Les aventures d’Emie et de ses copains tournent bien à l’aventure classique de trappeurs-hors-la-loi, avec les vilains Anglais d’un côté et les Indiens douteux de l’autre ; l’adhésif de racolage sur la couverture nous claironne « entre Stevenson et Fenimore Cooper ». Ouais, bon, mais je ne suis pas sûr que ce soit un gros argument de vente. Les BD d’aventures d’après Stevenson se font rares (« Jekyll » mis à part), et je ne suis pas très sûr que le nom de Fenimore Cooper dise grand-chose aux moins de vingt-cinq ans.

Toujours est-il que les aventures se succèdent à un bon rythme, malheureusement constamment syncopé par ces continuels flashbacks, dont le parti a été pris dès le premier volume, et qui obligent sans cesse à revenir sur ses pas pour se souvenir sur quel suspense on avait laissé l’action en cours, avant de se réinvestir dans l’histoire principale.

Ce n’est pas d’ailleurs que ces flashbacks soient inutiles : on comprend de mieux en mieux quel rôle jouent les nombreux mecs qui restent collés à la fille ravissante et décidée qui mène le jeu ; mais enfin, le scénariste aurait pu en disposer bien autrement pour que la lecture soit bien plus fluide, et ne ressemble pas à une course d’obstacles.

On apprend dans ces évocations qu’Emie est écossaise (pas anglaise), qu’elle est une intello d’une belle curiosité culturelle depuis son enfance (on la voit se référer à Newton et à Descartes) ; que Opkins la chaperonne jusqu’à ce qu’elle retrouve son mari en Amérique ; que Tyron, le beau mec blond à la barbiche craquante, est un peu plus qu’un médecin pour Emie.

Les dessins, efficaces et simplifiés, évoquent le Mourier de « Lanfeust de Troy », en plus réaliste ; on ne se foule pas sur le rendu des ombres et des lumières : une couleur en clair d’un côté du visage, la même en plus sombre de l’autre côté, mais toujours suffisamment claire pour attiser l’attention et maintenir l’allégresse de la vue au niveau du rythme du récit. Trahisons, calomnies, poursuites, embuscades, emprisonnements, combats, les bonnes recettes du roman d’aventures sont bien là. De bonnes idées scénaristiques : le refuge nocturne dans une ancienne tombe viking, tenue par un vieil homme des bois pas vraiment clair ; la traversée souterraine d’une montagne, en suivant les cours d’eau qui y coulent dans les deux sens ; un village isolé dominé par un pasteur fanatique, que l’on devine ancêtre des fondateurs de sectes bizarres en tout genre qui ont fleuri en Amérique.

L’action, plus intelligible que dans le premier volume en raison des identifications plus précises des personnages et de leurs motivations, peut captiver globalement le lecteur moyen. La série saura-t-elle renouveler suffisamment l’intrigue pour persister dans cette voie ?
khorsabad
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le 16 mai 2014

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