Ce tome comprend l'équivalent des tomes 7 et 8 de la version originale en anglais, soit les épisodes 105 à 114 de la série BPRD, Mike Mignola et Dark Horse ayant décidé d'instaurer une numérotation continue, en lieu et place de du format de publication en une suite de miniséries, utilisé jusqu'alors. Les scénarios sont de Mike Mignola et John Arcudi. Le présent tome comprend 3 histoires. Ces épisodes sont initialement parus en 2013. Comme les précédents, ce tome s'adresse à des lecteurs familiers de la continuité développée par Mignola et Arcudi.


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- Wasteland (dessins et encrage de Laurence Campbell, épisodes 107 à 109) - Une équipe du BPRD se rend en hélicoptère à Chicago pour enquêter sur la disparition d'une autre équipe menée par l'agent Howards. Ils sont attaqués en route par un monstre, l'hélicoptère s'écrase. Johann Kraus prend la tête de la poignée d'agents encore vivants pour rallier à pied Chicago, malgré les créatures qui rôdent.


La méthode consistant à faire travailler plusieurs dessinateurs en parallèle sur la série BPRD (pour maintenir un niveau graphique de qualité) conduit Mike Mignola et John Arcudi à structurer leur récit en modules séparés, centrés sur des personnages différents, et poursuivant des intrigues différentes. Il y a toutefois des scènes de transition (1 ou 2 pages) qui permettent d'établir la cohérence temporelle avec les allées et venues des personnages principaux d'une histoire à l'autre (Kate Corrigan restant à la tête du BPRD).


Pour cette première histoire, le lecteur se raccroche donc à Johann Kraus, et établit la connexion avec l'histoire de l'agent Howards. Alors que l'équipe progresse dans un environnement désolé, privé de tout équipement électrique, soumis à des attaques imprévues de monstres, Mignola et Arcudi mettent sur le devant de la scène l'agent Nichols et Lucas (un jeune garçon), fournissant ainsi au lecteur des centres d'intérêt émotionnel générant une réelle empathie.


Avec leur inventivité coutumière, Mignola et Arcudi narrent une tranche de survie d'une équipe restreinte menacées par des monstres, des zombies, et des émanations gazeuses mortelles (avec d'atroces souffrances). Cela donne lieu à un récit tendu de survie post apocalyptique, avec un espoir assez mince de rallier un havre de sécurité. Le lien se fait naturellement avec l'agent Howards et son épée bifide.


Laurence Campbell (dessinateur également de Deadpool Pulp et d'un épisode de "Dark Tower") réalise des dessins dans une veine réaliste, pouvant évoquer le travail d'Alex Maleev sur Daredevil. Son encrage un peu appuyé et les teintes foncées choisies par Dave Stewart renforcent la sensation d'angoisse née de ces endroits désolés, privés de vie et d'habitants, et fait ressortir l'intensité des horreurs monstrueuses dans ce monde si proche du nôtre.


Cette première histoire promène le lecteur dans la désolation devenue familière de "Hell on eath", fournit 2 points d'accroche émotionnelle, et s'insère naturellement dans la tapisserie globale de la série. Les dessins réalistes permettent au lecteur de facilement se projeter dans ces environnements et de mettre en valeur les actions horrifiques et brutales des monstres. Sa brièveté et son objectif utilitaire évident (reconnecter l'agent Howards à la trame principale) diminue un peu l'impact de ce périple en territoire infernal sur Terre.


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- Cold day in hell (dessins et encrage de Peter Snejbjerg, épisodes 105 et 106) - Cette histoire continue celle de The return of the master, en ce qui concerne les personnages de Carla Giarocco et du Directeur Iosif Nichayko. Ces derniers effectuent une mission de sauvetage des habitants de la ville de Doyonek en Russie, avec une équipe du SSS (Special Sciences Service, l'équivalent russe du BPRD). Mais à peine atterri, Nichayko fausse compagnie aux autres pour se rendre dans une maison isolée, pour une mission secrète en lien avec Varvara.


