Ce tome fait suite à Quarantaine. Il contient les 5 épisodes de la minisérie parue en 2011. Il est possible de lire ce tome sans avoir lu le précédent. Le scénario est de Mike Mignola et Christopher Golden, les illustrations de Ben Stenbeck et la mise en couleurs Dave Stewart.


Aux environs de Lucerne en octobre 1916, Lord Henry Baltimore suit un jeune couple dans les bois ; ils lui ont indiqué qu'ils avaient croisé la route d'Haigus, le seigneur des vampires qu'il pourchasse. Après avoir tué quelques spécimens qui avaient saigné des chevaux et toute la population d'un village, et massacré quelques créatures sylvestres, il repart pour un autre village Bludeschtag en Autriche. Arrivé sur place, il se rend à l'estaminet le plus proche pour se désaltérer et s'informer. Il y rencontre Simon Hodge, un journaliste, convaincu de l'existence des vampires. Hodge a vu Haigus récemment, dans le couvent de la ville. Personne n'ose plus s'y aventurer car les nonnes sont victimes d'une épidémie, et il s'agit peut-être d'une maladie qui fait pousser les canines. À Lucerne, arrive André Duvic, un juge de l'Inquisition qui traque Baltimore car il est convaincu qu'il s'agit d'un suppôt de Satan. Il croise le chemin du jeune couple qui a aidé Baltimore.


Mike Mignola et Christopher Golden continuent sur leur lancée : des vampires, des petites villes européennes peu accueillantes, un couvent gothique, une église imposante, des monstres divers et variés (pas seulement des vampires), des êtres humains pas tous très bien dans leur tête, et des horreurs sanguinolentes. L'origine de la jambe de bois et de la haine qu'il voue à Haigus ayant été révélée dans le tome précédent, le personnage d'Henry Baltimore se trouve réduit à celui du dur à cuire capable de réaliser des exploits physiques avec une jambe de bois. Le lecteur a du mal à se projeter dans ce personnage qui débite du monstre de manière obsessionnelle, sans réelle épaisseur dramatique.


Le personnage du journaliste sert surtout de dispositif narratif pour que Baltimore ait quelqu'un à qui parler, à qui exposer ses convictions, ses plans et ses réactions. Il reste un simple faire valoir, sans beaucoup de personnalité. Le juge André Duvic correspond au stéréotype du croyant intégriste qui massacre au nom de Dieu, et qui n'hésite pas à torturer, mais il ne croise pas Lord Baltimore. Que ce soit le responsable des exactions commises au couvent, Lord Baltimore, Haigus lui-même ou le juge Duvic, le lecteur fait face à des individus qui refusent tous à leur manière (en fonction de leurs convictions) les compromis, tous ayant basculé du coté obscur de l'obsession où la fin justifie les moyens. Difficile d'éprouver de l'empathie pour l'un ou pour l'autre.


Même la jambe de bois de Baltimore ne provoque pas de sympathie, car elle ne semble pas le gêner dans ses déplacements ou même dans ses prouesses physiques. Les illustrations de Ben Stenbeck montrent un individu se déplaçant avec la même aisance que ceux ayant l'usage de leurs 2 jambes valides. Cet aspect héroïque générique finit par faire perdre un peu de personnalité à Baltimore. Heureusement le reste des composantes visuelles s'avère très maîtrisé, avec toujours une forte influence graphique de Mike Mignola pour les cotés monstrueux, et une grande sensibilité pour le détail juste. La première page s'ouvre avec une vue de Lucerne qui rend bien compte des spécificités de l'architecture et de l'aménagement urbain. Tout au long de l'histoire, c'est un vrai plaisir de découvrir chaque endroit et son aménagement. Avant même d'errer dans les entrailles du couvent (forcément gothique), il y a la place du village détrempée de sang (savant contraste rehaussé par Dave Stewart), le lit à baldaquin un peu défraîchi dans lequel Baltimore trouve un cadeau à son attention, le banc en lattes de bois sur une structure métallique où se repose le couple, etc. Stenbeck accorde un grand soin, tout en restant discret (il ne joue pas dans le registre de l'esbroufe) à ce que chaque lieu soit crédible et palpable. C'est ce sens du détail qui transforme le couvent en un lieu particulier, doté de vraies cloches. À aucun moment le charme de la lecture n'est rompu du fait de décors en carton pate.


Stenbeck sait aussi faire sienne les techniques de Mignola pour donner une apparence aux monstres et à l'horreur : trouver le fragile équilibre entre ce qui est montré et ce qui reste dans l'ombre. C'est ainsi que les monstres restent d'une nature totalement irréconciliables avec l'humanité. C'est également ainsi que les dispositifs les plus grotesques (l'utilisation des cloches, avec à nouveau une mise en couleurs intelligente et percutante de Stewart) prennent une dimension repoussante. Enfin Stenbeck maîtrise la composition de ses pages de telle sorte que les différents passages dépourvus phylactères se lisent sans aucune difficulté avec un rythme sophistiqué (par exemple l'imbrication entre la progression de Baltimore dans le couvent, et les détails des sculptures devant lesquelles il passe).


Mignola et Golden opposent Henry Baltimore à cette manifestation surnaturelle dans ce couvent. Ils ont pris soin de justifier l'implication de Baltimore de manière logique par rapport à son obsession à retrouver Haigus, et ils ont intégré de nombreux éléments qui font que l'intrigue ne se limite pas à "Batimore est capturé, il s'échappe et tue tous les monstres". Un peu à la manière des premières histoires d'Hellboy, le scénario s'enrichit de nouveaux monstres sortant de l'ordinaire (susceptibles de revenir dans de prochains épisodes) issus des contes et légendes d'Europe. Avec les illustrations soignées de Stenbeck, le lecteur profite donc pleinement d'une ambiance délétère et sombre où même la victoire a un goût d'échec au pire, de sursis au mieux. Les scènes d'action tirent leur originalité à la fois de l'époque et des lieux, mais également des particularités des personnages. Il n'y a qu'un combat entre vampires et Baltimore qui fait un peu cliché dans la mesure où il s'effondre sous une masse de vampires.


Mike Mignola, Christopher Golden et Ben Stenbeck emmènent le lecteur dans une partie de l'Europe accablée par le fardeau de la grande guerre, à la suite d'un personnage sombre pour combattre des monstres et déjouer leurs machinations. Le résultat est original, mais souffre un peu du manque de substance des personnages.

Presence
7
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le 9 févr. 2020

Critique lue 62 fois

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