Introduction : prisonniers de la grande pyramide de Gizeh, le capitaine Francis Blake et le professeur Philip Mortimer ont perdu tous leurs souvenirs des évènements passés. Des années plus tard, Mortimer répond à l'appel d'un ami, Henri, qui a découvert dans les sous-sols du Palais de Justice de Bruxelles, une source d'énergie prodigieuse, émettant un rayonnement électromagnétique si puissant qu'il bloque tous les appareils électriques. Alors qu'Henri tente d'en découvrir la source, une explosion le fait disparaître, et Mortimer a juste le temps de s'enfuir avant que le rayonnement commence à envahir la capitale belge. La seule solution trouvée est d'isoler le Palais de Justice au moyen d'une gigantesque cage de Faraday. Bruxelles est emmurée, abandonnée, désertée. Devenu vieux, Philip Mortimer reçoit la visite de son vieil ami le désormais colonel Blake : un groupe d'individus a fait sauter une partie des fondations du Palais, libérant l'énergie et provoquant un black out total sur l'Europe. Les différents pays envisagent alors une solution radicale : faire sauter le Palais au moyen de missiles nucléaires. Blake exhorte son vieil ami à tenter l'impossible pour interrompre le rayonnement avant le bombardement fatidique...


A sa mort en 1987 à l'âge de 82 ans, Edgar P. Jacobs laisse une oeuvre qui, si elle est assez limitée en nombre d'albums (11) n'en est pas moins exceptionnellement riche et d'une très grand qualité. A sa suite, divers scénaristes et dessinateurs se lancent dans de nouvelles aventures du duo Blake et Mortimer, avec plus ou moins de bonheur dans le scénario (je citerai par goût personnel l'Onde Septimus), en s'efforçant de conserver ce qui fait le charme un peu surrané de ce genre de bandes dessinées (comme c'est le cas avec les Lefranc de Jacques Martin).


Le dernier pharaon est un album à part dans la collection. Basé sur une idée de Jacobs de faire intervenir ses personnages à Bruxelles dans le Palais de Justice, il est l'oeuvre du dessinateur François Schuiten. C'est finalement plutôt ce qu'on appelle un one shot, avec des héros vieillis, un trait propre au dessinateur, et surtout l'impression de voir Mortimer plongé dans un album des Cités Obscures. Le trait, bien loin de la ligne claire chère à Swarte, Hergé, Jacobs, Martin et Benoit entre autres, peut surprendre, voire dérouter, mais il colle bien à l'univers fantastique, post apocalyptique donné dans l'album, et également à l'âge des protagonistes censés être vieillissants. A l'instar d'un Matthieu Bonhomme revisitant Lucky Luke, ou d'un Emile Bravo s'appropriant Spirou, François Schuiten revisite Blake et Mortimer à sa manière, mais sans perdre l'hommage appuyé au créateur de la série. J'ai cependant deux petits bémols qui viennent tempérer ma satisfaction : le premier, c'est le parti pris pour les couleurs, relativement ternes et sombres, qui ne rendent pas forcément justice au dessin. Le second, un scénario un peu touffu et confus qui s'étire tout au long de ce copieux album de 92 pages au lieu des 56 habituelles, et qui aurait peut-être mérité un peu plus de dynamisme. On ne sait pas par exemple pourquoi Blake et Mortimer ne vivent plus ensemble et quelle est la raison de leur querelle. Car tout est lent dans Le dernier pharaon, comme si le rayonnement avait lui-même paralysé l'action jusqu'à la conclusion aux accents écologiques sans doute voulus.


Vous l'aurez compris, le Dernier pharaon s'adresse presque plus aux fans de l'immense François Schuiten qu'à ceux de Blake et Mortimer, tant l'album est baigné de la patte du dessinateur. J'ai personnellement pris beaucoup de plaisir à la lire, ne serait-ce que pour l'aspect très bien réalisé de Bruxelles en ruines. Récemment, l'auteur annonçait qu'il ne savait pas s'il continuerait la bande dessinée, ne comprenant plus trop le système de production et regrettant qu'elle ne fasse plus vivre ses auteurs aussi décemment. Il avait également peur de faire "l'album en trop". Clairement, qu'il en soit remercié, le Dernier pharaon n'est pas celui en trop. Souhaitons qu'il ne soit pas le dernier.

MichaelFenris
8
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le 25 oct. 2019

Critique lue 86 fois

Michael Fenris

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