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Toujours beaucoup de qualités pour le troisième opus de cette tétralogie (quatre épées de verre, quatre épisodes, quatre personnages cités dans les titres). Bien que la thématique de base s'apparente un peu trop à Dragonball Z (objets magiques dispersés sur la planète par une force surnaturelle, lesdits objets devant être rassemblés pour éviter la fin du monde), le traitement en est incomparablement plus sérieux, et les codes attendus du bon récit d'aventures sont astucieusement dosés, avec une certaine retenue qui séduit : magie, parcours initiatique pour des personnages jeunes, traîtrises et ignominies de la part du méchant de service, combats, acrobaties nocturnes, tension sexuelle discrète qui tend à émerger au fil du récit, humour, coexistence de personnages sérieux, héroïques, comiques, pépères...

On peut appeler ceci de l'héroïc fantasy si l'on veut (faut bien rassurer les maniaques des classifications et des tiroirs), mais enfin le bestiaire habituel du genre (nains, trolls, orques, elfes et tutti quanti) est réduit à sa plus simple expression : deux nabots sympas et assez marrants qui accompagnent, de gré ou de force, la jolie héroïne (planche 19). Même les monstres ne se bousculent pas, et certaines bébêtes morphologiquement bizarres seraient plutôt sympathiques (Booba, planches 19 et 42).

Sur le fond, évidemment, c'est un peu le délire : comment le fait de récupérer quatre épées de verre pourrait-il empêcher un soleil de s'éteindre et de mettre fin à la civilisation terrestre ? Mais qu'à cela ne tienne : les épées sont bien magiques, elles transforment en statue de verre ceux qu'elles touchent (hormis, bien sûr, les héros élus, qui sont les seuls, un peu comme le roi Arthur avec Excalibur, à pouvoir maîtriser l'épée sans être métamorphosés en serre-livres vitreux). Donc, on peut attendre pas mal de choses de ces épées.

Les personnages sont fort bien travaillés; ce tome 3 voit apparaître un couple atypique d'aventuriers dont on n'aurait guère pensé qu'ils pussent s'associer : Tigran, forgeron bedonnant désolé d'avoir vu sa "mimoune" Pilar vitrifiée à domicile, et motivé pour aller chercher comment la dévitrifier; et Surian, longiligne chaman à la peau noire, style grand sorcier sévère d'Afrique centrale, expert en arts occultes, et qui, en dépit de toute vraisemblance, va former une équipe assez intéressante avec le pépère forgeron. Cette association, incidemment, peut se révéler assez drôle.

Yama, la jolie fille de service, en pleine initiation à l'art de la guerre, en a visiblement assez d'être paternée par le beau Miklos (planche 46), qui doit avoir une quarantaine d'années, et qu'on commence à surprendre en flagrant délit de trouble émotionnel face à cette gamine avec laquelle il jouait impeccablement au Papa, sans penser au sexe je vous prie (planches 18, 45).

Quant aux "moucherons", ces prolétaires asservis de Karelane, ils introduisent une dimension sociale dans le récit, et donnent de belles leçons de vouloir-vivre (planche 42).

Au dessin, Laura Zuccheri réalise un vrai travail d'artiste, méticuleux et fignolé. La luminosité des visages et la lisibilité des décors est frappante, même lors des scènes nocturnes. Les dégradés de couleurs et de lumière usent à la fois de contrastes forts et de délicats continuums, suggérant souvent un réalisme quasi photographique (planche 3). La recherche esthétique pour suggérer un univers particulier est poussée dans le détail : homogénéité et cohérence de ces maisons de village en forme de tour ronde, volontiers adossées à des parois verticales impressionnantes (planches 1, 6), constituées de pierre taillées assemblées en un opus irrégulier (planches 7 et 8); les épées de verre sont joliment ornées; la succession rapide de décors naturels très contrastés (planches 8 à 10) suggère l'étendue considérable du monde mis en scène. Les uniformes baroques des gardes de Karelane (leur casque, surtout) ont dû faire l'objet de nombreux crayonnés préparatoires.Surtout, les architectures fantastiques de Karelane, où des avenues monumentales sont enserrées entre d'intimidants massifs de maçonnerie reposant sur un socle formant des quatre côtés des glacis à pentes très raides (planche 11), austérité quasi militaire que vient briser la profusion de masques et de gargouilles disposées un peu n'importe comment sur les murs. Tours carrées se montant les unes sur les autres vers le fond du décor (planches 11 et 24, 40), dédales de couloirs et de coursives surélevées, à l'itinéraire labyrinthique, parfois pas très loin des dessins d'Escher et de Piranèse (planche 26).

Le récit, riche en péripéties, captive, aussi bien que l'élégance du dessin et des couleurs.
khorsabad
8
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le 21 août 2014

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khorsabad

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