Mignola et Arcudi débutent avec une première page d'introduction établissant les manifestations de monstres dans différents endroits du globe, avec tout ce qu'elles ont de destructrices. Les 2 pages suivantes permettent de faire le lien avec les aventures d'Abe Sapien dans sa propre série, tout en rappelant au bon souvenir du lecteur le comportement équivoque de Panya (mais sans développer cette intrigue secondaire qui dure depuis maintenant plusieurs années de parution). L'histoire peut alors se concentrer sur une nouvelle manifestation monstrueuse, Iosif Nichayko, et une autre intrigue secondaire liée à la captivité de Varvara.


Cette histoire est encore plus courte que la première, mais plus intense et plus intéressante dans la mesure où elle met en scène 2 personnages importants de la série BPRD (Isoif Nichayko et Carla Giarocco). Le récit repose plus sur l'intrigue que sur le développement des personnages. Pour cette intrigue, Mignola et Arcudi ont conçu un principe et un environnement plus originaux que ceux de la première partie. S'il est peu probable qu'un nouveau lecteur ou qu'un lecteur occasionnel de la série y trouve son compte, un lecteur régulier appréciera la saveur et la consistance des pièces qui viennent s'ajouter au développement de la série dans son ensemble.


Les dessins de Peter Snejbjerg s'inscrivent moins dans une veine réaliste que ceux de Campbell. Ils présentent un niveau de détails élevé, permettant de rendre chaque endroit spécifique et cohérent avec les particularités du récit, qu'il s'agisse d'une vieille maison dans un champ de neige (et de son ameublement), ou de l'avancée de chars de combat dans les rues de la ville. Snejbjerg a atténué sa propension à dessiner des visages aux expressions comiques, même s'il en subsiste une trace de ci de là, ce qui dénote un peu par rapport à la nature du récit.


Cette deuxième histoire est plus concise que la première, tout en étant plus originale et mieux équilibrée, à condition d'être un lecteur régulier de la série BPRD.


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- Lake of fire (épisodes 110 à 114, dessinés et encrés par Tyler Crook, mis en couleurs par Dave Stewart) - En mars, une équipe de volontaires aide à déblayer des décombres dans une ville détruite, à la recherche d'éventuels survivants. Parmi eux, le docteur Clyburn observe que la seule trace de vie réside dans de petites créatures ressemblant à des poissons d'argent (insecte aptère de la famille des lepismatidae). En juin, Liz Sherman est dans un hôpital en train de se remettre de ses graves blessures. Elle est suivie par le docteur Hammett qui lui explique que les ressources sont rares, ce qui explique la pénurie de médicaments, et l'absence d'électricité pour la lumière.


Dans la base du BPRD, Kate Korrigan assiste à une réunion comprenant des représentants de l'ONU et de l'armée. L'objet de cette réunion est de passer en revue l'échec de la dernière tentative de reconnaissance à New York, et de déterminer les modalités d'une nouvelle expédition. Accompagnée de Bruiser son chien, Fenix a atteint le site de la mer de Salton (Salton sea, un lac salé endoréique situé en Californie du Sud) où elle trouve refuge dans un motel désaffecté auprès de Bob, alors que les pèlerins attendent l'éclosion de l'œuf (voir la série Abe Sapien).


Alors qu'Hellboy effectue sa descente aux enfers, l'organisation du BPRD poursuit ses efforts pour lutter contre les diverses manifestations de monstres sur le globe. Le récit s'articule essentiellement autour de Liz Sherman d'une part, et Fenix de l'autre. Il y a régulièrement des séquences au QG du BPRD pour développer les circonstances qui mèneront à la mission à New York dans le tome suivant.


Comme à leur habitude, Mike Mignola et John Arcudi conçoivent une situation conflictuelle puisant ses sources dans l'horreur, dans le combat contre des monstres. Toutefois la situation des 2 héroïnes se distingue de par son contexte, mais aussi la personnalité de l'une et l'autre. Cela fait vraiment plaisir de retrouver Liz Sherman et de la voir sortir de son rôle un peu passif. Les auteurs la mettent dans un hôpital où un docteur va tenter des expériences contre nature. En soi, ce scénario n'est pas follement original.


