Ce tome fait suite à Birthright T07: Frères de sang (épisodes 31 à 35) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 36 à 40, initialement parus en 2019, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Andrei Bressan, avec une mise en couleurs réalisée par Adriano Lucas.


Boomer s'adresse à Michael Rhodes et lui retrace l'historique de ce que l'armée sait de l'existence de la magie. Même si l'humanité a régulièrement évoqué l'existence de forces magiques au fil des siècles, c'était souvent des contes, rien de concret. Tout a changé le premier juillet 1947 quand deux gardes forestiers sont tombés nez à nez avec une créature anthropoïde à quatre bras qu'ils ont tuée pour se défendre. Alors que le gouvernement des États-Unis créait l'incident de Roswell de toute pièce pour détourner l'attention du public, l'enquête et la fouille de sa tanière mirent à jour des artefacts magiques. Étrangement, ce premier contact fut suivi d'aucun autre, mais de la découverte d'autres artefacts ainsi que quelques personnes capables de manipuler la magie et mises sous surveillance. Cependant il y a quelques mois les apparitions de créatures magiques vivantes ont commencé, débouchant sur des confrontations sanglantes, et finissant par aboutir au présent interrogatoire de Mikey Rhodes. Ce dernier comprend que Boomer attend qu'il livre des informations. Mikey indique qu'il faut absolument retrouver Mastema. De l'autre côté de la glace sans tain, Wendy Rhodes tient le bébé Mya dans ses bras et demande à voir son autre fils Brennan, demande appuyée par son ex-mari Aaron Rhodes.


Brennan Rhodes se trouve dans une chambre médicalisée, inconscient sur son lit, sous perfusion, passant par une phase de sevrage de magie. L'officier en civil n'a aucune idée de quand il reprendra conscience, juste qu'il est vraisemblable que Brennan aura été transformé par sa qualité de mage. Mikey demande à Boomer où se trouve sa femme Rya. Il répond qu'elle a accepté de raconter beaucoup de choses en échange d'une faveur qui lui a été accordée. Au même moment, Rya se trouve dans une autre salle d'interrogatoire où Kallista est suspendue enchaînée et Rya l'interroge et la frappe. L'interrogatoire de Mikey se poursuit et celui indique en réponse à une question de Boomer que la magie est toxique et destructive, tout en s'agitant. Boomer lui dit qu'il ferait mieux de maîtriser sa colère plutôt qu'elle ne le mène par le bout du nez. Cette remarque rappelle à Mikey une phase de son apprentissage avec Rook, dans le château de Ramal en plein désert. Boomer décide de faire sortir Mikey Rhodes à l'air libre, toujours solidement menotté et encadré par plusieurs gardes armés. Il lui fait s'entraîner au lancer de dague sur des cibles.


Après un tome riche en révélations, le récit donne la sensation d'entrer dans une autre phase. Mikey Rhodes est toujours accompagné de plusieurs personnages : ses parents Wendy et Aaron, son grand frère Brennan, son épouse Rya, leur fils Mya, son grand-père Samael Rhodes, l'agent Boomer. Ils ont donc rejoint une organisation gouvernementale militaire qui sait que la magie existe et qui combat les monstres qui apparaissent sur Terre. Rapidement, le scénariste établit que Mikey, Brennan et Rya ne sont pas vraiment des prisonniers : ils jouissent d'une réelle liberté d'action. Plus encore, l'agent Boomer sait que ces trois-là comprennent les forces en place et savent vraisemblablement les combattre. Le lecteur assiste au développement d'une forme de collaboration pragmatique : les Rhodes savent qu'ils ne peuvent pas progresser vers leur objectif par eux-mêmes, et l'agent Boomer sait parfaitement qu'il a besoin de personnes qui comprennent la situation. Au cours du premier épisode, Joshua Williamson explicite cet objectif par la bouche de Mikey Rhodes : il faut réussir à restaurer le mur qui sépare la Terre de Terrenos, faute de quoi le roi dieu Lore pourra prendre pied sur Terre et lancer ses armées à la conquête. Pour ce faire, il faut réussir à réunir 5 mages qui lanceront le sort approprié.


