La folie est au centre de ce quatrième épisode de la Balade au bout du monde qui clôt l’histoire (premier cycle) imaginée par Makyo et dessinée par Vicomte (couleurs signées Laurence Quilici) sur 46 planches.


Episode particulièrement mouvementé, de façon un peu folle serait-on tenté de dire. Tout d’abord, Arthis est tombé dans un état de prostration mentale, puisqu’il passe ses journées debout à fixer un mur dans sa cellule d’un hôpital psychiatrique. Un psy l’interroge et Anne vient le voir, mais on peut sérieusement se demander s’il n’était pas mieux dans l’immense geôle souterraine du premier épisode.


L’histoire est donc contée (oui, c’est un conte) par Arthis, par bribes, à son médecin qui n’y voit évidemment que le délire d’un cerveau perturbé. Voilà qui a le mérite de laisser une porte de sortie crédible à l’ensemble du cycle. Parce que la crédibilité de ce royaume de Galthédoc, enclavé depuis des siècles dans le grand pays, est toute relative. Comment et pourquoi Galthédoc ne figurerait sur aucune carte ?


Le thème de la folie ramène à celui du pouvoir. Une légende affirme que le détenteur d’une certaine pierre détiendrait un pouvoir fort. Mais il se dit également que la pierre aurait le pouvoir de rendre son possesseur complètement fou. De là à affirmer que c’est le pouvoir qui rend fou, il n’y a qu’un pas que le lecteur est amené à évaluer.


En Galthédoc, le pouvoir du roi reste vacillant. Argon pense détenir les atouts suffisants pour s’en emparer. Il joue sur la superstition du peuple et sur le prestige que dégage son bel habit. Habile metteur en scène, il marque les esprits en épousant la jolie brune qui faisait tenir Arthis dans sa geôle. Remarque au passage, bien qu’étant un enjeu majeur dans cet épisode (rien moins que le symbole de la féminité et de la fertilité), elle n’est toujours pas désignée par un nom. Au moment de la cérémonie, le groupe Joachim-Arthis-Anne survient pour l’enlever et la soustraire au pouvoir d’Argon. Elle se jette dans les bras d’Arthis et l’embrasse sous l’œil d’Anne qui prétendra ensuite n’avoir rien vu de tout ça… On a alors droit à quelques échanges de regards assez cinématographiques qui illustrent l’influence des actes de chacun sur ceux qui les côtoient.


La lutte pour le pouvoir fera l’objet de combats sanglants. D’abord par des combats individuels puis par une explosion de violence concernant le peuple. Dans cette agitation, l’opportunisme peut se révéler payant. Mais, les uns et les autres abattent leurs atouts au fil des circonstances (ainsi qu’au fil de l’épée !)


Cet album apporte pas mal de réponses, même si l’ensemble des révélations n’apporte pas une totale satisfaction au lecteur.


On apprend comment les reines sont choisies par le roi. On apprend par la même occasion ce qu’est devenue la reine du roi qu’Argon veut renverser.


On apprend les origines de Joachim, sous la forme coups de théâtre successifs.


On apprend pourquoi la vieille femme retenue dans la geôle du premier épisode avait comme surnom Grand Pays même si on reste perplexe quant aux raisons qui l’ont poussée à user de son refrain « Hé ! Gens du Grand pays ne doivent pas savoir ! » D’ailleurs, qu’elle soit recluse est compréhensible, mais qu’elle ait alors l’occasion de côtoyer les prisonniers tels qu’Arthis n’est pas clair Pas si clair que ça non plus, la raison pour laquelle des personnes n’ayant rien à voir avec les intérêts de Galthédoc sont retenus prisonniers. N’aurait-il pas été plus logiques qu’ils soient purement et simplement exécutés, ou même se contentent de passer à côté du mystère de Galthédoc sans en prendre conscience ? Parce que les gens de Galthédoc savent parfaitement où et quand se montrer ou bien se cacher.


On n’a qu’une vague idée de pourquoi celle qui devient reine en Galthédoc doit avoir des origines bien précises. La superstition est encore une fois le recours le plus simple. Ses symboles en sont la pierre de folie du titre et les croassements d’un corbeau bien noir et au bec agressif.


Cet album se lit rapidement. Comme le précédent épisode, il se déroule presque exclusivement en Galthédoc où règne l’ambiance moyenâgeuse qu’affectionnent Makyo et Vicomte. Les quelques planches d’Arthis enfermé dans sa folie ne sont qu’un choix narratif. Si les rebondissements et révélations s’enchainent sur un rythme échevelé (à l’image de l’action), l’album ne convainc pas pleinement. Peut-être parce que la situation de départ apportait un tel mystère que sa résolution ne peut que décevoir. Sans doute aussi parce le scénario joue avant tout sur les coups de théâtre et une agitation de plus en plus incontrôlée, à l’image de l’état d’esprit d’Arthis qu’on voit sombrer progressivement dans la folie. Et puis, la tension finit par chuter avec les révélations finales (d’ailleurs, auparavant on a remarqué Anne se désintéresser des événements, au point de demander à Arthis « … on rentre quand ? ») Mon avis est que le meilleur dans cette histoire était la mise en place d’une situation inimaginable (jusqu’à l’épisode précédent), la résolution des différentes énigmes retirant l’essentiel de la part de mystère qui faisait le charme de la série. A l’image d’Icare, Arthis en explorant Galthédoc s’est trop approché du soleil (voir le masque porté par la brune) et il s’y est brûlé les ailes (symboliquement), entrainant la jolie Anne dans une sorte d’abîme.

Electron
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le 20 janv. 2015

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