Dans son exécution, il comporte plusieurs caractéristiques qui le rendent unique. Il y a pour commencer Liz Sherman elle-même dont le lecteur suit la convalescence depuis de nombreux épisodes. Mignola et Arcudi ont pris leur temps pour établir les conséquences des blessures (physiques et psychologiques) de Sherman, pour montrer que les séquelles ne disparaissent pas entre 2 épisodes, et que ces épreuves ont changé cette personne en profondeur (réussir à canaliser le stress post traumatique). En cela, ce récit d'aventures respecte bien l'intelligence du lecteur.


Les bestioles conçues par Tyler Crook pour servir d'opposant à Liz Sherman constituent la preuve de son investissement dans la série. La saveur de chaque histoire doit beaucoup à la qualité des monstres imaginés. Non seulement, le personnage de Liz Sherman est étoffé, ses réactions et son comportement découlent de sa personnalité et des épreuves qu'elle a traversées, mais en plus le monstre est assez original et terrifiant pour que l'affrontement soit impressionnant et crédible.


Par rapport à Liz Sherman, Fenix est un personnage encore neuf dont le lecteur ne sait pas grand-chose, même si elle est apparue depuis le tome 1 d'Hell on earth. Ces épisodes sont l'occasion d'en découvrir plus sur son passé (sa mère et sa sœur) et de peut-être découvrir une partie de la source de ses pouvoirs. Comme Liz Sherman, Fenix ne devient pas une héroïne du jour au lendemain, loin s'en faut même. Elle a décidé de revenir sur les lieux de son enfance. Mignola et Arcudi relient avec habilité la trajectoire de Fenix à celle d'Abe Sapien, avec quelques semaines de décalage. Fenix est également confronté à des individus qui souhaitent accepter l'évolution qu'ils voient dans les monstres, et même les accueillir à bras ouvert. À la fois les épreuves de Sherman et Fenix se répondent, à la fois elles font ressortir leurs différences, leur parcours, et leur différence d'âge.


Petit à petit, Tyler Crook murit et affine ses capacités graphiques. Le lecteur peut donc apprécier ses qualités de concepteur et dessinateur de monstres, ingrédient primordial dans les récits du BPRD. Avec ces épisodes, Crook prouve qu'il est également capable de concevoir des environnements crédibles dotés d'un certain cachet (le motel hippie de Bob). Les tenues vestimentaires restent simples, tout en étant différenciées d'un personnage à l'autre. Les scènes d'action ont acquis un niveau de fluidité dans les mouvements et les mises en scène qui les rendent vives et haletantes. Il n'y a plus que les fluctuations de rendus des visages qui déstabilisent parfois, entre les simples traits pour figurer les yeux ou à l'opposé un visage plus détaillé (les ecchymoses de Bob par exemple).


Comme d'habitude, le scénario de Mignola et Arcudi comprend des scènes de nature différente qui requiert des capacités diverses et variées de la part du dessinateur. Crook réussit de nombreuses scènes complexes, qu'il s'agisse de grand spectacle (un monstre marin gigantesque s'attaquant à des avions de chasse, pas facile à rendre plausible), une forme d'horreur (un monstre en train de brûler sous l'action de flammes vives), des scènes plus intimistes (le docteur Hammett incitant Liz Sherman à aider Andrea), ou encore des scènes de foule (l'attroupement d'individus organisant une fête sur la plage dans l'attente de l'éclosion de l'œuf).


Ce tome révèle lentement sa saveur pour les lecteurs habitués de la série (pour les autres, il est à craindre qu'ils aient du mal à identifier les enjeux). Mignola et Arcudi prennent leur temps pour étoffer le parcours de 2 de leurs personnages, montrant comment les circonstances et leur caractère respectif les amènent à évoluer. Tyler Crook a accompli de grand progrès et se révèle un artiste très compétent pour transcrire les nombreuses exigences du scénario.

Presence
9
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le 15 févr. 2020

Critique lue 78 fois

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