (traductrice ?) a opté pour la suppression des suffixes japonais ; seulement, il s’est trouvé confronté à un échange entre deux personnages jouant justement sur ces suffixes, ce qui peut s’avérer casse-gueule. Dans Du Haut de mon Monde, le traducteur avait contourné l’obstacle en faisant comme si de rien n’était, réduisant alors à néant le sens particulier (et très fort) que voulait faire passer l’auteur. Ici, autre contournement d’obstacle, dans un style différent : le traducteur a tout simplement réintroduit les suffixes le temps de ce seul dialogue. Je n’avais jamais vu ça. Sur le coup, cela surprend. Heureusement, il ne s’agit jamais que d’un détail. Il ne faut surtout pas vous formaliser juste pour ça.


La Nouvelle Vie de Niina est un véritable petit concentré de bonne humeur, dans une veine très classique mais hautement appréciable, et un des meilleurs shôjo que j’ai eu l’occasion de lire dernièrement. En seulement quatre tomes, série finie, cela en fait un titre que je recommanderai chaudement à tout amateur de comédie romantique (même si cela me fait un peu mal au derrière de saluer un titre publié par un tâcheron). Il s’agit d’un titre touchant, fin, souvent charmant, que j’ai pris énormément de plaisir à parcourir.

Ninesisters

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