Dans le monde de fantasy original d'Aria, qui a affolé plus d'une génération de boutonneux avec sa mini-tunique flottante et sa chevelure séduisante, Michel Weyland ne s'est pas cru tenu de convoquer tout le zoo habituel de la mythologie germano-nordico-tolkienienne (orques, elfes, nains, lutins...); il crée un monde parfaitement féérique, en récupérant ce qu'il trouve intéressant des traditions orales et écrites déjà fondées.


Au centre de ce récit, le mythe de l'eau pure-impure qui peut vous métamorphoser en des sens opposés : d'un côté, un petit peuple souffrant de maladies, d'infirmités et de handicaps divers pense trouver une guérison définitive en se plongeant dans les eaux d'un lac quasi mythique, pas facile d'accès (c'est la moindre des choses pour symboliser un au-delà idéal); de l'autre, le même lac, qui, si vous osez la plus petite trempette, vous transforme en... des choses que vous aimerez découvrir.


Weyland a su combiner cette image de la métamorphose subaquatique mythique (mais un peu statique) en ajoutant un autre motif : l'île au sein de laquelle un parano très classique prépare une armée...métamorphosée ! - afin de conquérir le monde, comme d'hab. Au cas où les motivations du parano ne seraient pas assez claires, il s'appelle "Glore", mettez les points sur les I. D'où évidemment, critique de l'esprit de conquête, de la violence, et tout ça qui fait assez pédagogique.


Plus subtil, Aria (quelqu'un pourrait me l'imprimer en 3D, s'il vous plaît ? Je vous la rends après usage) rencontre un mec assez brutal et violent, pas très beau, mais dont on apprend brutalement dans l'ultime vignette de l'album qu'elle s'est entichée. Et on la voit rejeter, pour des raisons morales, le maître de l'île, Glore, qui ressemble nettement davantage à un play-boy classique (à part quelques particularités). De quoi faire déprimer les ados qui lisent ça, et qui peuvent se dire que les filles préfèrent résolument les grosses brutes au faciès lourd aux beaux gosses de magazines.


Le génie de Weyland est d'introduire des personnages issus d'un peuple paisible, don les soucis sont quotidiens et peu héroïques, et qui souffrent des périls du temps et du lieu : le dénommé Stralabas, qui passe pour lépreux; le dénommé Benja, espèce de drogué en fin de parcours, savamment utilisé dans le scénario. Cela humanise substantiellement une série qui manquerait autrement de la dimension émotionnelle attendue.


D'autre part, Weyland fait preuve d'un certain génie pour créer des architectures aux formes inattendues et composites, lorgnant vers l'esprit qui animait l'Art Nouveau voici plus d'un siècle : dialogue à plusieurs voix des horizontales et des verticales, cônes, tores perchés, griffes arquées, dômes ventrus, coupoles affaissées. Côté paysage, Weyland joue aussi des lointains aux couleurs irréelles, des brumes plus ou moins épaisses, et le réalisme relatif des "créatures" du lac peut impressionner des yeux adolescents.


De beaux moments oniriques, auxquels on n'aura pas la goujaterie d'exiger la moindre vraisemblance.

khorsabad
7
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le 5 oct. 2015

Critique lue 175 fois

khorsabad

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