Un tome de conclusion de la série,c’est tout au moins ce que pourraient donner à penser les évènements qui y sont narrés, et qu’on se gardera bien d’évoquer. Mais c’est compter sans l’éditeur, qui, nous le savons près coup, a décidé de prolonger encore la saga de Yann Le Scorff.

L’atmosphère change, et le grand vent du large se fait plus discret dans ce tome. Le raccord avec le tome précédent est astucieusement assuré par un rêve-délire de Yann, qui résume ses aventures et ses épreuves jusqu’au moment où une explosion le jette à terre dans le navire de l’Amiral Nelson. Les bonheurs et terreurs propres au rêve sont assez bien restitués dans cette séquence de quatre planches, et il n’y manque ni sexe, ni sang, parce que c’est Mitton qui fait le scénario...

A la place de la haute mer, une belle séquence londonienne emplit la majorité des planches de l’album. Son côté envoûtant, lié aux décors souterrains et confinés (prisons, égouts, travail scrupuleux de Félix Molinari pour rendre l’appareillage des maçonneries, utilisation d’une dominante chromatique violacée presque grise pour suggérer l’ombre, le froid, la nuit, l’humidité), contraste avec les fureurs des embruns du grand large évoqués dans les tomes précédents. L’art de Molinari dans le rendu des constructions nous vaut une très belle Tour de Londres (planches 14 et 17), avec ses créneaux et ses fenêtres géminées en lancettes ; un Tower Bridge bien sommaire (conforme à son état de l’époque de l’action en cours) (planche 17) ; les docks enneigés de Londres (planches 19 et 20) ; une évocation de Whitechapel (dont le scénariste rappelle assez lourdement le côté sinistre, populacier et coupe-gorge) (planches 22 à 24) ; l’église Saint-Paul (planche 27).

Ce n’est qu’à la planche 35 qu’on retrouve la mer, à Brighton, et, comme par hasard, dès qu’il met les pieds sur un bateau, Yann retrouve son ami Surcouf (planches 37 et 38), tandis que la séquence tant attendue depuis six volumes – et qui conclut logiquement toute BD d’aventures, couvre les planches 39 à 44.

On n’insistera pas sur les complaisances et invraisemblances du scénario, coutumières sous la plume de Mitton : maintes fois jeté en prison et en passe d’être exécuté, Yann trouve toujours un sauveur de dernière minute (ça se répète) ; la fille de Nelson qui sauve encore la mise à Yann au creux d’un plumard ; l’attirance forcenée qui jette systématiquement Yann et Surcouf dans les bras l’un de l’autre, comme s’ils n’avaient pas d’autres soucis ; la relative passivité de Surcouf (qui n’est pas réputé pour être un mou) face aux manigances abjectes de Kerbeuf, qui lui-même se retrouve exactement au bon endroit, au bon moment pour que la série se conclue sur le mode spectaculaire...

Bon, tout rentre dans le meilleur des désordres possibles à la fin. Et on croit vraiment que ça s’arrête là, puisque Surcouf justifie enfin le titre de la série dans la dernière vignette...

Mais il ne faut pas croire n’importe quoi.
khorsabad
7
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le 4 oct. 2014

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khorsabad

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