La chute des anges, anatomie d'un chef d'œuvre

Peut-être l'arc ultime sur des X-Men modernes. Des arcs mutants modernes de ce calibre, il y en a très peu. Des excellents runs on en a eu, mais juste des arcs qui pris indépendemment frisaient à ce point la perfection, je les compte sur les doigts d'une main. La claque post-apocalyptique Here Comes Tomorrow (Déjà Demain) chez Morrison, l'incomparable poésie messianique et désespérée de Second Coming (Le Retour du Messie) écrit à plusieurs mains. Et ce Dark Angel Saga Book Two par Remender, ce mad man qui réitera d'ailleurs presque l'exploit chez les Avengers avec son RagnarokNow. Aussi je vais prendre le temps de parler de chaque numéro tour à tour jusqu'au 18 qui marque la fin de la saga, parce qu'ils le méritent...

#14

Couverture sublime d'Esad Ribic comme à son habitude sur la série, qui nous présente la nouvelle armée rassemblée autour de Dark Angel. Sur les intérieurs, Opena reprend les crayons. Bon sang que c'est magnifique tout du long... Avec son découpage très sage, son apétance pour des énormes cases qui présentent dans toute sa splendeur l'action, les personnages ou les décors. Que ce soit sa métropole d'Akkaba en page 2, avec une mise en scène baroque qui renvoie au Styx de la mythologie grecque, son Génocide qui n'aura jamais été aussi beau, le dialogue parfait en gros plan entre Warren et Elisabeth puis Dark Angel qui prend son envol est d'une beauté renversante. Et au niveau du gros fight assez attendu entre X-Force et l'armée d'Apocalypse en début de numéro, il livre une copie très propre. La double page qui oppose les deux teams est un modèle, la mise au tapie de Wolverine est saisissante, Fantomex qui rampe à terre devant Angel est aussi ultra prenant avec ensuite ce gros plan sur le couteau plantée dans le pied, Psylocke qui se meut avec grâce, Angel transpercé près de la poitrine... C'est vraiment à savourer, sur chaque page c'est un plaisir, avec un langage très cinématographique dans sa manière de croquer les scènes, qui rend bien hommage à la bombe que constitue cet arc.

Car au scénario Remender est complètement à la hauteur. On commence par un très court flashback pour combler le trou entre la libération de Warren par Dark Beast et le retour dans notre dimension de nos héros. S'en suit l'affrontement. X-Force se prend une raclée, Wolverine carbonisé, Fantomex qui se voit retourner son trick télépathique contre lui, Deadpool au tapis à cause de Famine. Seul Psylocke semble avoir les idées claires et la rage de vaincre - comme pour compenser l'échec que fut son rôle de gardienne de l'ange noir. Tant bien que mal ils arrivent à battre en retrait. Et alors que Fantomex fait décoler EVA, Psylocke fait un choix dramatique et saut du vaisseau pour rejoindre son amant déchu. C'est d'ailleurs peut-être le seul moment crucial qui n'est pas manifiée par Opena. Cette chute dans le vide, ce saut de confiance vers celui qu'elle aimait - aujourd'hui à l'âme damnée.

Pour Fantomex c'est un coup dur. Définitivement, elle semble avoir son choix. Alors il cherche à fuir, à botter en touche. Peut-être devraient-ils appeler les vengeurs pour gérer la situation. Deadpool, avec son ton si touchant sur cette série, lui remet les idées en place. L'opération a viré, au cauchemard, les seuls membres encore en état de l'équipe sont eux deux et Deathlock, à savoir trois assassins reconnus. Ils n'ont aucune piste pour retrouver Warren. N'ont guère connaissance de son plan. Ils sont seuls...

Je te hais Logan. Je te maudis... de me laisser nettoyer ton bazar.

Du côté de Psylocke, nous avons ensuite une discussion sur ce fleu bleu glacée sous l'antarctique, dans cette cité morbide, froide et sombre. Elle et lui, sur une barque, les yeux dans les yeux, deux amants qui ne se voient plus, qui ne se comprennent plus. Elle tente de le raisonner, il tente de la convaincre du bien fondé de ses actions. Iils se parlent mais ne s'entendent pas. Et le virage fanatique semble définitif à mesure qu'il explique froidement son idéologie.

Notre Terre a été pervertie. Comme celle dont tu reviens. Son cours naturel a été perturbée. Je dois rectifier cette erreur. [...] Je vais réinitialiser l'évolution. Tu comprendras bientôt Elisabeth. Tu verras mon rêve de tes yeux.

La fin nous montre une manifestation concrète de ce jusqu'au boutisme évolutioniste. Tabula Rasa. Repartir de zero, purifier le jardin par le feu et les flammes. Moissonner la vie pour mieux la relancer. Et sous cette explosion dramatique et terrifiante, dans son language si cinématographique, la série nous montre en un pannel de quatre cases où en sont chacun des protagonistes. Dark Angel impitoyable qui assiste à son oeuvre, Psylocke abbatue assise sur un lit dans la métropole d'Akkaba sans savoir quel crime horrible son amant a commis mais se doutant du pire. Le Fauve noir, assis dans son labo, la graine de vie à la main, moteur de ses futurs méfaits évolutionistes. Fantomex au-dessus du corps meutri de Wolverine. Les héros baissent la tête, quand leurs ennemis la garde bien hôte. L'arc prend son envol de la plus belle des manières !

