Les Guerres silencieuses
7.2
Les Guerres silencieuses

BD franco-belge de Jaime Martin (2013)

Quel beau titre, pour commencer ! Un oxymore qui résume assez bien le contenu de cet album de 150 pages, dans lequel Jaime martin adapte le carnet de mémoires du service militaire de son père. Mais c’est un peu plus que cela : avec une narration faite d’aller-retour entre le présent et différents moments du passé, Jaime martin nous raconte sa propre histoire et une partie de celle de sa famille. L’histoire d’un auteur de bd qui doute, qui cherche un sujet dans la mémoire familiale, et qui finit par raconter le parcours de son père, d’abord la construction de sa relation avec celle qu’il finira par épouser, puis surtout son service militaire, dans la région d’Ifni, au Sud-Est du Maroc, au début des années 1960.

L’album ne raconte pas l’histoire de l’Espagne au Maroc, le récit ne vous expliquera pas pourquoi tant d’Espagnols, au début des années 1960, ont dû faire leur service militaire là-bas. Non, le propos est vraiment centré sur le père, et l’on pourra d’abord ressentir ce qu’était la vie en Espagne dans les années 1960, en pleine période franquiste : une autre époque, où les filles étaient surveillées jusqu’au mariage, le futur marié aussi, d’ailleurs, avec ce poids de la religion et des étapes obligatoires, et à faire dans l’ordre, pour un homme : se fiancer, faire son service, se marier, faire des enfants…

Mais le cœur du récit se trouve dans ce camp de l’armée espagnole au Maroc, où le père subit un service militaire pour le moins éprouvant, malgré l’absence de combats. Une drôle de paix où l’on n’est pas loin d’être en guerre, où l’on se prépare à affronter l’ennemi qui est là, tout près. La vie dans le camp est révoltante, du fait de la chaleur, des punaises, mais surtout du fait de la mauvaise bouffe, et des multiples vexations et injustices. Les soldats sont encore des hommes, mais ils se transforment, et pas forcément en bien : c’est le temps des petites combines, pour améliorer l’ordinaire, mais aussi celui des coups bas, venus notamment des petits chefs : « l’endroit parfait pour décharger sa frustration sur les autres ».

Au final, on comprend mieux la difficulté de ces soldats de raconter ces épisodes douloureux. Le fait qu’ils présentent souvent ça comme une aventure, alors qu’il y a des traumatismes : « pour oublier ce qu’ils t’ont fait ! Pour ne pas se sentir outragé ! ». Bref, pour accepter ce passé insupportable, car il faut bien continuer à vivre.

Bref, un chouette album qui nous fait voyager dans l’espace et le temps, à une époque révolue mais pas si lointaine, car des anciens en portent encore les stigmates. A noter que l’auteur a inclus des photos d’époque pour agrémenter son récit, ce qui n’est pas déplaisant.
socrate
7
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le 30 déc. 2014

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socrate

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