Accro à la série, le lecteur sait qu'il va être aux premières loges pour un spectacle visuel riche et divertissant. La première page est construite sur des cases de la largeur de la page avec une évocation discrète de l'épée dans la pierre, et de sorcières brûlées. Comme dans les tomes précédents, la complémentarité entre dessins et couleurs atteste d'une excellente coordination entre les deux artistes, Lucas venant nourrir chaque élément délimité par un trait de contour, avec une mise en couleurs sophistiquée, rehaussant les reliefs et les textures. L'apparition du monstre le premier juillet 1947 est sympathique, mais sans l'horreur de scènes similaires dans des tomes précédents. Le dessin en double page du monstre se déchaînant contre des soldats, des tanks et des hélicoptères est sympathique, à la fois descriptif à souhait, à la fois marqué d'une touche grotesque qui peut faire sourire (le corps coupé en deux d'un militaire, la jeep qui vole en l'air), toujours avec une mise en couleurs d'une rare pertinence. Suivent 6 pages qui se déroulent dans les locaux souterrains de la base militaire, avec des décors simplistes. À partir de l'épisode 37, le lecteur éprouve la sensation d'en avoir pour son argent : il retrouve la flamboyance de la narration visuelle. Ça commence avec une opération commando dans un appartement de luxe situé au dernier étage d'un gratte-ciel (une boucherie). Ça continue avec Mikey entraînant des militaires au combat à l'épée, avec la révélation de la vraie forme de Samael Rhodes, le comité de défense de l'appartement lors de la seconde tentative d'intrusion, le combat qui s'en suit entre militaires et créatures magiques, la découverte du monde intérieur de l'appartement créé par Mastema. Bressan & Lucas n'ont pas perdu la main et le spectacle est de qualité, inventif, avec un rythme entraînant.


Le lecteur voit les personnages se lancer à corps perdus dans la bataille, pour un enjeu clair et primordial. Bien sûr en 5 épisodes, ils n'ont pas tous la place d'exister. Le bébé Mya fait de la figuration et encore de loin. Les parents ont droit à une séquence en début puis ils deviennent des figurants de temps à autre. Rya torture Kallista, puis passe également au second plan. L'intrigue progresse rapidement, et le scénariste réserve les séquences de développement des personnages en priorité à Mikey Rhodes, personnage principal de la série. Comme d'habitude, il intègre plusieurs scènes dans le passé montrant un moment de son développement (avec Rook et Ramal), et une autre à Mastema. Le lecteur éprouve la surprise de découvrir une séquence avec Mikey Rhodes enfant, juste avant qu'il ne disparaisse dans les bois. Il n'aurait pas imaginé ressentir une telle émotion à cette vue. Williamson, Bressan et Lucas se montrent encore meilleurs conteurs quand ce jeune Mikey se retrouve face à son père Aaron qui a déjà vécu la séparation. Les dessins se font calmes et le scénariste fait montre d'une sensibilité d'une grande justesse quand le père qui a tant pleuré la disparition de son fils le retrouve tel qu'il a été avant cette disparition traumatisante.


Le lecteur apprécie que les auteurs prennent ainsi le temps d'accorder de tels moments émotionnels à leurs personnages, sans tomber dans le pathos ou la comédie de situation fauchée. Il voit bien que l'invasion de la Terre par Terrenos se rapproche, ce qui annonce peut-être une fin proche de la série et il profite de ces instants d'interactions entre les personnages. Il se laisse emporter par ces individus touchants, par l'objectif qui semble de moins en moins atteignable, par les visuels magnifiques, par les affrontements pyrotechniques, jusqu'à en oublier d'autres aspects du récit. Pour un peu, il ne penserait même plus à l'ironie de la prophétie qui annonçait que Mikey serait le sauveur de Terrenos. Il en oublierait presque la montée d'un manichéisme bien/mal, de plus en plus marqué. Mais en découvrant les projets de Mastema, il se heurte à nouveau au fait que rien ne vient racheter le roi dieu Lore. C'est vraiment un méchant au sang maléfique du terme. Chaque personnage qui en a le pouvoir fait tout pour échapper à son emprise, à son influence corruptrice. Peut-être que la suite réservera des surprises quant à l'histoire personnelle du roi dieu Lore, mais pour le moment il incarne le mal, celui qui trouve toujours moyen d'être présent dans la vie de tous, de la contaminer. Il est possible d'y voir la métaphore de la volonté de puissance, de contrôle, de conquête, un dictateur ultime qui incarne le côté sombre de l'être humain. Avec ce point de vue, le lecteur considère le comportement de chaque personnage, comme une stratégie différente pour vivre avec cette corruption morale, pour s'en accommoder, ou au contraire refuser d'être victime d'elle.


De prime abord, ce huitième tome s'avère moins sophistiqué que le précédent car il donne au lecteur ce qu'il attend (progression de l'intrigue, combat spectaculaire), avec une narration visuelle toujours aussi spectaculaire, tout en repoussant de nombreux personnages en fond de salle, faute de place. Il faut un peu de temps pour que le lecteur prenne conscience que la sensibilité des auteurs ne s'est en rien émoussée, et qu'il est possible de percevoir un autre niveau de lecture, l'impossibilité de rester pur, de ne faire aucune compromission face au mal.

Presence
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le 12 sept. 2020

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