#15

Après le feu d'artifice du 14, il s'agit davantage de souffler dans un premier temps. Tabula Rasa, lieu purifié par Génocide dans le précédent épisode, voit l'arrivée du Monde. C'est l'occasion pour Opena de s'amuser à nous proposer sa vision de concept de sf assez marrant, pendant que la troupe d'Apocalypse discute sur leur plan en progressant dans les lieux. L'occasion pour Remender de nous rappeler la présence au sein du monde du clône d'Apocalypse sur lequel veille bien sagement l'arme XV - qui obéissant aux ordres antérieurs de Fantomex reste caché malgré l'arrivée des intrus.

Dark Beast déclenche ensuite l'action de la graine de vie, mélangée aux manipulations temporelles du Monde. Tabula Rasa voit des millions d'années s'écouler en quelques secondes et le lieu devient quelque chose de pronfondément magique, paranthèse enchantée où les siècles sont des fractions de seoncde, où les cultures naissent et meurent successivement. Une grosse partie du reste de l'épisode se passera dans ce nouvel envirronnement. Autrement dit on s'en prend plein la rétine une nouvelle fois.

L'activation du Monde permet à la team Fantomex/Deadpool/Deathlock de retrouver la trace de Warren et ils s'affrontent sur ces lieux. Deathlock devient un vrai membre de la team X-Force, avec de beaux passage, son très long monologue intérieur sur la haine et la violence avant de céder par nécessité le contrôle à son hôte humain (l'IA aux commandes habituellement étant l'intelligente et la gentille de cet étrange duo), son duel face au cavalier Mort, son rôle horrible de bourreau pour faire parler Famine. Mais le vrai grand moment de l'épisode est la confrontation entre Fantomex et Dark Angel.

S'il y avait le moindre espoir de te sauver, de récupérer Warren Worthington, tu l'as gâché ici, salopard assoifé de sang !

Tu as fait ton choix... Brûle avec l'ancien monde.

Contre tout attente, Fantomex qui avait plus d'une corde à son arc, remporte plutôt le duel. Mais Dark Angel choisit dignement la fuite, avec Génocide pour couvrir ses arrières et laissant ses cavaliers sur le terrain. Famine livre notamment l'information que la base opération d'Akkaba se trouve sous l'Antarctique.

Le décès de Mort oblige Warren, sous les conseils de Dark Beast - son guide spirituel - à aller récupérer dans le Céleste endormi de San Francisco une graine de mort pour lui faire prendre racine dans son sucesseur. Psylocke désormais emprisonnée par Akkaba après une évasion ratée sera son nouveau cavalier.

#16

On commence sans répit. Tout au plus une page, Warren qui s'éveille sous sa forme humaine. C'était l'ange qui rêvait et voilà le démon qui reprend le contrôle une fois levé. A noter la présence de Pestilence dans son lit - comme Dark Angel l'explique, lui contrairement à Warren n'est pas entravé par eds mythes grossiers comme l'amour.

Dès la page 2 tout s'enchaine très vite. NOtre trio assassin Fantomex/Deathlock/Deadpool pénètre dans la citadelle d'Akkaba et se frottent rapidement au Colosse de l'ère d'Apocalypse, Famine s'échappe du vaisseau EVA en y mettant le feu. Deadpool, comme à son habitude, essaye de contraster avec le sérieux de l'arc par son humour bien dosé, Remender lui donne même un peu plus de lignes à l'occasion de la confrontation avec le Colosse, sentant la confrontation plus propice à un peu de second degré.

Après un épisode entier d'abscence Wolverine revient à lui. Ou plus exactement l'incendie de Famine le fait émerger, bien furax, bien remonté, prêt à trancher. Il reprend le rôle de patron d'X-Force dans l'invasion de la forteresse et renoue le contact psychique avec Psylocke. Mais l'Iceberg sombre empêche tout avancée sur le terrain. Deadpool se fait mettre en miettes, Deathlock se fait corrompre par Guerre d'un coup de hache. Fantomex voit la situation s'empirer. D'autant que pendant ce temps, Dark Beast lance son plan de purification de la Terre et surtout Psylocke, après un dernier dialogue en opposition avec Warren, se fait de force implanter la graine de mort. Fantomex prend la fuite... et honnêtement en tant que lecteur c'est un passage extrêmement dur à encaisser que cette apparente résignation.

Opena toujours impérial. La première page est une merveille. La scène de la mort de la mère de Génocide est glaçante d'horreur. Elisabeth inconsciente, emporter vers le temple d'Akkaba par son prince noir est magnifique.

