Ce n'est pas vraiment une bande dessinée habituelle. Pas de bulles, pas de successions de planches, pas d'histoire racontée. Des textes et des planches sur un ou deux pages.
Des planches magnifiques. Les dessins de Jean-François Charles sont d'une beauté sidérante, d'une grande richesse dans les détails. Détails drôles, absurdes parfois, ou tout simples, mais qui donnent à l'ensemble le sentiment d'un fourmillement, de toute une vie. Par les cadrages choisis, par les impressions qui se dégagent de l'ensemble, on se croirait plongés dans des tableaux de Bruegel l'Ancien.
Je me suis surpris à rester de longs moments scotché sur certains de ces dessins. Pas seulement à scruter les moindres détails, mais aussi parce que je ne pouvais plus en sortir. On se sent bien dans le monde décrit dans ce livre.

Car c'est tout un monde. C'est là le tour de force de l'album : ne pas raconter une histoire mais faire vivre un univers tout entier. Un univers étrange, mystérieux, mais pratiquement réel. Un univers fait d'innombrables et improbables ponts (à angles droits, certains ne menant nulle part, d'autres étant partiellement détruits ou pas encore achevés), de villes perchées sur des éperons rocheux ou de galeries souterraines.
Et toute une population, divisée en peuples. Il y a les Roulants, passant leur vie à parcourir les ponts dans des roulottes. Les Pâlots, vivant dans l'ombre des rues de leurs villes. Et aussi les Rampants et les Taupiers.
Les textes sont vraiment très beaux. Un exemple, la description de Sémaphore, le marchand de rêves :
"Pour trois fois rien, ce qui était beaucoup pour ces gens pauvres de tout, il inventait un rêve sur mesure. Bien sûr, il était préférable d'en donner certains éléments si l'on voulait un songe bien particulier, mais Sémaphore était si habile qu'au sourire, aux grimaces ou au regard de ses clients, il les transportait dans le monde dont ils rêvaient depuis toujours, sans le savoir ou sans avoir jamais osé se l'avouer."

Vers la moitié du livre, les textes prennent un peu plus d'importance. On nous décrit la grande fête qui unit tous les habitants de ce monde. L'auteur, Maryse Charles, raconte des vieilles légendes ou décrit les petits métiers. De petits dessins en noir et blanc nous montrent des personnages emblématiques ou des scènes de vie. Le monde prend encore de l'épaisseur, de la profondeur.
Je n'ai pas une connaissance très développée de la BD, mais jamais je n'avais encore lu un tel livre. Une véritable merveille.
SanFelice
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le 13 sept. 2012

Modifiée

le 17 sept. 2012

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