#17

L'épisode où l'espoir renaît et le temps vient à manquer. D'un côté, Fantomex débarque avec les renforts de l'ère d'Apocalypse. Dent de Sabre, Wildchild, Diablo, Sunfire et Jean en leader. Enorme en combat en vue, très agréable à lire, avec en fond la fontaine du jugement du Dark Beast qui fonctionne et rapproche le monde de l'Apocalypse. Les pertes sont lourdes de toute part. Dent de Sabre se fait éventrer, Génocide est mis en difficulté.

Les deux moments décisifs sont d'une part la confrontation entre Jean Grey aka Phoenix et Dark Angel - avec la surprise de voir l'Ange sombre s'en sortir par un match nul. Et surtout d'autre part Fantomex qui cherche à raisonner Psylocke, à la ramener à la raison. Lui qui avait été si dédaigneux envers elle quand elle faisait tout pour ramener Dark Angel vers la lumière, le voilà qui lui aussi par amour agit similairement. Mais le Phoenix est cette fois de son côté pour changer la donne...

Opena s'épanouit comme un fou dans tous ces combats, ces décors entre feu et glace. Je lui fais simplement deux reproches. Le premier d'avoir dénudé Psylocke encore plus pour souligner son passage du côté obscur, honnêtement il y avait bien d'autres moyens. Et la dernière page beaucoup moins agréable - qui n'est d'ailleurs peut-être pas de lui tant je ne reconnais pas son style.

#18

L'amour est la véritable évolution. L'amour est un choix. La guerre, un instinct. L'intellect face à la pulsion. La construction face à la déstruction.

On commence donc par Deathlock qui se libère de l'emprise de guerre et reprend le combat du côté d'X-Force. Le Fauve Noir, sentant que le vent peut tourner, décide de son côté de prendre la tangent en emportant les troupes d'Akkaba avec lui et surtout son plan B - Pestilence mise enceinte par Dark Angel.

Et on enchaîne avec sûrement la quintecessence de ce que fut l'équipe pendant 18 épisodes. Un triangle amoureux désespéré entre Fantomex, Psylocke et Dark Angel. Nous voilà dans un deux contre un à la violence non retenue, le sang gicle, les mots font mal, nos trois héros se poussent mutuellement au bord du précipice.

Fantomex appelle à la rescousse son second deus ex machina. Le Phoenix a partiellement échoué, le voilà qui se tourne vers son projet de clône d'Apocalypse. Genesis rentre en scène et défie Dark Angel. Il échoue à son tour, mais quelque part les mots plein de bienveillance d'Angel à son égard font mouche je trouve... Fantomex est peut-être bien autant un monstre que lui, un manipulateur né, qui tout comme Angel pense que toutes les moyens sont bons pour parvenir à ses fins qu'il juge moralement supérieur. Mais ce ne sera ni le Phoenix, ni Genesis qui mettront un terme au règne de Dark Angel. Psylocke s'entraînait depuis le début de la série à être prête à faire le nécessaire. Fantomex agonisant a servi de point de bascule. Elle plante la graine de vie en plein coeur d'Angel... la case en question resprire la tristesse.

La fin de l'épisode est une idée brillante de Remender. Tandis que Sunfire se sacrifie pour arrêter la fontaine du jugement, nous nous contentons de rester au côté de Psylocke. Plongée dans la psychée de Warren, elle assiste à l'éradication de son esprit, à la purification violente de son corps. Elle essaye en esprit, l'espace de quelques secondes, de vivre la vie qu'ils auraient mérité. Le mariage, les enfants, veillir ensemble, ensemble et en paix.

Là où tu vois des rides, je vois la sagesse. J'ai toujours su au fond de moi que tu serais un père fantastique. Tes filles ne pourraient pas t'aimer davantage. Toutes ces années d'aventures, à sauver le monde, à affronter les forces du mal. C'était pour ça. Pour ce moment. Des jours ensoleillés à regarder nos filles grandir. A partager chaque instant ensemble. Concentrés sur ce qui compte le plus, nous... notre famille... et le peu de temps qu'il nous reste.

C'est facile d'aimer une personne aussi belle. Tu as tout sacrifié pour ceux que tu aimes. Et tu t'inquiétais quand même de ne pas en faire assez. Tu en as fait assez, Warren. Tu as mené une vie pleine de sens. Mon héros...

Et tandis que Psylocke s'évertue à lui offrir la paix dans ces derniers instants, paranthèse douloureuse et enchantée, mirage mensongé de bonheur au sein d'une tragédie, Fantomex la renvoie elle et nous à la réalité. Il la traîne de force, car de force elle n'en a plus, elle a tout donné pour ce dernier geste fatal. Fantomex repart dans son vaisseau, emportant avec lui une Psylocke brisée psychiquement - ainsi que plus concrètement un Deadpool en morceaux de glace.

Et alors que l'horreur prend fin, que nos héros pensent à compter leurs morts, les sacrifiés qui ont permis la victoire, Angel revient. Nu comme au jour de sa naissance, en vie, sous sa forme humaine. Dark Angel est mort, Warren lui même est mort. Mais l'Ange a survécu, sans souvenirs, sans haine, mais pas sans amour.